Il n'est pas bon désormais dans notre bon vieux pays de sortir des rails d'une pensée aussi conformiste que figée. En fait, vu sous cet angle, cette loi sanctionnant la négation du génocide arménien que je dénonçais dans mon dernier billet est en parfaite cohérence avec notre époque et notre société. On pourrait presque croire que la représentation nationale est vraiment représentative du peuple français.
Une des dernières victimes de cette bienpensance généreuse qui déborde du cœur de nos élites et de celles et ceux qui leur ont obligeamment délégué leur faculté de penser est Bernard Lugan, africaniste suffisamment renommé pour être considéré comme un expert mondial de l'Afrique dont l'expertise est requise notamment auprès du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) mais sentant néanmoins un peu le souffre à cause de positions refusant de se conformer au prêt-à-penser du moment. Il faut noter également qu'on l'a surpris à s'exprimer dans des publications de droite et même d'extrême-droite et que même, comble de l'ignominie, il s'est exprimé et s'exprime encore peut-être sur Radio Courtoisie. On pourrait à ce propos d'ailleurs se demander si désormais en France les pensées que d'aucuns qualifieraient d'iconoclastes et même de nauséabondes, mais que d'autres qualifieraient de tabous ou d'originales mais néanmoins fondées sur une véritable expérience de terrain puisque l'intéressé a vécu et enseigné plusieurs années en Afrique où il passa notamment son enfance, ne pourraient s'exprimer que dans certains médias jugés malsains car non verrouillés par un ensemble d'interdits nous dictant ce qu'il est bon et bien de penser. Pour en terminer avec ce tableau, l'individu semblerait faire subir son influence néfaste auprès de nos élites militaires ou civiles s'intéressant à la défense puisqu'il est intervenant auprès du Collège Interarmées de Défense (CID), pépinière des futurs officiers généraux, et de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN).
Pour bien vous montrer à quel point cet individu est dangereux, je vous cite, avant d'en arriver au cœur du sujet, quelques unes de ses réflexions.
S'agissant du Rwanda où il a vécu une dizaine d'années, il rejette toute accusation concernant l'attitude de la France et en particulier de son armée au moment du génocide. Mais pire peut-être, ne voilà t-il pas qu'il ose suggérer que les vrais responsables du génocide sont ceux-là même qui actuellement exerce le pouvoir à Kigali. Hypothèse que partagent d'ailleurs d'autres individus à l'esprit mal tourné, comme le juge Bruguière, et que le TPIR, s'il avait le courage d'aller au bout de la logique de certains de ses verdicts, notamment de certains acquittements démontrant que ce génocide n'était pas prémédité et que la cause première et sans doute définitive du génocide est la destruction en vol de l'avion du président Habyarimana dont la responsabilité du FPR de Kagamé n'est pas écartée. Elle est même jugée probable.
S'agissant de l'Afrique du Sud, non seulement il ose minorer l'œuvre réelle de Mandela après sa libération, mais ose également prétendre que les Africains du Sud avaient des conditions de vie matérielles supérieures du temps de l'apartheid. Chose assez incroyable si on considère par exemple un taux de chômage des noirs multiplié par deux ou par trois, une recrudescence du SIDA et de l'insécurité, pour ne citer que quelques points marquants. Et bien évidemment qui ose prétendre cela ne peut-être qu'un pourri nostalgique de l'apartheid, un peu comme celui qui dirait, comme moi, que les Russes avaient de meilleures conditions matérielles de vie sous Brejnev que sous Eltsine serait un nostalgique de communisme.
Ces deux simples exemples, mais vous allez voir plus loin, il y a peut-être pire, vous montrent donc la nocivité de l'individu dont il faut bien évidemment circonscrire l'expression. Laissons-le par exemple s'exprimer chez les militaires qui eux-mêmes doivent avoir un cerveau assez pourri et être irrécupérables pour avoir choisi ce métier. Mais pas davantage.
Eh bien ce pas I-Télé du groupe Canal+ vient de le franchir en annulant la diffusion d'une interview de Bernard Lugan par Robert Ménard à l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage "Décolonisez l'Afrique". Vous pouvez retrouver le texte de cette interview ici, mais pour ceux qui auraient peur de perdre un œil en allant sur le blog de Bernard Lugan, je consens à en faire le résumé en quelques phrases.
Bernard Lugan reproche aux Européens d'avoir voulu créer un homme africain à leur image, en le sommant d'adopter nos codes moraux et nos comportements. Attitude qu'il juge arrogante mais traditionnelle en France puisque Léon Blum parlait déjà du devoir des races supérieures de civiliser les inférieures (j'ajouterai que déjà Jules Ferry avait ce discours). A cette position il préfère celle de Lyautey qui ne considère pas l'Africain comme inférieur mais comme un "autre".
Concernant l'aide versée depuis une cinquantaine d'année à l'Afrique, il estime que non seulement elle l'a été en pure perte, mais que ses effets sont négatifs. En effet, elle interdit aux Africains de se prendre en main et de se responsabiliser. Et de mettre en parallèle l'évolution d'une Afrique qui dans les dernières années de la colonisation ne souffrait ni de la faim ni de la guerre et est devenue ce qu'on sait, et celle d'une Asie où à la même période sévissaient conflits et famines et qui est devenue ce qu'on sait aussi et sans aide. Il en attribue la cause à ce qu'il nomme, et j'aime bien cette formule à ce couple sado-masochiste composé de la repentance européenne et de la victimisation africaine qui a enfanté d'une Afrique immobile attribuant tous ses maux à la colonisation.
Il intervient ensuite au sujet de l'intervention en Libye, camouflée derrière l'ingérence humanitaire qu'il qualifie d'hypocrite impérialisme. Il prétend que la cause initiale de l'intervention soit le danger exhibé de massacres à Bengazi ressemble à s'y méprendre à l'intox bien connue de Timisoara (prélude à la chute de Ceaucescu pour ceux qui n'auraient pas connu), ou celle encore des armes de destruction massive prétexte à l'intervention en Irak. En fait cette intervention en Libye est une aberration puisqu'elle a conduit à soutenir les mêmes que ceux que nous sommes censés combattre en Afghanistan, à savoir des fondamentalistes musulmans. Nos véritables intérêts étaient de ne pas intervenir pour renverser certes un dictateur peu recommandable, mais qui avait au moins ce mérite de contrôler un pays désormais livré aux luttes tribales et aux islamistes qui dispose d'une frontière littorale de 1900 kilomètres faisant face au ventre mou de l'Europe. Sans parler des conséquences pour e Sahel où nos intérêts, notamment au Niger fournisseur principal de notre uranium sont désormais davantage menacés. Tout ceci au nom des fumeux et incontournables droits de l'homme (en l'occurrence ici fondés sur une intox) qui ont donc supplanté nos intérêts nationaux et européens
Il termine en rappelant son expérience de terrain qui l'a amené, en particulier, que dès décembre 2010 il avait prévu ce qui se passerait dans les trois mois suivant en Egypte et annoncé aussi le mirage des printemps arabes, miroir aux alouettes et qui n'était que le signe précurseur de l'objectif des frères musulmans qui reste la construction d'un califat supranational.
Voilà donc les propos résumés de Bernard Lugan qui ont paru suffisamment dérangeants à Canal+ pour déprogrammer la diffusion de l'interview. Effectivement ces propos vont souvent à l'encontre de lieux communs, tellement communs qu'ils ne sont même plus discutés par la plupart des gens. Ces propos communs sont bien évidemment que l'Afrique subit encore et toujours les effets de la colonisation et que l'aide apportée (surtout en devises) n'est qu'une bien faible compensation de nos agissements et que même elle pourrait durer éternellement que nous ne nous acquitterions jamais de notre dette. Ces propos communs, mais quand même on y revient timidement même si on invente au passage le concept d'islamisme modéré pour prolonger les effets du mirage, sont que les populations arabes nous ont montré leurs aspirations à un monde démocratique et libre en se débarrassant de leurs dictateurs. Ces propos communs sont que tout vaut mieux que Kadhafi, inventeur de l'auto-génocide d'un peuple, ou encore que Saddam Hussein ou autres salopards, ce qui permet de justifier des situations parfois pires ensuite ou en tout cas opposées à nos intérêts objectifs.
Il faut donc veiller à ce que des propos contraires, que dis-je, révisionnistes puissent s'étaler sur la place publique. Des fois qu'ils pourraient éveiller des consciences, pas très nettes bien entendu.
Bon, je vous ai gardé le meilleur pour la fin, car en période de fête on peut aussi s'amuser et rigoler un petit peu.
Imaginez que Bernard Lugan a été insulté par ce vermiceau de Bruno Julliard-Landeau. Vous savez, c'est cet ancien dirigeant de l'UNEF récompensé par le parti socialiste pour les dizaines de milliers d'heures de cours qu'il a fait perdre grâce aux multiples grèves par lui organisées. Eh oui, car maintenant qu'il est devenu grand, après des études laborieuses mais surtout longues puisqu'on le retrouve quand même à 27 ans en master de droit, soit 8 ans après son entrée en fac (je ne sais pas s'il a eu son diplôme), faute sans doute de pouvoir trouver un vrai travail, il s'est trouvé propulsé adjoint au maire de Paris ainsi que, non ne riez pas, secrétaire à l'éducation du PS. C'est un peu comme mettre, vu les brillantes prestations universitaires de l'intéressé, un objecteur de conscience en charge des problèmes de défense. Voilà un parcours qui ressemble quand même un peu en une apologie de la médiocrité. Enfin on est rassuré, on voit que la relève est assurée au PS.
Voilà donc que Môssieur l'adjoint au maire de Paris, chargé de la jeunesse, responsable de l'éducation au PS, s'en est pris à Bernard Lugan dernièrement chez Ardisson. Lui qui n'a jamais sans doute lu un livre de cet historien en vient tout de même à le traiter de raciste, d'antisémite, de colonialiste et je ne sais encore quelle gracieuseté. Quand même un peu idiot ce garçon puisqu'il avait déjà été condamné en 2004 pour diffamation envers le même personnage qu'il avait qualifié à l'époque de négationniste. Ou un peu masochiste sur les bords puisqu'il va encore ramasser puisque Bernard Lugan a encore déposé plainte.
Bon allez, puisque c'est bientôt nouvel an, je vous balance la vidéo qui va permettre à Julliard-Landeau de se retrouver une fois encore en calcif. Vous remarquerez l'intelligence de l'individu qui dit faire attention à ce qu'il dit en référence au premier procès perdu et qui en même temps se met la corde au cou. Vive la relève (du PS).