Il est des fois où je me pose des
questions, mais pas trop longtemps d'ailleurs tant les réponses sont évidentes,
sur la clairvoyance des occidentaux en termes de politique internationale.
L'alignement désormais aveugle,
le dernier sursaut date sans doute de 2003 avec le refus simultané de la France
et l'Allemagne (et la Russie) de donner leur caution à l'agression de l'Irak
par la coalition menée par les Etats-Unis, des politiques étrangères des pays
occidentaux sur celle de la superpuissance américaine me parait source de bien
des problèmes et de troubles dans le monde. Ne parlons pas évidement des pays
auxquels s'applique cette politique et de leurs populations : à leurs sujets on
ne peut décemment parler ni de troubles ni d'inconvénients, mais plutôt de
désastres humanitaires, culturels,…
Pour justifier cet alignement,
tout est bon, et notamment le recours la morale, des arguments qu'on balance à
une population infantilisée et qui auraient tout juste été bons pour des gamins
de 12 ans il y a encore peu, enfin d'un âge où la sensiblerie est de mise et en
tout cas dépasse les notions d'intérêts, d'équilibres géostratégiques. Ainsi
Tony Blair pour se justifier des mensonges ayant servi de prétexte à attaquer
l'Irak et relayés par lui devant les parlementaires et le peuple anglais en
toute connaissance de cause, expliquait que le monde était meilleur sans Saddam
Hussein. De la même manière qu'il l'est sans doute sans Kadhafi. Et là on
oscille entre le fou rire et la colère. Enfin plutôt la colère quand on voit
l'état du monde depuis la disparition de ces deux dictateurs, certes, mais qui paraissent
des enfants de chœur par rapport à ceux qui visent à les remplacer. Evidemment
que le monde est bien pire sans Saddam et Kadhafi, même si les deux étaient des
salauds. Mais quand on prétend renverser des salauds encore faut-il prévoir ce
qui va se passer après leur disparition et ne pas se contenter d'imaginer
benoitement que la soif de démocratie des populations libérées du joug de leurs
dictateurs va suffire à plonger leurs pays dans la félicité. Et peut-être aussi
que des régions du monde aux prises avec une religion aux mœurs moyenâgeuses
n'ont-elles guère d'autres possibilités d'être gouvernées que soit par des
salauds laïcs ou du moins veillant à ce que certains équilibres ne soient pas
rompus par la religion ou le tribalisme, soit par des salauds obscurantistes.
Les premiers furent souvent soutenus ou
au moins tolérés avec une certaine bienveillance pendant longtemps. C'étaient
nos intérêts à long terme. Et certains
donc ont décidé que ce n'était plus le cas et que d'autres intérêts, un peu
troubles, d'autant plus troubles qu'il y a du pétrole ou du gaz, prévalaient
sur une certaine stabilité, fût-elle maintenue à coup de nerf de bœuf. Ça s'est
fait assez brutalement, dans toutes les significations du terme. En fait ce que
je veux dire c'est qu'en moins de 10 ans, il y a eu un retournement des choses
et qu'on ne peut guère expliquer par la guerre contre le terrorisme. Si c'est
le cas, si c'était la volonté au départ, c'est très grave quand on voit que ces
interventions, que ces renversements de dictateurs, ont très largement aggravé
les choses.
Et du coup on se demande si la
volonté finalement des initiateurs de ces troubles n'était pas d'aggraver les
choses. De fait, ce billet et cette réflexion sont la conséquence d'une info
dont je viens de prendre connaissance.
Il apparait donc que les
massacres en Syrie, que la montée en puissance de l'état islamique, que la
guerre civile auraient pu être arrêtés dès 2012. A cette époque l'ambassadeur
de Russie auprès de l'ONU délivre un message à l'ancien président finlandais Ahtisaari,
devenu depuis porte-parole d'une ONG et accessoirement prix Nobel de la paix.
Ce message est évidemment destiné aux occidentaux, du moins ceux membres du
conseil de sécurité de l'ONU que le Finlandais doit rencontrer, et concerne le règlement
du conflit syrien qui n'en est qu'à ses débuts. La proposition russe est de
permettre d'encourager des négociations entre le régime de Damas et
l'opposition, un départ sans heurts de Bachar el Assad, et de ne pas armer les
rebelles. Pour faire court la Russie est prête à lâcher Assad de manière
négociée donc souple pour j'imagine favoriser l'émergence d'un gouvernement
d'union nationale garantissant ses intérêts sur place, notamment la base de
Tartous, à condition de ne pas armer des rebelles dont on sait déjà qu'ils sont
de plus en plus dominés par les islamistes. La Russie effectivement se doit de
protéger son flanc sud des islamistes. Ce qui veut dire que le conflit syrien
aurait pu peut-être être réglé dès 2012 dans de bonnes conditions ce qui aurait
pu donc empêcher le développement de l'EI et ces millions de déplacés dont une
partie considérable afflue désormais vers nos frontières. Mais les occidentaux
ont rejeté ce plan, pensant que Assad allait rapidement tomber. J'imagine que
certains l'auraient volontiers vu terminer sa carrière de dictateur comme
Kadhafi, humilié, torturé, exécuté, le tout filmé évidemment. A moins que
certains intérêts notamment régionaux, pensons à nos amis saoudiens, qataris,
turcs entre autres, n'aient milité pour que finalement le conflit ne connaisse
pas ce type d'issue empêchant la victoire des islamistes soutenus par eux.
Le jeu des Américains dans ce
conflit n'est pas clair. On le voit aujourd'hui dans leurs réactions alors que
la Russie serait en train d'apporter un soutien davantage affirmé à Assad. Pourtant
qui à part Assad et ses soutiens sont en mesure, sinon de vaincre, de contenir
l'expansion de l'EI. Ce ne sont pas les frappes aériennes de la coalition qui
peuvent donner un espoir de ce côté. Quand on mène une guerre il faut faire des
choix en termes d'alliances, même si ces choix peuvent être douloureux. Je n'imagine
guère qu'en juin 41 Churchill se soit pris d'une véritable amitié pour Staline
et réciproquement. Idem avec Roosevelt quelques mois plus tard. Si on estime
que l'EI, et les autres islamistes notamment al nosra, filiale de al qaida,
représentent une plus grande menace pour nos intérêts, pour le monde que Assad,
et on peut raisonnablement penser cela quand on est occidental, on n'a pas à
tergiverser. Le départ de Assad ça sera pour plus tard. Mais à priori, on ne
pense pas comme ça à Washington, et donc on ne pense pas comme ça dans les
capitales européennes. Et c'est quand même absurde. Et même complètement idiot
de la part de ceux qui aujourd'hui sont en train de montrer le spectacle
pitoyable de leurs faiblesses quand il s'agit d'accueillir des réfugiés. Ils
ont loupé le coche en 2012. Et ils persévèrent.
C'est un peu comme l'Ukraine. Ce
qui s'y passe n'a en fait qu'une importance très réduite. La guerre ne finira
que quand les Américains le décideront. Leur vrai objectif, c'est la Russie. Et
les autres suivent fermant les yeux sur le non-respect des accords de Minsk par
les Ukrainiens, détournant le regard sur les meurtres politiques commis en
Ukraine, ignorant les lois liberticides ou réhabilitant les auxiliaires des
nazis quand ils entrèrent en URSS et occupèrent cette région. Ils suivent et
votent des sanctions dont ils sont les premiers et même les seuls à subir les
conséquences des réponses qui leur sont données.
Quand l'alignement devient ce point suicidaire, il faut se poser des
questions sur nos dirigeants. Soit ce sont de parfaits abrutis, soit on dispose
de moyens de pressions sur eux, soit ils sont soudoyés. J'expose ces hypothèses
dans un ordre préférentiel.
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