Le précédent billet a tenté de montrer, d'une part, que le referendum, bien que prévu dans notre Constitution qui lui consacre deux articles, s'il n'a pas fait peur à de Gaulle qui l'a mis en œuvre quatre fois en moins de 10 ans, n'a pas connu beaucoup de faveur chez ses successeurs. Pompidou l'a utilisé une fois pour poser une question que les autres n'ont plus jamais osé poser ensuite (s'agissant de l'élargissement de l'Europe), Giscard ne l'a pas utilisé, Mitterrand l'a utilisé deux fois (une fois pour le statut de la Nouvelle-Calédonie et une fois pour la ratification de Maastricht), Chirac deux fois (pour la mise en place du quinquennat, pour la ratification du traité constitutionnel européen), et Sarkozy s'en est abstenu.
Pourtant, en cherchant bien on pourrait trouver quelques thèmes, notamment sociétaux sur lesquels les Français auraient sans doute voulu s'exprimer.
La peine de mort par exemple. Cet exemple n'est pas anodin car on peut supposer, mais doit-on croire les sondages?, qu'un referendum sur la question de sa suppression aurait constitué un échec pour Mitterrand. Gardons cet exemple en mémoire car il nous resservira plus loin quand il s'agira de définir l'utilité et les risques du referendum.
Mais on aurait pu considérer aussi que l'IVG pourrait être soumise à l'approbation du peuple, comme l'avancée de la majorité à 18 ans, ou encore la décentralisation (de Gaulle était bien tombé sur la question de la régionalisation), ou bien encore les conditions d'accès à la nationalité française. Chacun pourra trouver d'autres sujets de fonds, soit modifiant l'organisation politique du pays, soit réformant avec plus ou moins d'importance la société.
Car les sujets pouvant être soumis au peuple doivent évidemment être choisis avec circonspection. Il paraitrait, en effet, malvenu d'organiser un referendum sur le temps de travail hebdomadaire ou l'âge de la retraite. Les aspirations des uns et des autres ne pourraient évidemment pas s'accommoder d'autres réalités les rendant impossibles. Ce qui n'est pas le cas s'agissant des sujets évoqués plus haut.
Ce qui signifie que le referendum peut être pensé comme une forme de démocratie directe mais limitée. Limitée dans sa portée démocratique évidemment puisqu'il ne peut concerner tous les sujets même importants, mais aussi limitée au niveau du cadre de son utilisation qui doit d'une part être assez général, c'est-à-dire ne dépendant pas de paramètres aussi multiples que variables dans le temps, et avoir un impact fort sur la vie sociale, politique et éventuellement économique (les politiques de nationalisation ou dénationalisation par exemple).
Le referendum est envisagé dans deux articles de la Constitution, l'article 11 dont voici un extrait :
" Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.
…
Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.
…"
Et l'article 86 sont voici également un extrait :
"L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.
…
Le projet ou la proposition de révision doit être examiné…et voté par les deux assemblées en termes identiques.
Toutefois [souligné par moi], le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
…"
L'article 11 est assez général pour que beaucoup de choses puissent être soumises à referendum. Il est à noter que son champ a été élargi une première fois en 1995 car précédemment les champs économiques et sociaux étaient exclus de l'article. Un second élargissement a été opéré en 2008 avec l'élargissement au champ environnemental et, sans doute plus important avec la possibilité d'une initiative parlementaire pour organiser un referendum. On a pu observer que toutes les personnes concernées se sont ruées sur ces différents élargissements!
Les possibilités offertes par cet article permettraient sans aucun problème de soumettre à referendum au moins 2 des 3 sujets évoqués dans le billet précédent, le traité budgétaire européen (dès lors que le conseil constitutionnel à jugé qu'il n'induisait pas de modification constitutionnelle), ainsi que le mariage homosexuel et l'homoparentalité.
Le vote des étrangers dès lors qu'il oblige à une reforme constitutionnelle implique la mise en œuvre de l'article 86. Toutefois le précédent de 1962 avec l'organisation d'un referendum au titre de l'article 11 pour soumettre au peuple l'élection du Président de la République au suffrage universel laisse ouverte une porte à l'utilisation de ce même article, même si c'est effectivement discutable et encore discuté quand il s'agit du précédent qui vient d'être cité. En 1962 le Sénat s'opposait au changement du mode de désignation du Président et donc de Gaulle a utilisé l'article 11 sous le motif que ça touchait à l'organisation des pouvoirs publics. Il court-circuitait ainsi le Sénat d'une façon qui reste donc discutée par le biais d'un appel direct au peuple, ce qui renforçait le caractère bonapartiste du régime. Puisque la question de la légalité constitutionnelle de ce procédé n'est pas encore tranchée (si ce n'est par le peuple qui vota massivement OUI), laissons à l'article 86 le soin de traiter la question du vote des étrangers.
Mais de quelle façon? Car outre le referendum il existe la procédure du Congrès qui semble très largement privilégiée par les différents présidents. Une seule fois le referendum (à l'exclusion de l'utilisation de l'article 11 pour l'élection du Président) a été utilisé (pour le passage du septennat au quinquennat) alors qu'il y a eu environ une vingtaine de révisions constitutionnelles depuis 1958.
Certes la possibilité du Congrès existe mais, d'après d'anciennes lectures il me semble que cette possibilité était considérée comme marginale, ce que semble expliciter le toutefois souligné par moi. Il semblerait que cette possibilité ait été envisagée pour éviter des consultations sur des sujets touchant davantage la forme que le fond. Ainsi la modification de la durée des sessions parlementaires a été réglée de cette façon sous de Gaulle. Et on comprend aisément pourquoi. Pourtant c'est devenu quasiment la règle alors que des sujets comme l'introduction du principe de précaution dans la Constitution auraient sans doute mérité mieux qu'un vote en catimini à Versailles.
Bref, malgré le constat de nombreuses opportunités d'utiliser le referendum, on se rend compte que cet outil est évité avec soin par nos dirigeants au rang desquels on classera les parlementaires.
J'ai parlé plus haut de sujets qu'il valait mieux éviter du fait de leur caractère technique, conjoncturel et même réversible (d'une façon assez simple) dès lors qu'il s'agit de simples lois. Mais les sujets d'ordre sociétal par exemple sur lesquels il est extrêmement difficile de revenir (peut-on revenir sur l'IVG? Pourra-t-on revenir sur l'homoparentalité?), à mon avis, ne devraient pas être laissés entre les mains d'une majorité politique forcément de circonstance. C'est pourtant devenu une règle. Pourquoi?
C'est une question à laquelle je n'aurai pas la prétention de répondre, même si j'ai quelques idées sur le sujet.
L'exemple de l'abolition de la peine de mort à laquelle en 1981 les Français semblaient être opposés majoritairement semble indiquer que certains hommes politiques ne croient pas dans les vertus de la souveraineté du peuple qu'il faut parfois violer (la souveraineté, bien sûr) pour imposer des règles assimilées à des valeurs éthiques. Ça rejoint des idées qui étaient celles de Lénine par exemple. Le peuple doit être guidé, forcé au besoin. On comprend tout de suite les dangers de cette conception de la vie politique qui semble être assez partagée par ceux qui ont fait profession de la chose et qui étendent le domaine éthique aux autres domaines.
En somme le peuple devrait se limiter à exercer sa souveraineté à quelques moments de la vie politique, donc les élections dont en même temps tout le monde sait qu'elles sont précédées de campagnes particulièrement mensongères. La démocratie repose donc sur l'élection par le peuple de "menteurs professionnels" qui ensuite s'autoriseraient à décider ce qui est bien pour ce peuple. Cette idée, qui n'est évidemment qu'une exagération de ma part, comme elle gagne du terrain explique sans doute certains comportements civiques, notamment une abstention galopante.
Et puis il y a cette impression qui n'en est sans doute pas une que désormais la France serait constituée de savants et d'ignorants. En fait d'un côté on aurait les experts, les "ogues" et les "istes", ceux du moins officiellement estampillés comme tels, principalement par les médias qui font évidemment leur choix, écartant ceux peut-être dont les idées ne sont pas dans l'air du temps (mais en prenant soin d'en garder quand même quelques-uns au nom d'un faux pluralisme de la pensée) ou ceux peut-être pas assez télégéniques. C'est à eux que les politiques ayant évidemment une vision des choses globale s'adresseraient afin de ne pas faire d'erreur. Et puis d'un autre côté, on aurait cette masse de gens pas assez éclairés pour participer à la vie politique sauf en ces quelques démonstrations démocratiques que sont les élections dont j'ai déjà parlé. Le problème désormais, avec internet, les réseaux sociaux et tous ces trucs qui ne nous lâchent plus, c'est que chacun, à condition de le vouloir, peut s'informer ou sinon est soumis à tous une palette d'avis parmi lesquels il pourra choisir ceux qui l'arrangent en fonction de sa situation propre. En fait beaucoup de gens se croient éclairés et évidemment supporteront de moins en moins une situation issue d'un processus décisionnel dont ils sont exclus, et qu'on leur demande pourtant de prolonger par le biais des élections. Il y a de fait un gros malentendu, voire une arnaque qui tourne de plus en plus mal. Alors que les politiques secondés (?) par les experts attitrés devraient éclairer le peuple, ils se gardent bien de le faire tout en lui faisant croire le contraire et sans lui donner ce qui devrait aller avec la connaissance qui en découle, à savoir le droit de décider (supposément en toute connaissance de cause) des éléments déterminants de la vie collective. Et la quasi absence de recours au referendum me semble bien illustrer ce phénomène d'arnaque.
Alors à quoi sert le referendum? S'il n'est pas utilisé, pas à grand-chose. Quand il sera utilisé, à des fins politiciennes. Car après le choc de 2005 dont les politiques, de tout bord ou presque, mais ceux qui nous gouvernent actuellement étaient d'accord, à quelques exceptions près, se sont vite remis avec le traité de Lisbonne adopté par voie législative cette fois-ci, on se méfiera d'autant plus de cette chose destinée à laisser s'exprimer le peuple et on ne le sortira que quand on sera vraiment sûr, mais alors là vraiment, d'obtenir la réponse qu'on veut, juste histoire de renforcer ses positions.
A quoi pourrait-il servir? A associer le peuple aux décisions qui le concernent au premier degré. Le vote des étrangers, ça concerne la citoyenneté de tous, pas de quelques politiciens socialistes en mal d'électeurs dans leur ville. La réforme du mariage et les nouvelles formes de parentalité qui l'accompagneront, ça concerne tout le monde aussi, les pères et les mères qui n'ont peut-être pas envie de devenir administrativement le parent 1 ou le parent 2, mais préfèrent rester père et mère. Bien sûr pour cela, pour mettre le peuple devant les choix qui le concerne lui, et personne d'autre, encore faut-il élever de débat, déjà commencer par le permettre, convaincre, argumenter, bref, faire un vrai travail de politique. Pas forcément facile pour tout le monde. Et puis il faut aussi accepter les défaites. Nul n'oblige à démissionner dès lors qu'on n'a "pas remis son titre en jeu" en cas de défaite. On ne demande pas à tout le monde d'être de Gaulle. On peut même être élu en en étant très loin, vraiment très loin.
si le Prince convoque la plèbe c'est pour faire fi de l'avis de ses courtisans
RépondreSupprimersi les courtisans poussent à cette convocation, le Prince est malmené
la plebe est un recours démagogique à un levier de forçage
si la plèbe demande la parole, c'est la révolution
google veille à orienter la révolution
merci pour votre billet, je me demandais si nos lycéens en sortant du secondaire étaient au fait de l'organisation des institutions