Nous
avons en occident, parait-il, un quatrième pouvoir constitué par les médias. Ce
quatrième pouvoir, et là je me limiterai au cas français, devrait logiquement
limiter les possibles excès des trois autres pouvoirs qui eux-mêmes devraient
être en mesure de modérer ceux des deux autres.
Or,
dans certaines configurations, il apparait que tous ces quatre pouvoirs
marchent d'un même pas pour cette fois en contrôler un cinquième qu'on ne
présente jamais comme tel, et pourtant il parait que nous sommes en démocratie,
et qui n'est autre que l'opinion publique.
Je
fais partie de ceux qui pensent, mais sans doute suis-je dans l'erreur ou pas
dans l'air du temps, qu'une démocratie digne de ce nom ne peut fonctionner que
quand les citoyens sont éclairés.
Là
je pourrais faire un long développement, mais je m'en abstiendrai, sur la
formation du citoyen, sur la mise à sa disposition dès lors qu'il entre dans le
système éducatif des moyens nécessaires à son libre-arbitre, pour finir par un
triste constat que la résistance de quelques enseignants à des dérives
idéologiques post-soixante-huitardes ne pourrait guère atténuer. Dès lors que
le pouvoir ne veut pas se montrer coercitif, car il est des apparences
démocratiques à conserver, il devient nécessaire de former des crétins. Et ici
quand je parle de pouvoir, je ne me réfère guère à ceux institutionnels qui eux
aussi sont apparence, mais à une sorte de nébuleuse dont on ne sait guère qui
en est à la tête, cachée derrière des institutions supranationales dont les
dirigeants ne font guère illusion, et c'est d'ailleurs pour cela qu'on les a
choisis, quant à leur maitrise sur les événements. Pensez juste une seconde au
trio van Rompuy, Barroso, Ashton pour en être définitivement convaincus.
Les
médias quant à eux ont pris ce chemin d'une institutionnalisation vide de sens.
Tributaires davantage du pouvoir (celui politique ou celui des actionnaires
majoritaires) que de leur lectorat pour la presse ou audimat pour la télévision
ou la radio pour subsister, mettant en avant des journaliste-vedettes dans le
cadre du spectacle qu'on nous sert, plutôt que les vrais journalistes de terrain
qui pour certains risquent leur vie et même meurent pour tenter d'informer et
dont souvent les informations qu'ils rapportent seront adaptées au message
officiel qu'on veut faire passer, les médias sous des apparence de liberté,
sont devenus pour la plupart des laquais n'ayant rien à envier à la Pravda à
l'époque de Brejnev.
Pour
illustrer mon propos je voudrais juste citer une anecdote concernant Patrick
Bourrat, grand reporter pour TF1 et mort au Koweit dans l'exercice de ses
fonctions. Alors qu'il était en poste à Moscou, et là aussi il avait risqué sa
vie, il faisait des reportages dépeignant systématiquement la Russie sous son
côté le plus sombre. Interpelé par une connaissance sur cette partialité, voici
la réponse qu'il fit : "Tu
sais, à Paris, j'ai un rédacteur en chef. Il a en tête une certaine image de la
Russie avec des pointillés. Si mes reportages remplissent ces pointillés, ils
passent à l'antenne. S'ils ne les remplissent pas, ils ne passent pas. Et si
mes reportages ne passent pas à l'antenne, mon prochain poste sera au Botswana
ou au Zimbabwe…" C'était il y a une vingtaine d'années. Et les choses ne se sont pas
améliorées.
Dans le même ordre d'idée on a
Olivier Ravanello déclarant que "l'information
sur la Russie est faite à Paris". Ce que je confirme étant donné la
distorsion entre ce que je peux lire et ce que je vis au quotidien. Au passage,
pour vous rassurer sur mon sort et contrairement à ce que vous ne manquerez pas
de lire bientôt, malgré l'embargo sur les produits alimentaires, les étals
restent pleins (un peu moins de viande c'est vrai) avec maintenant des étiquettes
sur la provenance indiquant Serbie,
Pérou, Argentine, Chili, Equateur, Egypte, Israël (tiens une raison de plus
pour les haïr!),…
J'ai
déjà produit quelques billets sur la crise ukrainienne. J'ai cette chance
d'être placé à la croisée de deux informations sur le même sujet et qui ne se
ressemblent pas. C'est le moins qu'on puisse dire. Au point qu'une synthèse est
impossible à réaliser donnant une idée qui pourrait être à peu près objective
de la situation réelle. Médias asservis de part et d'autre.
Mais
quand des pays mettent en avant leurs valeurs démocratiques, s'appuient sur ces
valeurs pour valider leurs choix stratégiques (ce qui au passage serait une
nouveauté, les intérêts primant évidemment sur les valeurs dans le cadre de ce
qu'on appelle la Realpolitik), ne deviennent-ils pas désavantage critiquables?
Le droit international, la vertu, les valeurs sont proclamées comme fondement
de décisions dont ceux qui les prennent n'ont que faire. Et les médias ont pour
rôle, en tronquant l'information, en pratiquant l'indignation sélective, en
balançant des seaux d'émotion à la tête de leurs lecteurs, auditeurs ou
spectateurs, d'appuyer cette hypocrite vision du monde. Je vais donner quelques
exemples plus loin.
Les
médias n'informent plus. On n'y trouve que très peu de véritables analyses. Ils
désignent le camp des gentils et celui des méchants. Ce n'est pas nouveau. La
guerre en ex-Yougoslavie fut en ce sens exemplaire. C'est d'ailleurs au cours
de cette guerre que l'idée s'établit d'accompagner les opérations par des
communicants, en particuliers les spins-doctors de Blair. J'ai encore en
mémoire lors de la guerre du Kosovo, il fallait absolument que les Serbes
soient les méchants et les Kosovars de pauvres victimes (on voit ce qu'il en est!),
de l'inénarrable Jamie Shea, porte-parole de l'OTAN (qui au passage intervenait
sans mandat de l'ONU), un de ces communicants qui pourrait vendre du sable en
sacs à des bédouins, venir chaque jour nous raconter son petit conte de la
journée. Un jour, parce qu'il fallait justifier une bavure, il réussit même à
nous persuader qu'un tortillard à vapeur roulant sur un pont de bois branlant
avait débouché à une telle vitesse, au moins celle d'un TGV, qu'il s'était par mégarde placé sur la trajectoire d'un
missile lancé par un pilote qui évidemment visait une autre cible.
C'était
de l'information de guerre. Mais l'esprit était déjà là qui persiste
actuellement à justifier des prises de position, notamment en politique
étrangère. Certes on y va un peu moins fort, faudrait pas que ça paraisse trop
gros, et les rédactions en général ne disposent pas de Jamie Shea, ce genre
d'animal étant quand même exceptionnel et de toute façon pas dans les moyens
des médias.
Maintenant
où en sommes-nous? On balance des informations non vérifiées, et sans doute non
vérifiables parce que fausses. Hypothèses d'une journée, elles deviennent
subitement réalité. Et si la vérité risque de pointer son nez, alors on met
bien tout ça sous le couvercle.
Quelques
exemples. Je reste sur l'Ukraine pour les raisons indiquées plus haut.
Il
y a quelques jours, "Kiev" déclare avoir anéanti une colonne de
blindés russes ayant pénétré sur on territoire. Obama, Merkel, Cameron et les
autres dont notre pépère-suiveur crient au scandale, menacent de nouvelles
sanctions. L'info est devenue réalité alors qu'elle ne repose que sur des
affirmations de l'une des partie bien incapable de fournir des preuves, même
pas un petite photo, même un peu truquée, parce qu'il n'en existe sans doute
pas. Les services américains diront d'ailleurs le lendemain qu'ils n'ont pas
encore d'éléments prouvant un franchissement de frontière. Mais tout ça n'est
pas grave, le mal est fait. Enfin le mal…façon de parler car il y a sans doute
des intentions là-dessous. Le fait que l'OSCE n'ait rien vu ne constituera
d'ailleurs aucun obstacle pour relayer une fausse information de ce type, et
même pas un emploi du conditionnel.
Un
peu plus tard; "Kiev" toujours annonce avoir mis la main sur deux
blindés russes dont les occupants n'étaient pus là, sans doute partis boire un
verre un peu plus loin. La preuve, ils ont retrouvé la sacoche d'un officier
russe dans un des chars, avec toutes ses coordonnées. Ça ne gêne pas nos médias
de publier ça alors que jamais aucune preuve n'a été montrée et que l'OSCE n'a
toujours rien vu.
Et
je pourrais citer une litanie d'infos de ce genre, celles balancées par
"Kiev", par Rasmussen ou autres qui ont la preuve que, mais qui sans
doute pour ne pas froisser les Russes ont la délicatesse de n'en jamais montrer
une seule.
Mais
peut-être quand même un peu plus grave, c'est l'affaire du vol MH 17 abattu
évidemment par les rebelles, pardon les terroristes, grâce à un système d'armes
sophistiqué et lourd (5 engins blindés) qui a franchi la frontière russe dans
les deux sens à l'insu des satellites braqués sur cette frontière. Bon,
l'affaire est dans le sac, sanctions aggravées, contre-sanctions (bien
évidemment honteuses et même illégales – on va saisir l'OMC - et injustifiées
et qui de toute façon ne nous ferons même pas mal, mais par contre les
autres…), le ton monte, le méchants sont vraiment méchants et heureusement que
les gentils sont là, etc.. Le crash c'était il y a plus d'un mois déjà. Depuis
les boites noires ont été retrouvées, fournies d'ailleurs gracieusement par les
séparatistes, pardon encore, terroristes, semblant curieusement, mais là les
journalistes ne s'en sont guère inquiétés, bien silencieuses. Depuis des
experts ont accédé bien difficilement sur le lieu du crash, devenu, mais ça
évidemment personne ne s'en est vraiment offusqué ou ne s'est interrogé sur les
causes, zone de combat (la zone étant sous contrôle rebelle, elle ne pouvait
évidemment devenir zone de combat que par la volonté de "Kiev"). En
fait plus personne n'en parle de ce crash. Normal puisque le coupable est connu
même si par ailleurs aucune preuve tangible n'a pu être apportée à ce sujet.
L'actualité est ailleurs sur le coup de boule donné par un joueur de foot à un
autre ou, si on en revient à l'Ukraine sur les accusations d'invasion du pays
par des sacs de riz et des bouteilles d'eau minérale venant du pays des
méchants. Ça doit sans doute être la première fois que le conseil de sécurité
de l'ONU se réunit pour se pencher sur le bien-fondé d'une opération
humanitaire. Ça ça pourrait faire un bon sujet pour un papier, non?
Donc
plus d'un mois après un crash meurtrier, les médias ne s'étonnent pas qu'on
n'en sache pas plus. Le problème réside ans doute dans le fait que la raison de
ce silence n'est guère avouable. Rassurez-vous, je ne vous donnerai pas le nom
d'un coupable qu'il faudrait taire. Juste une information émanant d'une source
ukrainienne, l'agence de presse Unian. Dans un article en
date du 12 août cette agence (qui a pignon sur rue à Kiev) fait état d'un
protocole signé entre l'Ukraine, la Belgique, l'Australie et la Hollande
obligeant au secret pendant le temps de l'enquête dont les résultats finaux ne
seront divulgués qu'avec l'accord unanime de toutes en parties, chacune d'elle disposant
d'un droit de veto pour s'y opposer. La Malaisie aurait refusé de s'associer à
ce protocole.
Cette
information n'est évidemment pas anodine car si elle et avérée, elle implique
que seule une vérité et admissible. Pas la vérité, une vérité. Elle est pourtant
accessible, la preuve j'y ai accédé, et reprise par quelques blogs. Mais nos
journalistes préférant visiblement rapporter les accusations de
"Kiev", de Rasmussen et des autres semblent bien éloignés de la
volonté d'informer objectivement le public qui se rapporte à eux pour se
"faire une idée, une opinion".
Voilà
juste quelques éléments nous montrant comment fonctionne notre fameux quatrième
pouvoir.
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