« Un peuple prêt à sacrifier
un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et
finit par perdre les deux. » Benjamin Franklin
Je suis les débats autour de
cette fameuse loi sur le renseignement que nous a concocté le pouvoir. Je remarque
au passage qu’il n’y a guère de débats alors qu’il ne devrait pas en manquer à
ce sujet et que même nos parlementaires, étant donné leur nombre sur les bancs
de l’hémicycle, ne semblent guère concernés. Pourtant tout cela est grave.
La loi dans sa formulation est
assez vague pour que des écoutes, des surveillances de l’activité internet, un
espionnage personnalisé puissent toucher à peu près tout le monde. Je suis sûr
que les écoutes de l’Elysée organisées par Mitterrand en son temps pourraient
avec cette loi entrer de plain-pied dans un cadre légal. Il suffirait que le
motif invoqué trouve sa place dans une des rubriques très générales de la loi.
Facile !
Cela dit ne nous faisons pas d’illusions.
Les moyens existent déjà et sont utilisés pour se renseigner sur les activités,
les intentions de certains, et pas forcément terroristes ou constituant une
menace pour la sécurité nationale. Hollande déclarait bien à des députés du PS
et avant que ne soit révélées les écoutes le visant qu’il n’y avait pas lieu de
s’inquiéter de Sarkozy puisqu’il savait tout ce qu’il faisait. Ben oui !
Mais plus généralement tous les moyens existent grâce aux cartes bancaires, aux
activités sur internet, sites visités, mails envoyés ou reçus, aux téléphones
portables ou non, de dresser le profil de chacun. Google et autres le font déjà
à des fins commerciales. En fait nous sommes tous surveillés à titres divers.
Alors me direz-vous, où est donc
le problème puisque finalement la loi qui nous est proposée, imposée au nom de
la lutte contre le terrorisme, ne fait que reconnaitre une situation de fait ?
J’en vois au moins deux, majeurs.
Le premier est que plus rien ne
pourra désormais arrêter le pouvoir, celui-ci ou un autre. Le droit de faire,
sans limite sérieuse, ne peut qu’inciter à faire davantage que ce qui se
pratique déjà de façon cachée, de façon sournoise.
Le second touche à l’utilisation
de ce qui peut être recueilli comme information concernant une personne mais
aussi, par impact, son environnement, humain, professionnel, associatif. Pour
être plus clair, une information recueillie illégalement ne peut par exemple pas
être utilisée comme une preuve à charge devant un tribunal. La loi le permettra
donc. Et par expérience je peux vous dire qu’on peut aller très loin dès lors
que le recueil de l’information devient licite.
Pour mieux illustrer ça, je vous
livre une petite anecdote. J’ai connu le monde du renseignement militaire,
notamment par l’utilisation de certains moyens concernés par cette loi,
orientés évidemment vers un adversaire militaire potentiel ou réel. Cela dit
quand, au titre de la formation des opérateurs ou de l’entrainement on opérait,
hors cadre opérationnel, une analyse spectrale, on pouvait entendre plein de
choses dont certaines auraient pu être utilisées à des fins malveillantes et
même parfois judiciaires. Bien sûr, à cette époque, il y a une trentaine d’années,
on ne faisait dans ce cadre aucun enregistrement, ni ne rédigeait de PV d’écoutes.
On entendait mais on n’écoutait pas. Tout ça pour dire que si on va à la pêche,
même en aveugle, on va trouver des choses, et qui n’ont rien à voir avec le
terrorisme ou la sécurité nationale, mais qui désormais pourront être utilisées.
C’est bien cela la grande
différence. Même si l’intrusion dans la vie privée existait, ses effets étaient
limités par la loi.
Mais le terrorisme, me direz-vous ?
Bonne question puisque c’est au nom de
cela qu’on légifère aujourd’hui. Sauf que la loi ne concerne pas que le
terrorisme.
Et puis soyons sérieux ! Qui
peut croire une seconde que le risque terroriste sera affecté par cette loi ?
Les Mehra, Kouachi, Coulibaly
étaient connus et surveillés. Reste qu’ils sont passés à l’acte. Ce n’est pas la
loi ni les moyens techniques de surveillance qui sont en cause, mais une
défaillance humaine, collective ou individuelle, selon le cas. C’est une organisation
du renseignement qui peut être en cause, éventuellement le volume humain
consacré au suivi ou à l’analyse, ou une erreur d’appréciation sur la
dangerosité des individus. Mais certainement pas la loi.
Par ailleurs les terroristes
connaissent très bien les dangers d’une surveillance électronique. Ils s’y
adaptent donc par divers moyens, soient les contournent. Finalement la poste, à
moins qu’en plus de la lecture des mails on n’autorise aussi l’ouverture
générale du courrier, est un bon moyen pour les terroristes pour communiquer.
Mais d’autres possibilités existent. Une chose est sure par contre, c’est qu’on
a peu de chance de les trouver sur yahoo, au moins avec leurs adresses mail et
IP traditionnelles.
Par ailleurs, une massification
de la collecte d’informations telle que va la permettre la loi va engendrer
inéluctablement des problèmes de traitement donc augmenter les probabilités que
les cibles (soi-disant) prioritaires car constituant une menace pour la
sécurité nationale passent au travers des mailles du filet. La NSA qui dispose
de milliers d’opérateurs à travers le monde et qui espionne tout azimut n’a pas
pu empêcher le 11 septembre.
Donc s’il s’agit de lutter contre
le terrorisme cette loi me parait inutile et même contre-productive. Quelques
adaptations à l’existant, et dans le cadre unique du terrorisme, auraient pu
éventuellement être envisagées pour que les terroristes ne bénéficient pas des
protections juridiques du citoyen de base. Mais rien de plus.
C’est par contre sans doute le
rêve de tout gouvernement d’avoir cette possibilité offerte par cette nouvelle
loi d’exercer légalement une surveillance généralisée de la population. Les
socialistes, profitant de la peur, l’ont fait. Chacun désormais pourra être
surveillé impunément. Il suffira d’invoquer un motif de suspicion si la chose
est découverte. C’est aussi simple que ça.
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