Ségolène Royal, qui décidemment ne peut se résoudre à une retraite politique que semblent lui souhaiter pourtant les électeurs, s'est récemment exprimée auprès d'un journaliste du Point sur les raisons qui font que la ministre des droits des femmes et accessoirement porte-parole du gouvernement ne s'appelle pas Claudine Dupont mais Najat Vallaud-Belkacem. En effet, selon elle, ce seraient les origines étrangères ou ethniques de l'intéressée qui lui auraient servi de tremplin pour passer de l'ombre à la lumière. Elle-même d'ailleurs s'était fondée sur cette particularité pour la promouvoir dans son équipe de campagne en 2007. Certes ne nous y trompons pas. NVB, pour faire court, n'est pas que cela et dispose d'atouts non négligeables, notamment un parcours scolaire très correct, même si elle a raté l'ENA, ce qui n'est sans doute pas une tare et constitue peut-être même une chance au moins pour les autres. Mais bien des Claudine Dupont qui ont des profils similaires n'auraient pas, selon Ségolène Royal, ce petit plus leur permettant de sortir du lot ou de l'anonymat si on préfère.
Certes Ségolène Royal ne se reconnait pas dans ces propos, la formule elle-même signifiant bien qu'elle les a tenus, un peu comme Jospin ne se reconnaissait pas dans ceux qu'il avait tenus quand il jugeait en pleine campagne présidentielle de 2002 Chirac un peu trop usé pour remettre le couvert. Reste qu'il les avait tenus. Et comme il n'y a pas de plainte en diffamation, on peut donc être à peu près sûr que les paroles furent dites. Mais finalement ce n'est guère important d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'accabler ici la candidate malheureuse à la présidentielle de 2007 qui n'a vraiment pas besoin de ça. Non, ce qui est important est de juger si effectivement faire partie de la diversité, selon la formule désormais consacrée pour ne plus faire référence à la couleur de la peau ou aux origines ethniques, peut constituer un avantage dans certains milieux tandis que dans d'autres il est toujours considéré qu'il s'agit un handicap du fait de discriminations pistées avec opiniâtreté pas les associations ad hoc et qui en vivent, fort bien d'ailleurs, et sanctionnées sans pitié par les juges. Ou posé autrement, le malheur supposé de beaucoup ferait-il le bonheur réel de quelques-uns?
Une observation rapide nous permettra évidemment de constater que Ségolène Royal ne dit pas que des bêtises et que les propos tenus par elle sont l'expression d'une réalité tangible qui est loin de ne concerner que la gauche au pouvoir actuellement.
La présence de ministres de la diversité, comme on dit, n'est pas une nouveauté en France. Reste maintenant à définir le sens qu'on donne à cette présence dans les gouvernements. Utilisation de compétences avérées, création de passerelles avec les colonisés, soumission à une mode ou aux pressions définies dans mon précédent billet? Sachant évidemment que ces motifs ne sont pas exclusifs les uns des autres. Reste qu'il est difficile d'accorder le même sens à la présence dans un gouvernement de Blaise Diagne (3ème République), Lamine Gueye (4ème), Félix-Houphouet-Boigny (4ème et 5ème), Nafissa Sid-Cara et Michel Habib-Deloncle (5ème), avec celle de Rachida Dati, Rama Yade, Najat Vallaud-Belkacem ou Yamina Benguigui. Entre les deux il me semble que la promotion médiatisée à souhait, la mise en spectacle se sont imposées. Un peu, non même pas un peu, comme avec les femmes. Là où la parité est une règle, la représentativité de la diversité doit en être également une désormais.
Cette mise en spectacle a peut-être commencé en 1991, avec la nomination de Kofi Yamgnane dans le gouvernement de Edith Cresson puis dans celui de Pierre Bérégovoy, Kofi Yamgnane dont le seul mérite politique avait, outre le fait d'être membre du PS, d'avoir été élu maire d'un village breton (Saint-Coulitz) que vous pouvez traverser sans vraiment vous en rendre compte (je l'ai fait et peut donc en parler). En tout cas, après ça il était difficile pour un gouvernement de ne pas avoir son ou plutôt ses "divers" à mettre sur la photo.
Après ce très rapide survol historique, revenons au cœur du sujet. Et essayons de montrer en quoi la diversité peut être un avantage concurrentiel certain pour parvenir dans les hautes sphères de l'Etat. Ou qu'il existe de facto une réelle discrimination positive à ce niveau.
La discrimination positive c'était le truc de Sarkozy, en quelque sorte une remise en cause de la méritocratie censée assurer la promotion des meilleurs, mais honnêtement déjà bien mal en point, d'autant plus mal en point que le moteur principal de cette méritocratie, après avoir connu ses premiers ratés dans les années 70-80 semble s'être définitivement tu. S'il n'a pas pu réellement l'appliquer au niveau national, ou pas réellement voulu, qui sait?, en tout cas, il est clair et net, et il a dû ensuite s'en mordre les doigts, qu'il mit ce processus en œuvre pour désigner certains de ses ministres. J'en ai cité deux plus haut qui sont emblématiques de la démarche de nommer des gens essentiellement à cause de leur origine. S'agissant des autres, Jeannette Bougrab ou Nora Berra par exemple, il me semble qu'il y avait autre chose que cela, que d'autres qualités pouvaient leur faire prétendre aux postes occupés.
S'agissant d gouvernement en place, il est bien entendu trop tôt pour émettre un jugement sur la qualité des ministres issus et surtout issues de la diversité, mais on peut tout de même tenter de démontrer que leurs origines, leur qualité de "divers" n'a pas été neutre et a constitué ce plus dont je parlais plus haut. Et c'est Fleur Pellerin qui nous livre l'information lors d'une interview à elle : « Quand il a fallu renouveler les équipes, on a cherché des femmes, jeunes, issues de la société civile et de la diversité, même si cette dernière donnée m'énerve. Je cochais pas mal de cases …" Certes Fleur Pellerin a fait sciences-po et l'ENA et ne doit pas manquer de compétences, mais elle-même reconnait implicitement que ses origines on sans doute fait basculer une décision de nomination en sa faveur. Aussi les propos de Ségolène Royal prennent-il tout leur sens et surtout leur pertinence. Il y a bien eu discrimination positive lors de la formation de ce gouvernement.
Comme il y a eu, comme il y aura discrimination positive lors de la désignation des candidats aux diverses élections de la part du parti socialiste. Lors des législatives, le PS a réservé un certain nombre de postes de candidats, donc non soumis à des primaires locales à des membres de la diversité. Etonnamment, car c'est quand même la gauche, un parti ouvert, tolérant et tout et tout, Christophe Borgel qui était secrétaire national aux élections justifiait ceci ainsi : "les conditions locales d'investiture étaient telles qu'il y avait des refus d'accueillir un candidat ou une candidate issue de l'immigration ou des DOM." De fait, et Martine Aubry le déclarait implicitement en 2009 avant les élections européennes ("Pour les élections européennes, nous garderons le même critère (20%), y compris pour les places éligibles et les têtes de liste."), le PS a établi des quotas destinés à assurer une meilleure représentativité de la diversité au sein de la classe politique, au sein des élus.
Certains pourraient peut-être s'en réjouir, se dire qu'une société diverse avant de devenir métissée doit être mieux représentée. Sauf que la diversité dont il est question se fonde sur une vision racialiste ou ethniciste de la société. Et ne prend donc pas en compte une autre diversité sans doute plus réelle, à savoir la diversité sociale. Car globalement, la discrimination positive telle qu'appliquée par le PS, par le président et son premier ministre quand ils forment leur gouvernement, ne bénéficie qu'à des personnes faisant généralement partie d'une certaine élite intellectuelle, issue de ou appartenant tout aussi généralement à des catégories socioprofessionnelles élevées ou assez élevées. Voir davantage de noirs ou d'arabes à l'Assemblée nationale, au gouvernement, ne permettra pas davantage aux classes les moins favorisées de se faire entendre, d'exposer des soucis que ceux qui sont leurs représentants élus ignorent ou veulent ignorer. Tiens, par exemple, l'insécurité culturelle. Et pire peut-être, une représentation fondée de plus en plus sur le racialisme risque de projeter ses fantasmes sur la société, voir par exemple les discriminations là où elles n'existent pas, légiférer en conséquence et introduire les ferments d'une division de la société effectivement de plus en plus racialiste. Le fait, mesure annoncée aujourd'hui, par exemple de vouloir aider 100000 jeunes peu formés est en soi une bonne chose, dans l'absolu. Le fait de donner priorité aux quartiers défavorisés (c'est quoi un quartier défavorisé?) consiste à favoriser de fait des gens en fonction de leurs origines ethniques, et ça c'est une mauvaise chose. Parce que c'est de la discrimination positive.
j'ajoute que le journaliste du Point Saïd Mehranne a l'air ...divers.... droite
RépondreSupprimeret qu'un journaliste de cette pointure ne se commet pas et n'écrit pas pour ne rien dire
de plus la perfidie de SR est sans limites le reste à venir
croyez vous que nétino a les groles de montagne pour grimper jusqu'ici?