"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

dimanche 18 décembre 2011

A bas la culture générale



Ceci pourrait être un slogan faisant l'unanimité tant à droite qu'à gauche. L'une et l'autre ayant pris conscience de l'inculture chronique de pans entiers de la population, en étant même parfois frappés en leur sein, ont effectivement décidé de reléguer la culture générale aux oubliettes, en tout cas de ne plus en faire un élément discriminatoire. Et c'est normal me direz-vous, car discriminer ce n'est pas bien du tout selon les nouveaux poncifs en vigueur. Comment oserait-on priver quelqu'un d'un poste dans une grande école, dans une administration, d'une promotion sous prétexte que d'autres sont plus cultivés que lui et méritent donc ces avantages? Oui parce que les récompenses ou l'accès à certains postes ou à certaines écoles sont devenus des avantages, des privilèges et non plus le résultat de compétences, de travail, de mérite. Et comme les privilèges on veut enfin que ça cesse, il importe d'en supprimer les causes. Autrefois ce fut la noblesse qui elle-même renonça à ses privilèges en cette fameuse nuit du 4 août 1789 qu'on aimerait voir se répéter à l'infini. Aujourd'hui, c'est l'argent, ce qui peut parfois se comprendre, mais ce sont aussi les qualités intrinsèques des individus. Pourquoi donc un individu doté d'une solide culture générale devrait-il être avantagé par rapport à un parfait connaisseur des péripéties de secret story? Les connaissances sont-elles hiérarchisables? Et en fonction de quels critères, s'il-vous-plait? L'égalité à tous les étages, s'il-vous-plait, et que les crétins et les dilettantes soient aussi bien servis que ceux ayant eu à cœur de se forger une solide culture générale.

Pauvres idiots encore en train de se référer à cette vieille citation de 1934 du lieutenant-colonel de Gaulle "La véritable école du Commandement est la culture générale. … Au fond des victoires d'Alexandre, on retrouve toujours Aristote." (Vers l'armée de métier), ceux-là n'ont pas su s'adapter à leur époque qui donc n'a pas à leur reconnaitre de mérites particuliers. Quelle formule inadéquate d'ailleurs! Qui oserait encore parler de commandement? Même dans l'armée on l'évite. On est passé du commandement au management et désormais on tourne autour du terme de collaboration, en évitant soigneusement de parler de supérieurs et de subordonnés, termes, ô combien, discriminants. Peut-on être supérieur à quelqu'un? Ou subordonné à un autre? Non, ceci n'est pas sérieux et s'il s'avérait qu'au-delà des mots, dans les faits, on s'apercevait d'une forme quelconque de hiérarchie, celle-ci ne serait qu'inégalité. 

Car c'est ce qu'est devenue la hiérarchie : une inégalité, donc quelque chose à combattre. Et donc pour la combattre pourquoi ne pas s'attaquer à ce qui, malgré quelques imperfections certes, la fondait : la méritocratie. Vous savez cette chose qui permettait, à condition d'en faire l'effort, de se soustraire à son milieu social d'origine quand on était de basse extraction (référence directe à la France d'en bas), cette chose qui permettait si on avait certes les moyens intellectuels, mais aussi un certain gout de l'effort doublé d'une certaine ambition de dépasser la condition dans laquelle semblaient vous vouer, selon certains sociologues très en vogue, votre origine : soit aux honneurs et à la fortune soit à la médiocrité. Et bien entendu pour bouleverser ces déterminismes il fallait s'attaquer non pas à ce qui les fondait, mais à ce qui permettait de les perpétuer. Car s'attaquer à ce qui les fonder n'aurait pu guère consister en autre chose que de priver les parents de leurs enfants et réciproquement et d'élever ces derniers en batterie, comme les poulets. Mais ne brûlons pas les étapes, les esprits ne sont pas encore près, même si pourtant cette méthode aurait l'avantage certain, voire la certitude d'en finir avec les héritiers et la reproduction sociale. 

Donc plus modestement ces doctes hommes par le biais d'hommes politiques et d'éminents pédagogistes autoproclamés leur servant de nervis se sont attaqué avec un succès incontestable à ce qu'ils considéraient comme le vecteur principal de la reproduction sociale : l'école. Le résultat a été étonnant, inimaginable encore pour des gens comme moi qui ont eu 20 ans à la fin des années 70 et donc faisant partie de la dernière génération de sacrifiés, celle qui a connu encore l'ancien système élitiste, celui qui se permettait encore de sélectionner et osait même prétendre apporter des connaissances aux élèves qui le subissaient. Quelle impudence! Oui, le résultat a été tellement stupéfiant que, alors qu'elle ne cessait d'augmenter de façon très significative, la proportion d'enfants d'ouvriers et d'employés qui accédaient à aux grandes écoles ne cessait d'augmenter de façon significative a été réduite pratiquement à néant. Ceci dit on a quand même permis quasiment à tous d'accéder à l'enseignement supérieur en faisant du baccalauréat un droit quasiment inaliénables plutôt qu'une épreuve. Comme on ne pouvait pas encore pratiquer l'élevage en batterie on se limita donc à l'enseignement selon les mêmes pratiques. On a appelé ça l'enseignement de masse. Coup de masse sur le crâne, oui! 
Mais bien évidemment comme tout système est imparfait, avec les années on s'est rendu compte qu'il pouvait encore être amélioré. Pour ce qui est de l'université le passage au système LMD a permis de repousser d'une année la terrible sélection que constituait le DEUG. Et selon ce que j'ai pu lire ici ou là, par des systèmes de compensations, entre semestres de trois mois, entre matières dont certaines n'ont aucun rapport avec l'enseignement majeur, auxquels s'ajouteront sans doute des consignes impératives de mansuétude, on ne serait pas loin de mettre à bas l'obstacle constitué par la licence pour que tous, même les crétins puissent continuer à profiter sereinement d'un enseignement universitaire de masse. Objectif probable : bac+5 pour tous, droit qui sera peut-être inscrit un jour dans la constitution. Reste que quand même le système reste imparfait à cause d'une verrue dont certains aimeraient bien se débarrasser définitivement, mais qu'on attendant on entend traiter de façon efficace. Je parle évidemment des grandes écoles.
Oui, car les grandes écoles osent encore se permettre de sélectionner leurs élèves. Et c'est vrai que ceux-ci qui ont réussi à s'abstraire de l'enseignement de masse pour accéder à une certaine connaissance ne se recrutent plus guère dans les classes sociales les plus basses. Et pour cause! Car il faut disposer d'un capital financier et/ou culturel pour compenser les bienfaits de l'enseignement en batterie et assurer à sa progéniture certain potentiel. En voulant supprimer les héritiers on n'a fait que renforcer la reproduction sociale. Et ceci c'est inadmissible.
Donc faute de pouvoir d'ores et déjà supprimer les grandes écoles, mais rassurez-vous ça viendra, on peut commencer à les affaiblir en s'attaquant à leur mode de recrutement, en faisant baisser la qualité de ce dernier et donc en pourrissant à terme ces écoles de l'intérieur.
 
Pour cela on n'a pas manqué d'imagination. C'est surtout sciences-po qui fut et reste à la pointe du combat. Avec tout d'abord la mise en place de recrutements différenciés, par le biais des contrats d'éducation prioritaire (CEP) permettant aux jeunes de ZEP, enfin de banlieue, d'accéder à m'école non tant par leur mérite puisqu'ils ne se confrontent pas aux autres, que par leur origine. C'est en effet la diversité, une fois de plus qui est la cible (les 2/3 des admis par cette voie ont au moins un parent né hors de France –source sciences-po), pas les enfants d'ouvriers, pensez-donc! Ils n'auront qu'à voter FN comme leurs parents. Reproduction sociale, vous avez dit? Peut-être que quelqu'un pourra au passage m'explique comment au nom de l'égalité des chances, on crée des conditions d'admission inégales par le biais de concours différenciés en fonction essentiellement du lieu de résidence.
L'ENA a tenté une expérience similaire avec une préparation spécifique pour ces jeunes jugés défavorisés. Là il y a eu ce qu'on appelait auparavant un dysfonctionnement majeur et qu'on appelle désormais un gros bug : le jury sans doute mal briefé ou n'ayant peut-être pas reçu de consignes assez strictes ou menaçantes n'a sélectionné aucun de ces candidats particuliers. Nul doute que la prochaine fois les choses changeront car ça ne peut quand même pas décemment continuer comme ça. Ou on change le jury ou on crée un concours particulier. M'enfin!

Mais revenons à sciences-po. Malgré cette voie particulière de recrutement que son les contrats d'éducation prioritaire, force est de constater que les enfants issus des milieux favorisés y restent largement majoritaires. Certes ils ont réussi le concours, mais quand même, ça fait tâche, enfin pas très démocratique quoi! Car dans notre beau pays alors qu'aucun ouvrier à ma connaissance ne siège au parlement, on s'émeut vivement quand les enfants des milieux peu, mal ou pas représentés du tout dans les instances censées garantir le fonctionnement harmonieux de notre démocratie, ne sont pas représentés en masse dans les écoles prestigieuses. Mais plutôt que de se demander pourquoi ils réussissent moins bien au concours que les autres, et de trouver des solutions, il parait plus simple de modifier les règles d'admission. Donc en ce qui concerne sciences-po, les CEP dans un premier temps et ensuite puisque ça ne suffit pas, eh bien il faut penser à une modification des épreuves du concours. Celle-ci sera effective en 2013. Parmi les points essentiels, on note déjà que la procédure qui voulait que la mention très bien au bac vaille admission est supprimée : il ne faudrait quand même pas favoriser l'excellence, n'est-ce pas? Les épreuves d'admissibilité seront complétées par, et ne vaudront pas plus que l'examen du dossier du candidat. Alors là, ça ça décoiffe quand même un peu parce que c'est la remise en cause totale de l'esprit d'un concours où les épreuves d'admissibilité sont en principe anonymes. Quand on connait l'objectif affiché de cette réforme qui est de modifier le profil sociologique des élèves, ce que le concours particulier des CEP n'a que partiellement réussi, on comprend clairement que le critère "fils de" ou "fille de" sera déterminant, et laissera sur le carreau des candidats qui auraient mérité leur admissibilité mais qui n'auront pas eu la chance d'être de "bonne" extraction. Ce que la révolution avait aboli, on nous le ressert d'une autre façon. Et pour terminer on supprime purement et simplement l'épreuve de culture générale, sans doute trop discriminatoire. Mais rassurez-vous, si toutes ces mesures ne suffisaient pas, il reste l'entretien d'admission qui permettra d'affiner les choses et de se rapprocher, peut-être même dépasser l'objectif fixé qui n'est plus de recruter les meilleurs, ça c'est ringard, mais d'avoir un profil sociologique des admis "acceptable" selon les normes en vigueur.
 
Dans tout ce processus, très général au demeurant, il est clairement évident que la culture générale ne peut trouver sa place tant elle semble, pour des raisons qu'il serait malséant d'examiner, qu'elle favorise certains milieux sociologiques, en fait ceux, mais il ne faut pas le dire, qui compensent une éducation lacunaire mais permettant d'obtenir des objectifs chiffrés remarquables quant au nombre de nos diplômés. Aussi dans ce cadre, vous aurez compris que les connaissances, les compétences, l'effort ne peuvent trouver aucune place. On ne recrute plus les meilleurs désormais, on recrute en fonction de l'origine. C'est déjà effectif dans la fonction publique ou la présente majorité a supprimé, sous les applaudissements des certaines associations, les épreuves de culture générale dans les concours de certaines catégories. Je serais tenté de dire, pour finir, que refuser de reconnaitre les qualités d'un individu au profit de son origine sociale ou ethnique est d'une certaine façon un crime contre l'humanité. Mais celui-là ne manquera pas d'être applaudi.

3 commentaires:

  1. nous sommes du genre humain avec un même cerveau capable de développer certaines potentialités cultivées par l'apprentissage permanent et l'identification de ces potentialités
    ce qui est le job de la famille et de l'école
    hors donc , devant la démission, des prélèvements seront effectués pour un accés aux plus hautes études
    dommage, il y a autant de cancres à Neuilly qu'à Sarcelle, à Neuilly on continuera à dormir sur Bourdieu et Passeron en étant le fils à son père
    de l'autre coté du périph on ne saura pas qui les a condamnés
    encore que être le fils à son père ne signifiait pas être débile ou hermétique à la connaissance, loin de là
    ça a glissé comme un invariant, rien ne met le pied sur la marche première de l'echelle sociale désormais, que soi même, mais ce soi même se délite

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  2. On n'est plus très loin d'un tirage au sort avec respect de certains quotas.
    On veut guérir le cancer mais pas le patient.

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  3. j'ai cherché par ailleurs "culture générale " dans google
    ce concept se réduit pratiquement au trivial poursuite et autres quiz
    on va finir par tout oublier, ce que l'on savait, ce que l'on ne sait pas , ce qu'il faut savoir

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