"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mercredi 9 novembre 2011

Europa !



Pourquoi pas Europe comme titre? Parce que si l'Europe politique, économique et sociale doit se faire un jour elle sera vraisemblablement allemande. Donc tant qu'à faire autant lui donner d'ores et déjà son nom en allemand. C'est d'ailleurs le nom du site internet de l'Union Européenne.
Nous sommes cependant encore bien loin du "Europa über alles". On en serait même à ce stade de l'évolution mondiale à "Europa unter alles" ("l'Europe en dessous de tout") tant il apparait que l'entité européenne du fait de sa fragmentation est plus que jamais un nain politique incapable de faire face d'une seule voix aux enjeux mondiaux et même obligée pour se maintenir au moins en l'état d'aller mendier auprès de la Chine dont le PIB est trois fois inférieur au sien.
Il me semble donc utile de réfléchir sur ce mal européen dont nous souffrons de manière chronique et qui risque de voir le projet européen, le rêve pour certains mais aussi le cauchemar pour d'autres, se dissoudre très rapidement après plus d'un demi-siècle d'existence.
 
Avant de commencer, et ceci pour préciser ma position, je fais partie de ceux qui ont voté "NON" à Maastricht et "OUI" au traité constitutionnel. Pas de bol j'étais dans le camp des perdants à chaque fois. Cette position apparemment contradictoire, mais je m'en expliquerai, ne l'est cependant pas plus, et même plutôt moins je pense, que celle de ceux qui ont eu la démarche inverse, donc les vainqueurs des deux consultations auxquels néanmoins on a dérobé assez rapidement leur seconde victoire. Parce qu'il ne pouvait guère en être autrement. Simple question de cohérence ou peut-être plus raisonnablement de pragmatisme. Car autant je comprends ceux qui ont voté non aux deux consultations, cohérents mais pas forcément pragmatiques, autant je m'interroge sur les motivations de ceux qui ont lancé un train et veulent en sauter en marche voire pire le faire dérailler. Je pense en particulier aux socialistes, nombreux, qui sous la houlette de Fabius ont eu cette attitude. Pour ma part, j'estime faire partie de ceux qu'on a obligé à monter dans le train, et qui, bien que déçu par le menu proposé au wagon restaurant et son prix, se dit qu'il serait sans doute plus risqué désormais de sauter en marche, même si la probabilité d'un déraillement futur n'est pas à négliger, que d'accepter de continuer le voyage et même d'aider à un possible succès de ce dernier. Vaste affaire!
 
En effet, la crise actuelle de l'euro, comme les autres crises même si elles ont moins effrayé le monde, comme cette incapacité à parler d'une seule voix lors d'événements importants, comme l'intervention en Irak, plus récemment l'intervention en Lybie ou la position à tenir face à la demande de création d'un Etat palestinien met en évidence d'une façon magistrale les faiblesses de cette Europe ou cette contradiction ou ce tiraillement entre une nécessaire intégration pour atteindre une certaine cohérence et les velléités souverainistes des différents Etats composant l'Union. Donc force est de constater que ça ne marche pas et que même si la guerre entre les anciennes grandes puissances européennes semble désormais impossible, l'Union est incapable d'empêcher que naissent encore des conflits territoriaux à ses marges, mais sur le continent quand même, voire même qu'émergent de potentiels conflits en son sein comme en Hongrie et les pays voisins par exemple.
Car c'est tout de même un peu comme ça qu'on nous a vendu le truc. Pour éviter une nième guerre fratricide, pour que cesse le perpétuel conflit qui opposait les Etats européens depuis des temps immémoriaux et qui amena où on sait, il fallait créer des conditions telles que les Européens se sentent suffisamment solidaires pour que leurs vieux démons disparaissent à tout jamais. Restait à voir quelles seraient les modalités de cette solidarité entre européens. Loin de moi l'idée de vouloir faire un historique de la construction européenne, mais disons que le traité originel, pas celui de Rome, mais celui de Bruxelles en 1948 prévoyait une collaboration en matière économique, sociale, culturelle, et de défense collective. De ce projet ambitieux, il ne restera guère que le domaine économique. Et encore! Ou plutôt dans quelles conditions!
 
S'agissant du social, on comprend bien qu'au sein même de l'UE, ce domaine sert de variable à la compétitivité. Par exemple des salaires dans l'industrie plus élevés en Allemagne qu'en France, mais pas de SMIC outre-Rhin, ce qui permet de multiplier les emplois à salaires minables dans d'autres domaines et de réduire le chômage. Le fait même que des pays de l'UE délocalisent dans d'autres est un signe de cette impasse sur le social. Diagnostic terrible pour les habitants des pays qui bénéficient de la meilleure protection sociale. Car celle-ci coûte cher et nit à la compétitivité. Donc harmonisation peut-être il y aura, mais plutôt vers le bas. Ici je ne peux pas résister à la brillante analyse du Chinois directeur du China investment Corporation : "Les troubles qui se sont produits dans les pays européens résultent uniquement de problèmes accumulés par une société en fin de course, vivant d'acquis sociaux. Les lois sociales sont obsolètes. Elles conduisent à la paresse, à l'indolence, plutôt qu'à travailler dur. Nous sommes optimistes vis-à-vis de l'euro. Mais il y a toute une série de réformes qui doivent être entreprises sans délai. Avoir 17 membres et 17 gouvernements n'est pas une excuse pour ne rien entreprendre." Le ton est donné…par nos sauveurs potentiels. Et Thibaut, Chérèque, Mailly et consorts n'y pourront rien. Mais cela les aidera à au moins prospérer pour eux-mêmes et leur garde rapprochée pour encore un certain temps, court certainement, pendant la période de transition. Et sans doute ne se sentiront-ils jamais responsables de n'avoir jamais voulu négocier raisonnablement pour sauver l'essentiel en sacrifiant "l'obsolète" comme dirait l'autre.
 
Quand on passe au culturel, on voit l'abîme qui existe entre les vœux exprimés et la possibilité de leur réalisation. C'est Jean Monnet, je crois, qui disait que si c'était à refaire il commencerait par la culture. Mais quelle culture? Puisqu'il n'y a pas de culture européenne. Trop de langues, trop de traditions différentes, des conditions climatiques variées, des littératures propres à chaque pays,…, et aussi sans doute des histoires différentes ou plutôt parfois une même histoire mais vue sous des perspectives différentes, rendent l'émergence de cette culture européenne illusoire. Reste que faute de culture il existe une civilisation européenne. En gros une certaine convergence des conditions de vie, ou à défaut une aspiration à ces conditions et un attachement à certaines valeurs, comme la démocratie, la liberté, les droits de l'Homme, la séparation des pouvoirs, la distinction entre les églises et l'Etat (même si avec certains pays comme la Pologne par exemple, ce n'est pas toujours évident),…. Ça ne constitue pas une culture, mais ça permet, à minima, de pouvoir vivre ensemble, de manière pacifique, et même en ayant le sentiment d'appartenir à un même ensemble ayant une vision de l'Homme et des rapports humains commune. Si c'est à cela que Monnet pensait, il n'y avait rien à faire. S'il pensait créer une culture européenne, il se fourvoyait. Par contre, la non inscription dans le traité constitutionnel transformé en traité de Lisbonne pour les biens de la cause, se la reconnaissance des racines chrétiennes de l'Europe me semble être un pas en arrière. Je ne suis pas moi-même chrétien, ni autre chose d'ailleurs, mais je ne nierai ni cette évidence, ni le fait que les valeurs civilisationnelles de l'Europe trouvent ici leurs racines. Encore une erreur de Chirac qui fut l'artisan majeur de cette non-inscription.
 
Pour ce qui est de la défense collective européenne, on peut parler de fiasco total. L'échec de la communauté européenne de défense (CED) en 1952, du fait de la France et plus précisément des communistes français et des gaullistes, bien évidemment pour des raisons fondamentalement différentes, les premiers voyant là une provocation envers le petit père des peuples tandis que les seconds pensaient davantage à souveraineté nationale, fut cette tentative avortée qui ne verrait jamais d'autres occasions de créer, outre une défense commune, une politique étrangère commune, l'une n'allant pas sans l'autre. J'ouvre ici une parenthèse pour montrer que des rejets ou refus pour des motifs totalement différents, voire parfois opposés, n'ouvrent aucune perspective alternative; et c'est comme cela que je vois le résultat du référendum de 2005. Bien évidemment avec l'OTAN qui venait de se créer l'utilité pratique de cette CED n'allait pas de soi, mais la refuser condamnait à assez brève échéance à se placer à l'ombre de l'Oncle Sam et de refuser d'exister internationalement, car seuls les pays ou entités possédant une vraie armée avec de fortes capacités ont un réel poids international. Ce qui relativise à ce niveau le poids réel de l'Allemagne. En 2011 les choses n'ont pas progressé d'un iota malgré par exemple la Brigade franco-allemande ou le corps européen. Et quant à la politique étrangère, il suffit de considérer l'épouvantail clownesque censé porter la parole de l'UE à l'international pour comprendre la volonté des Etats de se décharger de leurs attributions en matière de politique extérieure.
 
Passons enfin au domaine économique. Je ne vais pas faire l'historique de ce qui nous mena de la communauté charbon acier (CECA) à la monnaie unique en passant par la libre circulation des capitaux, des biens et des personnes. Car je dirai en gros, même si des réserves peuvent être émises que jusqu'à Maastricht, les choses semblaient assez cohérentes, à part peut-être, mais c'est mon opinion, les accords de Schengen, donc la libre circulation des personnes, choses relativement pas saine quand on est continent l'immigration. Mais le tournant de Maastricht, merci Delors, n'allait pas manquer à terme de nous plonger dans l'abîme, avec notamment la décision de nous imposer cette fameuse monnaie unique. Ça rappelle un peu comme processus ce qui aurait pu se passer avec la CED. Faute d'être capable de créer une politique étrangère commune on souhaite créer un instrument subordonné à celle-ci en espérant que son émergence s'imposera. Et donc on a dans la même démarche créé une monnaie unique, au lieu d'une monnaie commune, espérant ainsi générer de force les conditions de l'émergence d'une gouvernance économique commune à l'UE. Ceci sans tenir compte que l'UE allait encore s'agrandir de façon déraisonnable, que les économies des Etats membres étaient bien trop inégales, qu'il existe un marché intérieur dont d'ailleurs profite largement l'Allemagne obstacle à une gouvernance économique, sans parler évidemment de l'incapacité de se défaire de ce qui reste de souveraineté pour beaucoup, quitte d'ailleurs à la perdre totalement au profit d'entités extérieures pas vraiment identifiées et nommées "marché". Et bien évidemment comme l'entrée dans la zone euro devait se faire de façon volontaire, mais aussi en remplissant certains critères, quitte pour certains à maquiller leurs compte sans que pour autant les autres soient vraiment dupes, on excluait de fait une gouvernance économique de l'UE pour la limiter à la future zone euro. Une UE à deux vitesses donc. Bref, donc près de vingt années après Maastricht, malgré les traités d'Amsterdam, de Nice et de Lisbonne, la gouvernance économique de la zone euro, ne parlons pas de celle de l'UE, a, avec la crise, révélé sa totale absence. Et l'impasse où nous conduit actuellement l'UE.
 
Néanmoins cette crise qui nous frappe actuellement semble indiquer, c'est du moins mon sentiment, que finalement l'idée d'une gouvernance économique de la zone euro fera peut-être son chemin. Dommage d'en être arrivé là pour en prendre conscience mais c'est comme ça. En effet, il me semble, que malgré quelques réticences de certains, mais rares et n'allant pas jusqu'au bout de leur logique, les Etats de la zone euro de façon générale acceptent de bon gré que la France et l'Allemagne s'occupent des affaires, sans s'embarrasser des avis des uns et des autres qu'on convoquera plus tard pour la forme quand les décisions auront été prises. Mais ne nous y trompons pas, dans le couple franco-allemand on sait qui domine. Et sans doute que sans la hargne et la présence de Sarkozy, on ne parlerait plus guère de la France. J'imagine fort bien l'ancien gros mais toujours mou en négociation avec Angela!
Au passage ce qui se passe actuellement, ceci révèle l'impéritie des institutions européennes s'effaçant complètement derrière les Etats, ou plutôt la France et l'Allemagne, en cette période trouble alors qu'elles avaient pris l'habitude de les tracasser quant au calibre de la courgette ou aux aides publiques plus ou moins camouflées. Donc une commission petit bras, grande gueule quand tout va bien et s'écrasant mollement car incompétente quand tout va mal. Ne parlons pas de cette fameuse présidence issue du traité de Lisbonne, poste autant honorifique et coûteux qu'inutile. Ni du parlement européen, refuge des mal ou plutôt non élus dans leurs Etats respectifs émargeant à quasiment 15000 euros par mois (primes incluses quand même!) pour nous offrir quelques joutes oratoires entre Le Pen et Cohn-Bendit, sinon rien de vraiment concret.
Enfin tout cela laisse supposer que la survie de l'Europe, ou plutôt le non éclatement de la zone euro suivi de celui de l'UE, reste possible mais passera plutôt que par un illusoire gouvernement européen par une soumission aux règles qu'établira l'Allemagne. Par délicatesse on appellera ça convergence. Mais peut-être, je le pense, que dans ce cas le prix sera moins élevé pour les Européens qu'un retour plus d'un demi-siècle en arrière… ou une gouvernance chinoise. En fait tout reste à construire.
 
Et pour ceux qui auront eu le courage de lire jusqu'au bout, en prime cette vidéo qui vous montrera les vertus de nos parlementaires européens :
 

4 commentaires:

  1. in cauda venenum, excusez l'orthographe, je ne suis pas latiniste, mais la vidéo de clap de fin montre que ce bordel va devenir insupportable
    et ça commence au plus bas du dispositif: mairie, département, région, état, Europe
    chacun a un salaire, une indemnité fixe dirons nous et au forfait, une somme arbitraire couvrant certains faux frais variables, plus ceci plus celà
    et on est coincé , parce que pour indemniser les frais réels sur rendus de travaux ou autre, même pour faire une avance su frais les postes comptables seraient à multiplier
    jamais le résidu d'indemnité de fonctionnement n'est comptabilisé, tous les mois ça recommence
    avec le cumul des mandats autorisés, je vous explique pas
    en France un sénateur touche autant que le Président et le premier Ministre
    les peuples auraient raison de regimber
    l'UE ne fonctionnera jamais parce que le fonctionnement est celui d'un système complexe, prêt à imploser
    la centralisation des pouvoirs et décisions principaux n'est plus possible, le fédéralisme, m'etonnerait que ça soit facile: il faut exploser les départements et mettre les régions en direct avec le pouvoir central et peut être créer des régions genre PACA/Ligurie si vous voyez ce que je veux dire
    cette Europe s'est bâtie sur Yalta avec les vainqueurs d'un coté, les bons, les manants de l'autre and now on a un melting pot bizarre avec en sus une autorité musulmane dans l'ex yougo,
    me donnerez vous des nouvelles de l'Albanie de la Macedoine quand il faudra les ranger

    une armée commune? appelez Tartarin il ferait mieux
    un euro qui était censé protéger de l'inflation, torpillé par l'émergence
    des lois de finances et sociales communes: il y a un décalage du seuil de résistance à la souffrance passée qui valide le cul par dessus tête présent, c'est un invariant

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  2. Je dois dire que quand j'ai vu cette vidéo, je suis tombé dans un premier temps sur le cul avant finalement de me dire que ce n'était pas étonnant. il suffit de se rappeler des propos de Dati (56 jours de présence dans l'année au parlement quand même) pour se douter que ce n'est sans doute pas un lieu fécond en solutions pour l'Europe. d'ailleurs que ce soit le parlement ou la commission, la crise aura permis de montrer qu'ils ne servent absolument à rien, sauf à faire des commentaires après la bagarre.
    t je me suis dit aussi, comme vous, que ce genre de comportement ne devait pas être l'apanage de ce parlement. Que chez nous, à l'assemblée nationale, au sénat, dans les conseils régionaux et généraux, dans les communes, on devait trouver aussi un paquet de parasites se contentant du minimum (à condition qu'on les contrôle et ce n'est pas évident) pour percevoir leurs indemnités. même le plafonnement de ces dernières n'a aucun effet à cause des postes bidons de vice-présidents ou chargés de mission. Un jour ça va éclater, c'est sûr.
    Quant à l'Europe, j'essaie d'y croire par pragmatisme et surtout pas par passion, mais j'ai vraiment du mal.

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  3. il faut y croire, comme le leurre de la pêche au brochet ou au blackfast, sur certains combats ça peu marcher, comme la kermesse du G20 où les financiers ont suivi...un peu

    vous parliez de culture comme pilier premier?
    non, l'UE a explosé notre culture alimentaire

    avec ma mère on nourrit le projet de mettre sur la table à Bruxelle, une bécasse de 40 jours et quelques autres mets outranciers, au choix les crises de goutte ou le désespoir nitraté!

    je suis une forcenée de la culture alimentaire des peuples, un lien qui tient plus que tous les discours

    on n'a plus le choix que d'y croire, en sortir on sait encore moins faire qu'y rester

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