Les Français sont peut-être trop
exigeants vis-à-vis de leurs dirigeants politiques. Ou peut-être encore
croient-ils qu'il existe des hommes providentiels capables de les sortir, de
sortir le pays, d'une situation dont ils ont enfin pris la mesure. Cela est
palpable à l'occasion des élections présidentielles qui montrent qu'ils sont
toujours attachés à une vision de la politique, sans doute dépassée dans la
mesure où ils imaginent encore qu'un éventuel remplaçant pourra faire mieux que
son prédécesseur. Et ils déchantent très
vite, et même sans doute de plus en plus vite. L'évolution des courbes de popularité
de nos présidents successifs semble indiquer cela quand on considère le temps
de plus en plus restreint qu'il faut pour tomber dans la disgrâce du peuple
pour nos chefs d'Etat successifs. L'actuel a fait mieux, largement mieux en ce
domaine que son prédécesseur qui lui-même avait chuté dans les sondages plus
vite que le sien. Certes on pourra aussi imputer cela à la personnalité
respective de ces présidents qui font de moins en moins président. Quand le
dernier élu se balade, moins de trois mois après son élection, sur une plage
française en tenue de bidochon, il s'en prend plein les gencives, régresse de
plus de 10 points dans les sondages. C'est sans doute le fruit d'un vieux
réflexe monarchique, les restes d'une mentalité féodale voulant que chacun
tienne son rôle, sa place, sans déchoir. Les Français aiment la verticalité et
s'ils peuvent désormais choisir leurs seigneurs, et surtout leur seigneur en
chef, leur substitut de souverain, ils ne peuvent pardonner à ceux-là et
surtout à celui-là de ne pas avoir l'attitude convenable. Aussi tant le T-shirt
marqué NYPD, que le pantalon en boule et le polo sans forme sur la plage de Bormes-les-Mimosas,
demeurent-ils des accessoires vestimentaires symboles d'une déchéance de la
fonction.
Mais le pire n'est bien sûr pas
dans la tenue vestimentaire de nos présidents, même si elle marque une rupture davantage
que symbolique avec un passé assez récent.
En 2012, dans sa célèbre et
devenue risible anaphore quand on voit ce qu'il en est advenu, le candidat
Hollande donnait une leçon à Sarkozy, président en titre. En gros il lui
expliquait qu'il serait le contraire de lui, un président comme on l'imagine,
ersatz de souverain, homme capable de prendre de la hauteur, du recul, se
plaçant au niveau donc qu'exige sa fonction. Le monarque doit être un homme de
vision, celui qui majestueusement indique le chemin et surtout pas celui qui
entre dans les détails, dans les intrigues de couloirs, dans le querelles de
courtisans. Et même si Hollande de par son physique et son allure ne disposait
pas, et ne disposera jamais de la majesté pouvant appuyer ce discours, on doit
admettre qu'il a pu en convaincre certains. Or il s'avère que l'anaphore aurait
dans ses prolongations autant d'effets que le fameux discours du Bourget. Les deux
piliers de la campagne du candidat Hollande, donc ce discours sans suites, mis
à part les quelques incongruités sociétales qui ont divisé les Français, et
cette anaphore dont chaque jour nous révèle la fausseté du propos, donc ces
deux piliers qui ont permis à celui qu'on appelait Flanby, fraise des bois,
Mollande, Guimauve le Conquérant, au moins étions-nous prévenus, n'étaient que
du vent. Hollande a été élu sur des mensonges. Or pas davantage qu'il n'est
censé les diviser, le souverain n'est censé mentir à son peuple. Car la
verticalité de type féodal impose droits et devoirs à chacun des échelons qui
la fonde. Du plus haut au plus bas. Et ce qui fonde le lien forcément
inégalitaire qui unit les puissants et les manants s'appelle la confiance. Le
pouvoir du souverain tant que des seigneurs n'est pas fondé sur l'arbitraire. Loin
s'en faut. Et pour que la majorité accepte sa situation de dominée, donc pour
que tienne le système, il faut que chacun tienne son rôle. Et c'est d'autant
plus vrai en République que nul ne saurait se cacher derrière un soi-disant
droit divin ou un droit dû à sa naissance pour atténuer un manquement à ses devoirs.
Au contraire, l'exigence devrait être plus forte encore et le souci des élus et
de leur entourage encore davantage affirmé dès lorsque nous ne sommes plus dans
une société d'ordres.
Mais comme chacun peut le
constater, ce n'est pas ainsi que cela se passe. Car en un certain sens les
politiques ont rétabli un ordre qui leur est propre en devenant des
professionnels de la chose, en vivant de ce qui n'aurait dû être qu'une mise à
disposition de leurs compétences, de leurs talents et de leurs convictions au
service du pays, au service de leur peuple. Ils se sont simplement mis à leur
propre service, se constituant en une sorte d'aristocratie nouvelle dont on
peut se demander légitimement si elle n'est pas pire que l'ancienne.
Car à quoi assiste désormais le
peuple médusé? Tandis que les gens qu'il a portés au pouvoir devraient lui
assurer protection, ce terme étant à prendre au sens large, comprenant donc ses
aspects économiques, financiers, sociaux, sécuritaires, identitaires et j'en
passe, il les voit depuis une trentaine d'années se dépouiller de leurs prérogatives
au profit de technocrates européens ou autres qu'il n'a pas choisis, il les
voit échouer dans leurs missions comprenant enfin le sens de l'expression que
l'on doit à Charles Pasqua qui disait que "les promesses n'engagent que
ceux à qui elles s'adressent". Alors que sa situation ne cesse de se
détériorer, que l'avenir devient source de crainte plutôt que d'espoir, il voit
toujours les mêmes pendant des décennies lui tenir de beaux discours sans
lendemains. Et surtout il les voit prospérer.
Car pour les politiques, une fois
un certain niveau de notoriété atteint, les problèmes d'avenir n'existent plus.
Ne pas être élu ne signifie pas devoir pointer à pôle emploi. Car la République
est généreuse avec ceux qui la servent si mal. Enfin façon de parler car il ne
s'agit pas hélas de la République mais de ceux qui ont fait main basse sur elle,
qui en ont fait un objet de prédation. "T'es pas réélu? Bon, l'IGAS, ça t'intéresse?
A moins que tu préfères l'Institut du monde arabe. Sinon j'ai une commission
pour toi." Et puisque quand on aime on ne compte pas, on étend les
largesses aux conseillers, aux fidèles. Une présidence de la caisse des dépôts,
c'est pas dégueu comme recyclage. Les places ne manquent pas pour récompenser
ses potes. Les compétences sont accessoires évidemment. De toute façon il y a
des grouillots en dessous pour faire le boulot, après tout. Ben oui, pour être
facteur faut passer un concours, tandis que pour devenir inspecteur général,
c'est accessoire.
Et puis il y a ces avantages
qu'on accorde ou qu'on s'accorde. Alors que les retraités et les fonctionnaires
voient leurs pensions et salaires figés jusqu'à une date indéterminée, alors que
les prestations sociales sont bloquées, on apprend que les conseillers ministériels
se partagent des primes mensuelles qui avoisinent en moyenne 4 SMIC. Peut-être
bientôt davantage puisque ce dernier est considéré comme trop élevé.
Mais ne nous y trompons pas. Les
Français ne sont pas trop regardants sur ces arrangements entre amis et même
sur l'honnêteté de certains de leurs dirigeants. Combien de maires, de députés
réélus après une condamnation? Ça ne manque pas et les dernières élections nous
ont montré quelques cas emblématiques de ce découplage qui existe dans les
esprits entre le comportement de certains élus et leur action politique. Il
semble que les électeurs ou des électeurs soient davantage attachés à
l'efficacité de leurs élus qu'à leur intégrité. Or le discours tenu par les
politiciens, surtout â ceux du camp de la morale, même si les affaires ne manquent
pas de les rattraper, et pas moins que les autres, est souvent inverse. La
tendance à salir l'adversaire politique est plus forte que celle d'attaquer son
bilan. Comme quoi ils n'ont pas compris grand-chose à ceux qu'ils sont censés représenter
et gouverner. A moins que ce ne soi à cause de leur impuissance à faire mieux
sur le plan politique. Du coup on se démarque comme on peut.
Non en fait tout cela, toutes ces
pratiques de caste, deviennent insupportables quand le travail n'est pas fait,
quand le peuple se sent mal dirigé, et même quand il sent que ses intérêts et
ceux de son pays ne sont plus la priorité de ses élus.
Aujourd'hui un président a dit
qu'il ne se représenterait pas si le chômage ne baissait pas d'ici la prochaine
élection présidentielle. Par ce propos, il nous a indiqué quelle est sa
priorité. Et ce qu'il a dit symbolise les causes de ce dégout qu'ont de plus en plus
de Français pour leur classe politique.
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