Je viens de lire quelques extraits du discours prononcé par notre
premier ministre à l'occasion de la commémoration du 70ème
anniversaire de la libération de Paris.
Le ton m'a rappelé les ordres du jour ou certains discours
que j'écrivais sur commande il y a une vingtaine d'années au profit de mon chef étoilé quand il
s'agissait de remuer les tripes de quelques jeunes officiers ou sous-officiers
engagés. Car effectivement aller puiser dans l'histoire, s'inspirer de quelques
faits glorieux de notre passé constitue
une recette facile même si elle est de moins en moins efficace. Et d'ailleurs
je changeais volontiers de registre quand il s'agissait d'un autre public, ayant
disons déjà un peu vécu, et que ce genre de discours laissait au mieux froid,
sauf évidemment pour ceux ayant conservé les idéaux de leurs vingt ans et
s'obstinant à considérer que le décalage entre un monde imaginé et le monde
vécu n'était qu'un simple aléa de l'histoire et que les choses finiraient par
revenir à une situation normale. Sauf qu'évidemment le normal, c'était ce
qu'ils vivaient.
Pour tout dire, et avant de refermer cette parenthèse
puisque ce n'est pas le sujet, les
jeunes militaires, en général, servent une nation qui n'existe pas ou plus,
tandis que les plus anciens, sauf les exceptions que je viens de mentionner
continuent ou par habitude, peut-être aussi par paresse, ou par un sens du
devoir leur faisant comprendre le sens du mot abnégation, mais ont cessé depuis
longtemps d'écouter les discours qu'on leur adresse surtout quand ils viennent
d'un milieu politique qu'ils ont tendance à mépriser et auquel dans tous les
cas ils n'accordent plus aucune confiance.
Désolé pour cette digression (j'ai failli écrire transgression),
pour cet étalage d'impressions qui me sont venues à la lecture de ce discours
de Valls.
Voilà donc que notre premier ministre s'adresse au peuple
dans son discours avec des mots aussi touchants que vidés de leur sens par
lui-même, ses collègues politiques du moment ou d'avant… et sans doute d'après.
Donc je cite : "La
Libération, c'est la preuve que, face à l'adversité, un peuple, s'il sait se
rassembler, peut reprendre en main son destin."
Je ne reviendrai pas en détail sur les événements
historiques qui pourraient réfréner certains enthousiasmes. La libération de
Paris a bien davantage une valeur hautement symbolique qu'un quelconque intérêt
sur le plan stratégique. C'est même en quelque sorte un coup de force des Français
qui, à la limite de l'insubordination, s'éloignent des plans des alliés qui
voulaient contourner la capitale. Quant à la Résistance, je vous renvoie
volontiers à ce récent film "Diplomatie" où au cours d'un long
dialogue entre von Choltitz interprété par l'excellent Niels Arestrup et le
consul de Suède Nordling interprété par le non moins excellent André Duss olier,
le premier marque son mépris pour ces Parisiens se révélant résistants quand
sonne l'hallali tandis que Paris fut livrée aux allemands sans un coup de feu
et que les mêmes Parisiens s'accommodèrent finalement assez bien de
l'occupation.
Allez! Soyons sympa!
N'insistons pas trop sur les militaires de la 2ème DB et de la 4ème
DI américaine, oublions carrément von Choltitz qui, désobéissant à Hitler,
évita à Paris de connaitre le funeste sort de Varsovie, et laissons s'autocélébrer
le peuple parisien. Et revenons aux propos de Valls.
Il dit "face à l'adversité". C'est bigrement
intéressant. Mais de quoi s'agit-il?
Dans un récent billet je notais justement que la grande
difficulté du moment, celle qui empêchait le peuple de se mobiliser, était
cette incapacité de nos gouvernants de désigner un adversaire. Alors certes,
ils s'en trouvent de façon opportune. Un coup la finance, puis la mauvaise
finance parce qu'il en existe une bonne, parait-il, un coup le chômage, en fait
des choses contre lesquelles il est
difficile de se mobiliser, de prendre les armes.
Mobilisons-nous contre la finance, c'est quand même un peu creux
même si ça peut réjouir quelques nostalgiques d'une gauche disparue. Et puis ça
fait un peu désignation d'un bouc-émissaire pour justifier ces échecs passés,
présents et à venir. Mobilisons-nous contre le chômage, c'est du mépris
vis-à-vis de ceux auxquels on a promis de mener la bonne politique pour
inverser une courbe du chômage qui n'en finit pas de grimper.
Mais c'est vrai qu'il y a aussi les forces rétrogrades, ou
plutôt obscures contre lesquelles il faut se mobiliser parce qu'elles constituent
une menace pour le pacte républicain. Là
on ne sait pas ce que ça veut dire, du moins le pacte républicain, parce que
les forces obscures, ce sont ceux qui ne pensent pas bien, qui refusent le fameux
progrès auquel il serait criminel de tenter d'échapper et surtout de vouloir
faire échapper les masses.
En fait on ne sait pas trop ce qu'est cette fameuse
"adversité". Peut-être un indice? Dans une autre partie de son discours
Valls déclare " Face à la barbarie,
jamais la France ne pourra être indifférente, nulle part elle ne pourra
détourner le regard." Allez Manu, un petit effort, lâche-toi,
donne-nous des noms! Faut dire que c'est quand même gênant ces généralités. Autant
dire qu'on est pour l'amour et contre la maladie, c'est pas moins profond finalement.
Parce que, et je vous en épargnerai la longue liste, les barbaries, c'est pas
ce qui manque. Il y en a d'ailleurs sans doute trop pour ne pas être obligé
d'être sélectif. On en oublie certaines, en tolère d'autres, mais quand même on
a la force de s'indigner contre quelques unes. Après tout on ne peut pas être
partout. Encore un discours qui ne correspond pas à la réalité!
Mais peut-être, puisqu'on pourrait éventuellement supposer
qu'il faille faire une analogie avec l'occupation nazie si on se place dans le
contexte du discours, s'agit-il d'une forme de barbarie qui nous menace
directement. Alors vite des noms, l'union nationale est à ce prix. Hélas on
n'en saura pas davantage. Donc pas d'union nationale, pas de peuple rassemblé
capable de reprendre en main son destin.
C'est pourtant ce qu'il souhaite dans son discours " un peuple, (qui) s'il sait se rassembler, peut reprendre en main son destin."
Personnellement je trouve ça particulièrement gonflé. Valls
fait partie d'une longue lignée de dirigeants politiques qui ont fait tout
justement pour que le peuple voie son destin se décider ailleurs. La preuve en
est qu'il en appelle avec son piètre patron à l'Europe et à l'Allemagne (c'est
pareil?) pour résoudre les problèmes de croissance de la France et partant de
chômage. Valls fait partie de cette longue lignée d'hommes politiques qui ont
bradé notre défense nationale et en conséquence notre politique étrangère dont
elle était un des outils majeurs, mettant la France dans un alignement parfait
avec Washington, même si ça peut nuire à ses intérêts. Valls est le prototype
de l'européaniste atlantiste et qui ose aujourd'hui appeler le peuple à
reprendre en main son destin. Si celui-ci avait envie de l'écouter, la première
chose qu'il aurait à faire c'est de lui botter le cul et de le renvoyer au
néant, politique j'entends. Valls, pour paraphraser Bossuet, fait partie de ces
gens qui maudissent les conséquences des causes qu'ils chérissent. Dieu s'en
rit peut-être, mais quant à nous il ne nous reste que les larmes.
Et pour terminer, juste histoire de justifier le titre de ce
billet, j'ai envie de lui demander : mais de quel peuple parlez-vous? Cet homme
de gauche, certains en doutent mais lui s'en réclame, fait partie de cette
grande famille de politiques (et il en existe à droite aussi, du moins ceux-là
se prétendent-ils de droite) qui se sont
essuyé les pieds sur la nationalité française, la bradant à qui la voulait et
même la donnant à qui n'en voulait pas forcément mais qui avait eu cette chance
ou ce malheur, tout dépend du côté où on se place, de naitre sur notre sol.
Valls fait partie d'une famille d'hommes politiques qui se sont vautrés dans la
repentance, qui ont revisité notre histoire pour en extirper le pire et
négliger le meilleur, de ces gens pour qui une civilisation ne saurait être
supérieure à une autre, toutes se valant évidemment, et qui avec le temps ont
fini par tuer l'idée de nation, nauséabonde évidemment. Valls fait partie de
ces gens qui emploient cette fameuse expression "peuple de gauche" invitant
ainsi ce "peuple" à rompre avec une nation dans laquelle d'autres que
lui pourraient se reconnaitre. Alors de quel peuple parle-t-il? D'un peuple qui
n'existe plus parce que lui et ses semblables n'ont eu de cesse de le détruire.
Ah que voilà un beau discours! Des mots, rien que des mots.
Un beau travail digne du "communiquant", cette nouvelle race d'hommes
politiques en vogue, qu'est notre premier ministre.
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