Le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Mantes la Jolie validant le renvoi de la directrice adjointe d'une crèche au prétexte qu'elle ne voulait pas ôter son voile islamique sur son lieu de travail mérite d'être salué. Il est en effet rare ces derniers temps de voir de tels jugements rendus. De fait on commençait à s'habituer, tout en désespérant pour certains dont je suis, à voir validée l'idée que l'islam devait être de plus en plus visible dans la vie quotidienne des Français. Ceci, bien entendu, au nom de la liberté religieuse inscrite dans la constitution, mais au mépris de la loi de 1905 sur la laïcité qui ne nie pas cette liberté de culte mais veut la circonscrire au cercle privé. En gros c'est : "vous voulez prier, honorer votre dieu. Libre à vous de le faire, mais chez vous ou dans les endroits de culte prévus à cet effet que vous financerez d'ailleurs vous-même. Mais surtout ne venez pas nous empoisonner la vie, notre vie, avec vos salamalecs et les interdits et prescriptions de votre religion." Ce principe simple et sage pourtant n'a pas manqué d'être largement bafoué ces dernières années et par certains membres d'une même religion qui ont obtenu moultes dérogations qu'on a nommé fort malencontreusement "accommodements raisonnables". Car il n'y a pas lieu qu'il puisse exister des accommodements vis-à-vis d'une religion quelle qu'elle soit.
L'affaire de la crèche de Chanteloup les Vignes est typique de ces dérapages de plus en plus admis. Nous avons à faire à une crèche privée, au concept d'ailleurs fort remarquable car tenant tout à fait compte de son environnement humain très divers et des contraintes professionnelles de beaucoup de mères travaillant en horaires décalés. Nous aurions eu à faire à une crèche publique ou une école que le problème n'aurait pu exister. Car au fil du temps, le champ où doit s'exercer le principe de laïcité s'est considérablement restreint. Restreint en fait au domaine public (et non à l'espace du même nom), aux administrations, à l'école (hors cantine bien entendu et aussi malheureusement) et à l'hôpital avec grande peine quant au choix du sexe du praticien. En fait beaucoup de monde, dont les associations dites antiracistes, la Halde, je vais y revenir, a considéré que le domaine privé qui inclut, ne l'oublions pas l'espace public, devait être exclus de mesures quasiment jugées discriminatoires vis-à-vis des musulmans et que ces derniers pouvaient donc exiger des aménagements dans l'entreprise par exemple, pour y manger hallal et si possible loin des bouffeurs de cochon, pour faire la prière, et aménager le travail pendant la période du ramadan.
Preuve en est que cette restriction du champ de la laïcité était entrée dans les mœurs, la trop fameuse Halde, fumeuse invention de Chirac, avait considéré que la directrice adjointe licenciée pour port du voile et refus de l'ôter avait été discriminée. C'était sous la présidence de l'inénarrable Schweitzer heureusement dégagé. Par bonheur son éphémère remplaçante, Jeannette Bougrab appelée à d'autres responsabilités, a considéré, en redonnant en même temps un peu d'honneur et de crédibilité à cette chose qu'est la Halde, que cet avis devait être revu et qu'elle-même considérait exactement le contraire. Elle a d'ailleurs témoigné lors de la procédure. Pas étonnant d'ailleurs que cette jeune femme à peine en place, et visiblement sur une trajectoire très différente de celle idéologique de son prédécesseur, ait subi des attaques calomnieuses via le Canard enchainé quant à une augmentation de salaire facilement démentie. Le fait est donc qu'on a voulu la salir. C'est normal, me direz-vous : elle est de droite, laïque et républicaine. Et j'allais oublier, fille de Harki, donc censément fille de traitre à la patrie… algérienne. Mais surtout elle allait sortir la Halde de son enfermement idéologique. Puisse son successeur continuer dans le même voie et résister aux pressions de l'ancienne équipe, l'équipe Schweitzer.
Revenons maintenant à ce jugement qui a par ailleurs rendu furieux quelques jeunes musulmans à la sortie du tribunal, ce qui montre au passage que cette affaire est loin d'être neutre et cache d'autres combats. Sans présager des appels et recours possibles, Il peut être considérer comme un tournant. Cette fois des gens qui avaient pouvoir de dire le droit ont dit : "Non. Ça suffit". Car ce jugement est à considérer tout autant sur le plan du droit que celui des valeurs. La crèche est privée, donc selon une certaine jurisprudence les juges du travail auraient pu recevoir la plainte de la plaignante. Mais sur le plan des valeurs républicaines et laïques, cette position était difficilement justifiable, même si par le passé certains juges ne se sont guère embarrassés de ces scrupules. Difficilement justifiable car il est probable que vu les indemnités réclamées la crèche aurait sans doute dû fermer, mais surtout difficilement justifiable car cette crèche s'est bâtie sur la tolérance, sur l'effacement des différences, bref sur un principe de pure laïcité, même si sa créatrice n'avait peut-être pas envisagé ça sous cet angle. Recevoir la plainte de cette femme revendiquant le port du voile, c'était rompre un équilibre dans ce lieu préservé.
Maintenant il faut espérer que l'esprit qui a dicté ce jugement va s'étendre bien au-delà de ce cas particulier et irradier dans tout le secteur privé, dans les entreprises, en particulier, où les responsables seront fondés à réclamer que le principe de neutralité soit respecté.
C'est cette fermeté, ce retour aux valeurs républicaines et à une laïcité bien comprise qui permettra le vivre-ensemble. Et certainement pas l'exaltation de ses valeurs religieuses s'exprimant par des revendications pour exprimer son appartenance religieuse ou encore par l'occupation (avec un o minuscule) de l'espace public pour célébrer son dieu. Et c'est aussi ainsi, effet collatéral, que le Front National, verra son audience se réduire de façon drastique.
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