"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

jeudi 18 octobre 2012

17 octobre : journée de honte (ou le nouveau conte national)


Je parle bien sûr du 17 octobre 2012, date à laquelle le président de la République française, s'exprimant au nom de cette dernière et sans doute de ses prédécesseurs dont de Gaulle, nous a narré l'extrait d'un conte national très en vogue actuellement et ayant remplacé le vieux et poussiéreux, et puis aussi moisi, roman national, cette chose qui comportait peut être des approximations historiques, mais qui eut au moins cet avantage de participer à une cohésion nationale désormais disparue en aidant les enfants à aimer leur pays, qu'il soit celui de leurs ancêtres ou celui que leurs parents avaient choisi pour échapper à quelque destin malheureux, avant qu'une partie d'entre eux trop faibles pour résister aux sirènes de ce qu'on appelle les idées progressistes ne se laissent happer par des idéologies antinationales. Pour remplacer ce roman national donc, fut créé un conte national qui dispose de deux particularités : la première est de d'instiller aux Français une haine de leur pays et à ceux qui ne le sont pas la même haine augmentée du sentiment d'être éternellement créanciers de ce pays qui fut si mauvais; la seconde est le simplisme du discours porté par ce roman, reproductible à l'envi au prix de quelques adaptations mineures. Un simplisme attirant évidemment les esprits faibles.

 
Je vous livre ici la trame de ce discours, en l'adaptant aux propos tenus hier par le chef de l'Etat.
Ça commence toujours par la même phrase :
Il était une fois un peuple de méchants (ça c'est nous) qui tout le temps n'ont fait que faire du mal à des gentils plus faibles qu'eux (ça c'est tous les autres, ceux qui veulent frapper à notre porte pour demander réparation).

Adapté au discours d'hier ça donne ça :
Il était une fois un peuple de gentils qui vivaient au-delà d'une mer au sud de notre pays de méchants.
Les gentils étaient vraiment très gentils, avaient toujours vécu en paix et n'aspiraient qu'au bonheur.
Un jour le roi des méchants, un certain Charles (cette histoire commence avec un Charles et finit avec un autre Charles), sous un prétexte évidemment fallacieux, décida d'envahir le pays des gentils. Plein d'autres histoires vous raconteront ce qui se passa ensuite et chacune d'elle vous révèlera à quel point les méchants étaient vraiment très méchants avec les gentils qui ont beaucoup souffert. Bien des décennies, et même davantage qu'un siècle, donc bien davantage que ne dut attendre la princesse pour être délivrée de son sommeil par le prince charmant, rendez-vous compte, les gentils toujours gentils demandèrent aux méchants qui n'avaient cessé de l'être de les laisser tranquille. S'en suivirent beaucoup de représailles injustes et cruelles que les gentils accueillirent en courbant l'échine.
Quelques dizaines de milliers de gentils résidaient au pays des méchants. Sans doute les y avait-on déporté afin qu'ils travaillent pour rien au profit des méchants. Ils disposaient tout de même d'une structure pilotée par les gentils destinée à leur venir en aide. Un truc qui se nommait FLN. Une sorte de syndicat, quoi! Un jour ce syndicat ou presque, suite à un couvre-feu décrété par un très très méchant et sans aucune raison, conseilla, juste conseilla, aux gentils de Paris et des alentours de manifester pacifiquement en allant voir le très très méchant préfet de police pour lui exprimer leurs doléances. Mais le très très méchant préfet de police pas très d'accord donna cet ordre à ces méchantes troupes fort nombreuses et surarmées : "tuez les tous!". Ce qu'ils firent ou tentèrent de faire sans aucune espèce d'état d'âme. Ils étaient méchants. Aussi les braves gentils qui avaient revêtu pour aller saluer le très très méchant préfet de police leur habit du dimanche se trouvèrent vite face à face avec un bande de brutes sanguinaires armées jusqu'aux dents et qui sans sommation aucune commencèrent un massacre systématique. Des centaines, et même peut-être davantage encore de gentils succombèrent.
Quelques mois plus tard on accorda aux gentils de pouvoir recommencer à vivre entre eux dans la joie et l'harmonie comme ils l'avaient toujours fait depuis des temps immémoriaux jusqu'à ce que le méchant Charles, roi des méchants les en sorte. Ça marcha bien, tellement bien. Leur vie devint si heureuse et prospère que beaucoup d'entre eux, et même davantage décidèrent d'émigrer vers le pays des méchants qui les avaient persécuté, eux ou leurs parents, juste dans le but de nous montrer, à nous les méchants, d'abord qu'ils n'étaient pas rancuniers et ensuite combien la gentillesse était source de bonheur, un bonheur évidemment qu'ils venaient partager avec nous. Ce qui énerve encore quelques méchants incapables de se résoudre à voir devant eux l'expression d'une telle félicité.

S'agissant d'ailleurs des méchants, le Charles, président des méchants, et qui avait accédé aux demandes des gentils ne s'attarda pas sur les massacres opérés sous son règne et en particulier celui de cette fameuse nuit d'automne que nous venons d'évoquer. Ses successeurs non plus. Pas même celui qu'on avait pris parfois pour un juste bien qu'il ait quand même pas mal de sang de gentils sur les mains et quelques une de leurs têtes à son actif. Puis vint notre lumière à tous, notre coryphée de la justice, et qui déclara sentencieusement et laconiquement : "la République reconnaît avec lucidité la sanglante répression qui, le 17 octobre 1961, à Paris, a coûté la vie à des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance."

 
Un peu court pour une bonne compréhension des événements et suffisant cependant pour que le conte évoqué ci-dessus soit finalement crédible. Une seule coupable : la République, une vision simpliste des choses : une sanglante répression d'abattant sur de paisibles manifestants dans leur droit.
Ah! Si les choses étaient aussi simples que ça, je n'aurais même pas prêté attention à cette déclaration. Peut-être même que je l'aurai approuvée et le serais étonné que les 6 prédécesseurs du président actuel ne l'aient pas faite et aient même traduit en justice les assassins, puisque présenté de la sorte ce ne pouvaient être que des assassins qui avaient commis ce massacre.
Mais les choses ne sont pas aussi simples que cela. Et cette déclaration est d'autant malvenue qu'elle occulte la complexité des choses. Ceux qui ne sont pas curieux, ceux qui connaissent mal l'histoire de leur pays, et ils sont nombreux les uns et les autres, se satisferont de cette version des faits induite par une déclaration lapidaire : des policiers assassinant des manifestants dans leur droit.

Je ne rappellerai pas le déroulement des événements, tout étant disponible au moins sur internet pour ceux qui voudraient s'en faire une idée. Je me contenterai de quelques points remettant en cause cette vision manichéenne d'un événement historique.
Tout d'abord le contexte. Nous sommes en guerre. Et un certain nombre de nos ennemis appartenant au FLN opèrent sur le territoire métropolitain et plus particulièrement à Paris. La communauté algérienne est sous l'emprise tyrannique du FLN qui massacre ses opposants, notamment ceux du MNA, impose l'impôt révolutionnaire, régule les modes de vie. Les récalcitrants sont assassinés. Donc personne parmi les Algériens en France n'a vraiment le choix. Et ce choix ne leur est pas donné non plus le 17 octobre 1961. Ils doivent manifester ou mourir. Le FLN mène aussi une guerre contre la France et plus particulièrement contre les forces de l'ordre. Malgré une trêve ordonnée par le GPRA afin de ne pas nuire aux négociations en cours qui se concluront quelques mois plus tard par les accords d'Evian, les attentats contre les policiers ont repris. Depuis le début de l'année, 22 policiers ont été assassinés et 76 blessés dans des attentats. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler ce contexte.
Les faits maintenant. Un couvre-feu, peut-être illégal, en tout cas certains parlementaires le contestent puisque les Algériens sont aussi des Français et sont donc atteints par une mesure discriminatoire, est établi pour protéger les policiers. Le FLN décide d'en profiter pour engager une épreuve de force envers le gouvernement et surtout envers le préfet de police Papon qui est sa bête noire, sans doute trop efficace. Et donc il mobilise de force les Algériens de la capitale et des alentours pour une grande manifestation tenue secrète jusqu'à son déclenchement. Le FLN est conscient que c'est une épreuve de force capitale et prend des risques calculés : soit les forces de l'ordre laissent faire la manifestation et le pouvoir est discrédité, soit elles réagissent et on sait qu'il y aura des victimes. Les forces de l'ordre ne l'apprendront que tardivement. Et se retrouveront confrontées à 5 cortèges destinés à converger vers la préfecture de police. Le renseignement tardif fait qu'il n'y aura que moins de 1700 policiers pour faire face à une foule de manifestant dont le nombre reste incertain mais oscille entre 20000 et 50000 selon les différentes estimations. Le sous-effectif des forces de l'ordre, la tension qui règne renforcée par des rumeurs faisant état de morts parmi les forces de l'ordre dès le début de la manifestation, des coups de feu tirés par on ne sait qui, peut-être par le FLN voulant faire monter la pression, tous les ingrédients sont réunis pour que les choses se passent mal. Et elles se passent mal. Et il y a des morts.
Sur le nombre de victimes, là encore le chiffre est très incertain. On ne retiendra pas le chiffre officiel de 3. Mais les historiens qui se sont penchés sur la question ne sont jamais parvenus à se mettre d'accord et on oscille donc entre le chiffre d'une trentaine et celui de 300. Ce qu'on sait c'est qu'entre le 17 et le 21 octobre seulement 7 morts Nord-Africains imputables à la police furent transférés à l'institut médico-légal. Juste pour mémoire, entre le 1er et le 3 octobre, donc deux semaines plus tôt, c'étaient 22 Nord-Africains qui étaient transférés à l'institut médico-légal dans le cadre des règlements de compte entre le FLN et le MNA.

 
Evidemment il ne s'agit pas de nier ces morts. Il ne s'agit pas de dire que ce n'est pas la police française qui les a tués. Personne n'a jamais d'ailleurs dit que le 17 octobre 1961 il ne s'était rien passé. Personne n'a jamais remis en cause le fait que des manifestants désarmés soient morts ce jour là. Mais après ce qui vient d'être dit, peut-on raisonnablement, objectivement en attribuer la seule responsabilité aux forces de l'ordre et par-delà à la République? Je ne le crois pas. Peut-on affirmer que c'est délibérément et de façon préméditée que les policiers ont tués quelques dizaines de manifestants? Je ne le crois pas non plus.
Les responsabilités du FLN sont évidentes dans cette affaire. Il savait les risques qu'il faisait prendre à des manifestants désarmés et auxquels il n'a pas donné le choix de participer ou non. La manifestation était hors la loi. Elle n'avait pas donné lieu à une demande d'autorisation et se situait dans le cadre d'un couvre-feu dont seules les autorités compétentes pouvaient juger de l'illégalité. Dans le contexte de meurtres de policiers le caractère pacifique de la manifestation n'avait rien d'évident notamment aux yeux des forces de l'ordre en faible nombre. Quant au caractère sanglant de la répression dans la mesure où le nombre de morts reste indéterminé, il n'est pas avéré non plus.
Or, ceci Hollande l'a totalement et délibérément ignoré dans sa déclaration préférant salir la France plutôt que de nuancer ses responsabilités et la réalité de l'événement. Il est entré dans la logique du nouveau conte national, de nature antifrançaise, et s'en est fait le promoteur.
En ce sens son discours porte la marque de la honte et de l'infamie. Que partagent tous ceux qui aujourd'hui s'esbaudissent devant cette déclaration, sans doute une nouvelle fois heureux de voir piétiner leur nation.
C'est également un discours particulièrement aberrant pour quelqu'un qui voulait restaurer la cohésion nationale. Salir son pays alors qu'on en est le chef, heureusement très provisoire, n'est sans doute pas du meilleur goût pour réaliser un tel objectif.

La tournée des popotes version 2012

1 commentaire:

  1. Cher Expat,
    Ne serait-ce pas tout simplement le service minimum, prélude à un futur voyage officiel en Algérie de notre Président ? Usbek

    RépondreSupprimer