"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mardi 19 août 2014

Mais de quel peuple s'agit-il?





Je viens de lire quelques extraits du discours prononcé par notre premier ministre à l'occasion de la commémoration du 70ème anniversaire de la libération de Paris.

Le ton m'a rappelé les ordres du jour ou certains discours que j'écrivais sur commande il y a une vingtaine d'années  au profit de mon chef étoilé quand il s'agissait de remuer les tripes de quelques jeunes officiers ou sous-officiers engagés. Car effectivement aller puiser dans l'histoire, s'inspirer de quelques faits glorieux  de notre passé constitue une recette facile même si elle est de moins en moins efficace. Et d'ailleurs je changeais volontiers de registre quand il s'agissait d'un autre public, ayant disons déjà un peu vécu, et que ce genre de discours laissait au mieux froid, sauf évidemment pour ceux ayant conservé les idéaux de leurs vingt ans et s'obstinant à considérer que le décalage entre un monde imaginé et le monde vécu n'était qu'un simple aléa de l'histoire et que les choses finiraient par revenir à une situation normale. Sauf qu'évidemment le normal, c'était ce qu'ils vivaient.

Pour tout dire, et avant de refermer cette parenthèse puisque ce n'est pas le sujet,  les jeunes militaires, en général, servent une nation qui n'existe pas ou plus, tandis que les plus anciens, sauf les exceptions que je viens de mentionner continuent ou par habitude, peut-être aussi par paresse, ou par un sens du devoir leur faisant comprendre le sens du mot abnégation, mais ont cessé depuis longtemps d'écouter les discours qu'on leur adresse surtout quand ils viennent d'un milieu politique qu'ils ont tendance à mépriser et auquel dans tous les cas ils n'accordent plus aucune confiance.

Désolé pour cette digression (j'ai failli écrire transgression), pour cet étalage d'impressions qui me sont venues à la lecture de ce discours de Valls.



Voilà donc que notre premier ministre s'adresse au peuple dans son discours avec des mots aussi touchants que vidés de leur sens par lui-même, ses collègues politiques du moment ou d'avant… et sans doute d'après.

Donc je cite : "La Libération, c'est la preuve que, face à l'adversité, un peuple, s'il sait se rassembler, peut reprendre en main son destin."



Je ne reviendrai pas en détail sur les événements historiques qui pourraient réfréner certains enthousiasmes. La libération de Paris a bien davantage une valeur hautement symbolique qu'un quelconque intérêt sur le plan stratégique. C'est même en quelque sorte un coup de force des Français qui, à la limite de l'insubordination, s'éloignent des plans des alliés qui voulaient contourner la capitale. Quant à la Résistance, je vous renvoie volontiers à ce récent film "Diplomatie" où au cours d'un long dialogue entre von Choltitz interprété par l'excellent Niels Arestrup et le consul de Suède Nordling interprété par le non moins excellent André Duss olier, le premier marque son mépris pour ces Parisiens se révélant résistants quand sonne l'hallali tandis que Paris fut livrée aux allemands sans un coup de feu et que les mêmes Parisiens s'accommodèrent finalement assez bien de l'occupation.

Allez! Soyons  sympa! N'insistons pas trop sur les militaires de la 2ème DB et de la 4ème DI américaine, oublions carrément von Choltitz qui, désobéissant à Hitler, évita à Paris de connaitre le funeste sort de Varsovie, et laissons s'autocélébrer le peuple parisien. Et revenons aux propos de Valls.



Il dit "face à l'adversité". C'est bigrement intéressant. Mais de quoi s'agit-il?

Dans un récent billet je notais justement que la grande difficulté du moment, celle qui empêchait le peuple de se mobiliser, était cette incapacité de nos gouvernants de désigner un adversaire. Alors certes, ils s'en trouvent de façon opportune. Un coup la finance, puis la mauvaise finance parce qu'il en existe une bonne, parait-il, un coup le chômage, en fait des  choses contre lesquelles il est difficile de se mobiliser, de prendre les armes.

Mobilisons-nous contre la finance, c'est quand même un peu creux même si ça peut réjouir quelques nostalgiques d'une gauche disparue. Et puis ça fait un peu désignation d'un bouc-émissaire pour justifier ces échecs passés, présents et à venir. Mobilisons-nous contre le chômage, c'est du mépris vis-à-vis de ceux auxquels on a promis de mener la bonne politique pour inverser une courbe du chômage qui n'en finit pas de grimper.

Mais c'est vrai qu'il y a aussi les forces rétrogrades, ou plutôt obscures contre lesquelles il faut se mobiliser parce qu'elles constituent  une menace pour le pacte républicain. Là on ne sait pas ce que ça veut dire, du moins le pacte républicain, parce que les forces obscures, ce sont ceux qui ne pensent pas bien, qui refusent le fameux progrès auquel il serait criminel de tenter d'échapper et surtout de vouloir faire échapper les masses.

En fait on ne sait pas trop ce qu'est cette fameuse "adversité". Peut-être un indice? Dans une autre partie de son discours Valls déclare " Face à la barbarie, jamais la France ne pourra être indifférente, nulle part elle ne pourra détourner le regard." Allez Manu, un petit effort, lâche-toi, donne-nous des noms! Faut dire que c'est quand même gênant ces généralités. Autant dire qu'on est pour l'amour et contre la maladie, c'est pas moins profond finalement. Parce que, et je vous en épargnerai la longue liste, les barbaries, c'est pas ce qui manque. Il y en a d'ailleurs sans doute trop pour ne pas être obligé d'être sélectif. On en oublie certaines, en tolère d'autres, mais quand même on a la force de s'indigner contre quelques unes. Après tout on ne peut pas être partout. Encore un discours qui ne correspond pas à la réalité!

Mais peut-être, puisqu'on pourrait éventuellement supposer qu'il faille faire une analogie avec l'occupation nazie si on se place dans le contexte du discours, s'agit-il d'une forme de barbarie qui nous menace directement. Alors vite des noms, l'union nationale est à ce prix. Hélas on n'en saura pas davantage. Donc pas d'union nationale, pas de peuple rassemblé capable de reprendre en main son destin.



C'est pourtant ce qu'il souhaite dans son discours " un peuple, (qui) s'il sait se rassembler, peut reprendre en main son destin."

Personnellement je trouve ça particulièrement gonflé. Valls fait partie d'une longue lignée de dirigeants politiques qui ont fait tout justement pour que le peuple voie son destin se décider ailleurs. La preuve en est qu'il en appelle avec son piètre patron à l'Europe et à l'Allemagne (c'est pareil?) pour résoudre les problèmes de croissance de la France et partant de chômage. Valls fait partie de cette longue lignée d'hommes politiques qui ont bradé notre défense nationale et en conséquence notre politique étrangère dont elle était un des outils majeurs, mettant la France dans un alignement parfait avec Washington, même si ça peut nuire à ses intérêts. Valls est le prototype de l'européaniste atlantiste et qui ose aujourd'hui appeler le peuple à reprendre en main son destin. Si celui-ci avait envie de l'écouter, la première chose qu'il aurait à faire c'est de lui botter le cul et de le renvoyer au néant, politique j'entends. Valls, pour paraphraser Bossuet, fait partie de ces gens qui maudissent les conséquences des causes qu'ils chérissent. Dieu s'en rit peut-être, mais quant à nous il ne nous reste que les larmes.

Et pour terminer, juste histoire de justifier le titre de ce billet, j'ai envie de lui demander : mais de quel peuple parlez-vous? Cet homme de gauche, certains en doutent mais lui s'en réclame, fait partie de cette grande famille de politiques (et il en existe à droite aussi, du moins ceux-là se prétendent-ils de droite) qui  se sont essuyé les pieds sur la nationalité française, la bradant à qui la voulait et même la donnant à qui n'en voulait pas forcément mais qui avait eu cette chance ou ce malheur, tout dépend du côté où on se place, de naitre sur notre sol. Valls fait partie d'une famille d'hommes politiques qui se sont vautrés dans la repentance, qui ont revisité notre histoire pour en extirper le pire et négliger le meilleur, de ces gens pour qui une civilisation ne saurait être supérieure à une autre, toutes se valant évidemment, et qui avec le temps ont fini par tuer l'idée de nation, nauséabonde évidemment. Valls fait partie de ces gens qui emploient cette fameuse expression "peuple de gauche" invitant ainsi ce "peuple" à rompre avec une nation dans laquelle d'autres que lui pourraient se reconnaitre. Alors de quel peuple parle-t-il? D'un peuple qui n'existe plus parce que lui et ses semblables n'ont eu de cesse de le détruire.



Ah que voilà un beau discours! Des mots, rien que des mots. Un beau travail digne du "communiquant", cette nouvelle race d'hommes politiques en vogue, qu'est notre premier ministre.

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