Que diriez-vous d'un système électoral qui permettrait lors des scrutins uninominaux à deux tours au candidat de devenir propriétaire de votre voix et, dans le cas ou il ne pourrait ou ne souhaiterait pas se maintenir au second tour aurait la possibilité de l'offrir au candidat de son choix ? Certes ce système aurait un avantage certain, car de fait il réduirait le second tour à une cuisine entre candidats, ce qui ne vous obligerait pas à vous déplacer. Cependant je doute que cet avantage soit suffisant pour que vous ne participiez pas à un tollé général avec tous ceux qui comme vous crieraient au déni de démocratie.
Pourtant quand les états-majors se réunissent et décident de faire front contre, ou de donner des consignes de vote au profit de, ils agissent comme si ce système existait, comme si les voix que vous leur avez gracieusement offertes leur appartenait. Or, vous ne descendez pas dans la rue pour fustiger ces individus qui voudraient vous priver de votre libre arbitre lors du second tour. Et pour cause, car à moins d'avoir abandonné définitivement votre liberté de pensée au profit de quelques-uns, ce qui représente reconnaissons-le aussi un avantage, celui de n'avoir plus à réfléchir ce qui peut parfois être épuisant et mener à des impasses, vous savez très bien que vous maitrisez encore votre choix, fût-il par défaut ou par dépit, et que toute cette agitation qui permet aux médias d'avoir des choses croustillantes à se mettre sous la dent et aux états-majors de ne pas à avoir à parler d'un programme inexistant ou douteux en termes de sincérité, n'est que du vent qu'hélas on ne peut guère utiliser en guise d'énergie alternative à celle nucléaire.
Parce qu'en fait il est clair que cette histoire de front républicain, en plus d'être une arnaque de la gauche, revient à prendre les électeurs pour des billes. Soit ceux qui promeuvent ce front de pacotille sont sincères, et leur niveau de sincérité est inversement proportionnel à la considération qu'ils peuvent avoir pour leurs électeurs, ceux-ci n'étant pas jugés aptes à se faire une opinion par eux-mêmes. Soit ils ne le sont pas et tout ceci n'est qu'agitation soit pour espérer gratter quelques sièges, soit pour mettre en défaut les partis qui n'auraient pas ce salutaire réflexe de front républicain destiné à chasse la bête immonde des hôtels du département, ce qui revient à manipuler l'électeur en agitant un danger qui dans les faits n'existe pas. Car vous vous référez aux quelques chiffres cités dans mon billet précédent, vous comprendrez que la peste brune, par le biais des élus potentiels du front national, ne risque pas de déferler sur notre bonne République, et que la probabilité que les Aubry, Duflot et consorts soient sincères est très faible.
De fait dans les deux cas, sincérité ou pas, en tant qu'électeur, bien que pour ce type d'élection je sois écarté du fait de mon statut d'expatrié (les expatriés ne votent que pour la présidentielle et les référendums), je me sens offensé par ce type de démarche. Parce que tout simplement je refuserais un système électoral tel que je vous l'ai décrit dans les premières lignes de ce billet.
Je trouve déjà, même si je suis conscient que pour certaines élections, les législatives en particulier, il est nécessaire pour dégager une majorité capable de gouverner, et donc pour ne pas sombrer dans l'impuissance d'une 4ème République, que ce système qui exclut toute notion de proportionnalité n'est pas très démocratique et amène à des aberrations permettant aux communistes d'être représentés dans les assemblées, dont la nationale, alors qu'ils ne représentent plus rien en termes d'électeurs, tandis qu'un parti représentant, sauf cas très particuliers comme les législatives de 2007, constamment plus de 10% des électeurs ne dispose par de représentation. D'ailleurs dans les cas où la proportionnalité est prise en compte, curieusement les "forces de progrès" ne sentent pas que la République est en danger si des élus du FN siègent dans les assemblées concernées.
Mais je me sens surtout offensé parce que je n'ai jamais considéré que ma voix puisse être utilisée comme outil de négociation dans des cuisines d'entre deux tours. Front républicain ou non, et même dans des circonstances autrement inquiétantes, jamais, mais vraiment jamais, je ne voterai pour certains partis se réclamant de ce front.
Ce que les partis devraient comprendre, c'est que la majorité des électeurs ne leur fait plus confiance pour traiter leurs problèmes. Tous, en tant que parti unique, ou sous forme de coalition, ont eu leur chance au cours des dernières décennies sans que pour autant le sort global des habitants de ce pays connaisse une amélioration substantielle. Dès lors, alors que traditionnellement au premier tour on votait "pour" et au second toujours "pour" ou "contre", désormais une frange importante de cet électorat vote "contre" dès le premier tour ou ne se déplace plus, ce qui signifie la même chose. Dès lors comment oseraient-ils donner des consignes de vote à des électeurs dont ils ne sont pas sûrs qu'ils adhèrent à leurs idées ? Ne devraient-ils pas se remettre en cause eux-mêmes et leurs bilans respectifs plutôt que de chercher un bouc émissaire leur garantissant encore pour quelque temps la mainmise sur un gâteau qui finira fatalement par leur échapper, sans doute au profit du pire ? De fait ils ne font que souligner une fois de plus leur médiocrité et leur mépris pour un peuple sans se rendre compte que ce sont eux qui constituent une menace pour l'avenir de la République.
Un fait significatif de ce rejet des politiques par le peuple : le plébiscite des absents, comme Strauss-Kahn, ou la popularité de ceux dont on est sûr qu'ils ne reviendront plus, comme Chirac.
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