Ma lecture quotidienne des
"informations ", les guillemets s'imposent de plus en plus je crois,
me rend de plus en plus pessimiste quant à l'avenir du monde. Pas tant à cause
des conflits qui le ravagent, car il y en a toujours eu, même si quelques
régions privilégiées ont pu être durablement épargnées dans l'histoire, pensons
à la pax romana par exemple qui dura 5 siècles. Mais ce ne furent que des
parenthèses. Doit-on en penser que le goût du conflit est inscrit dans l'homme?
Ou plutôt que c'est une condition d'existence des groupes d'hommes,
d'existence, pas de survie? Hobbes ou Rousseau? Bof! Répondre à ses questions
insolubles n'a finalement qu'un intérêt réduit puisque le confit reste une
donnée.
Pourtant depuis quelques petites
décennies les choses ont bien changé quant à l'appréhension des conflits. Et je
crois sincèrement que c'est cela qui les multiplie.
Il fut un temps, pas si lointain,
car je l'ai vécu, où il n'était pas honteux, ni considéré comme
discriminatoire, raciste, machinophobe, ou je ne sais quoi, de désigner
clairement son adversaire ou le danger potentiel, la menace. Et à partir de là
on pouvait en faire un objet d'étude, l'observer, le regarder évoluer, évaluer
ses forces, etc., et s'adapter. Lui-même en faisant d'ailleurs autant. Et ces
comportements symétriques ont permis pendant plus de 40 années d'échapper à de
grandes conflagrations ou à la grande conflagration. Certes, ça faisait peur à
beaucoup cet équilibre fondé sur la terreur, sur la certitude réciproque que si
l'un prenait l'initiative il provoquerait des dégâts autant à lui qu'à l'autre.
Tout le monde était perdant d'avance. Certes le pacifisme de certains (la
peur?) mettait parfois l'équilibre en péril. Je me souviens de ce slogan qui
fleurissait en Allemagne à la charnière des années 70 et 80 : "besser rot
als tot" (plutôt rouge que mort). Mais les dirigeants ont tenu et l'équilibre
tint jusqu'à ce qu'un des protagonistes s'effondre de l'intérieur. Rendons
d'ailleurs grâce à ces dirigeants d'avoir tenu car c'est quand l'un est en
train de s'effondrer que le danger de la fuite en avant est le plus grand.
Et ce fut le vide. Les uns proclamaient
la fin de l'histoire se prenant pout Hegel après la bataille d'Iéna et oubliant
que c'était peut-être le début d'une autre histoire. D'autres plus prudents et
surtout plus lucides prophétisèrent qu'on allait passer de l'ordre au chaos.
Les seconds ont bien sûr eu raison, ayant pressenti que la fin d'un équilibre
mondial garanti par deux superpuissances ennemies allait réveiller les vieilles
passions endormies ou auxquelles on interdisait de s'exprimer. Certes il
restait un héritage de l'ancienne période, notamment des régimes qui aussi peu
sympathiques qu'ils paraissaient avaient encore cette capacité de maintenir
l'ordre dans l'espace placé sous leur juridiction ou leur influence. Mais ces
régimes avaient vocation à disparaitre dans un monde nouveau qui, parait-il,
devait être meilleur et parvenir, selon une trajectoire implacable, à une bienheureuse
démocratie globale. Alors on les y a aidés même si cela fut présenté sous une
forme mensongère, une espèce d'aspiration subite à la démocratie, à la liberté
dont on a vu ce qui en est advenu.
Bon, ça semble compromis! En fait
nous sommes entrés dans une phase de régression dont certaines formes n'ont
rien à envier à ce qu'elles furent aux périodes les plus barbares. Et si on veut
être honnête 5 minutes, on reconnaitra que la clé de voute des conflits est
l'ethnique et le religieux, ce dernier semblant supplanter le premier sans
jamais l'effacer. Quand ils ne se combinent pas. Rwanda, Yougoslavie, Kosovo hier
et maintenant, Macédoine demain, Mali, Centrafrique, Côte d'Ivoire, Ukraine,
Nigéria, Moyen-Orient, etc., etc., car la liste est loin d'être exhaustive, tous
ces conflits ont une source ethnique, religieuse ou les deux. Même à Gaza
aujourd'hui car le combat que mène le hamas et d'autres n'a rien de territorial
mais juste l'expression d'une haine des juifs. Ce n'est pas le territoire où
ils vivent qui est important, c'est juste leur existence sur ce territoire,
terre d'islam, parait-il, et même leur existence tout court.
Les conflits pour un territoire
ou un morceau de territoire se font rares. Les conflits pour la victoire d'une
idéologie politique également. Sauf à considérer les religions ou une religion
en particulier comme une idéologie politique. D'ailleurs les territoires n'ont
guère d'importance puisque les conflits les transcendent largement. Ils se
déroulent sur eux, en débordent. En fait ils ne signifient rien par rapport à
l'ethnique et au religieux. Peut-être autant, voire davantage que la
mondialisation économique et financière, ces conflits consacrent la fin des
Etats-Nations
Et alors me dira-t-on! Après tout
ça se passe ailleurs! C'est triste de voir tous ces morts, ces gens maltraités
pour leur appartenance ethnique ou religieuse, c'est affligeant de voir les tentatives
démocratiques se transformer par le remplacement d'une dictature par une autre.
Etc, etc. On compatit. L'émotion pour guide, l'indignation comme loi,
l'inaction comme règle.
Certes! Sauf que ces phénomènes,
ces nouveaux conflits, immigration incontrôlée oblige, légale ou pas, diversité
obligatoire faisant de l'intégration un quasi-crime contre l'humanité
complétant cela, sont désormais visibles chez nous. Un conflit lointain, un
match de foot, en fait n'importe quel prétexte sont l'occasion de démontrer que
la couleur de peau, l'origine ethnique, la religion sont des ferments de
conflit. Que nos dirigeants, bien moins courageux que leurs prédécesseurs,
davantage guidés par des intérêts qui ne semblent plus guère être ceux de leur
pays, peut-être vaincus eux-aussi par la tyrannie de l'émotion et du compassionnel,
sans doute atteints par le syndrome de la repentance, en fait indignes de leurs
emplois (nous n'oserons même plus appeler ça fonctions tant tous depuis
longtemps se sont empressés de les vider de leur contenu pour se livrer à de
nouveaux maitres), donc que nos dirigeants tentent de minimiser cela est évident!
L'essentiel pour eux est de profiter du pouvoir, ou plutôt de ses signes et
avantages divers et variés, et donc de ne pas franchir ce pas courageux et nécessaire
qui mettrait leur avenir en péril. Mais les petites gens, ceux qui ont dû
quitter le quartier où ils avaient toujours vécu, ceux qui baissent la tête
dans le RER ou en rentrant chez eux, ceux qui savent où il ne faut pas aller
mais n'ont pas les moyens d'aller là où ils voudraient aller, ceux-là savent
que le conflit a déjà commencé. Normal, ils en sont les premières victimes. Et
en plus méprisées. Logique, ils votent pour le seul parti qui décrit leur situation.
Mais ça ne se passe pas qu'en France. Du
coup on s'émeut de la montée des populistes comme on les appelle, la référence au
peuple étant évidemment odieuse aux yeux de ces gens dont les enfants n'ont
guère fréquenté l'école publique ou alors seulement celle des beaux quartiers.
Oui la guerre est déjà
potentiellement chez nous, dans un état de semi-latence, se manifestant par des
violences et des paroles lors de manifestations dont les motifs pourtant sont
assez explicites pour ne pas cacher leurs intentions réelles.
Mais ça, faut pas le dire.
D'ailleurs c'est faux, exagéré et même peut-être une incitation à la violence,
à la haine raciale, religieuse ou je ne sais quoi. Parce que désormais dire ce qu'on
voit, exposer des faits vérifiables par tous et tenter de les interpréter peut
être jugé ainsi. Le monde est en guerre
mais tous les bellicistes sont des gentils sauf ceux qui ont été désignés comme
des méchants, par Obama ou un de ses prédécesseurs, leurs fidèles toutous,
néanmoins chefs d'Etat, enfin de plus en plus fidèles car il y a 10 ans encore
il existait une résistance, et les
médias. Alors aujourd'hui c'est les Russes et Bachar el Assad, hier c'était
Milosevic, Saddam, Khadafi, Gbagbo et d'autres. C'est selon. Selon quoi? Devinez.
En tout cas ce n'est pas toujours très avisé et surtout pas dans les intérêts
de ceux qui "dénoncent", du moins des pays qu'ils représentent. Il
faut faire la nuance.
Au début de ce billet je disais
qu'i fut un temps pas si lointain où on était capable de désigner l'ennemi et
donc de se mettre en position de le combattre. Cette époque est révolue. C'est
même interdit de le faire. Des associations appointées pour cela y veillent assistées
par des lois qui de plus en plus réduisent la liberté d'expression.
La désignation de l'ennemi s'est transformée
en déclarations futiles d'indignation. On s'indigne contre des paroles, contre
des graffitis, contre des violences de façon évidemment récurrentes puisque
rien n'est fait de concret pour que tout cela cesse. C'est à pleurer! Et pas de
rire.
Cette absence de courage, cette
absence de désignation de la menace de façon explicite est un crime et
davantage que cela une faute. Car les pays, les civilisations incapables de faire
cela se condamnent à disparaitre, à être vaincus par ceux qui n'ont pas cette
crainte de désigner en eux leurs ennemis et qui ne s'en privent pas.