"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

lundi 15 avril 2013

L'homme-édredon


Le décès récent de Margaret Thatcher et les réactions qu'il a suscitées, réactions hors normes lorsqu'il s'agit de la disparition d'une personnalité, donne à réfléchir sur la notion d'homme d'Etat.
En France la simple disparition de la scène politique d'un Chirac a suffi à créer une certaine unanimité bienveillante autour de sa personne. Même certains de ses adversaires politiques plaidaient l'indulgence quand il fut trainé devant les tribunaux. Tandis que Thatcher, même 23 ans après qu'elle eut quitté le pouvoir, continue à susciter des passions antagonistes. Elle fut pourtant élue démocratiquement et assez appréciée pour être réélue deux fois et battre le record de longévité d'un premier ministre britannique. Ce n'était pas un tyran et quand il lui fallu partir sous la pression de son propre parti elle le fit.
La question est donc : est-ce à la marque d'un véritable homme d'Etat de pouvoir être encore détesté même au-delà de son existence? (en démocratie s'entend).

Parce que le vrai chef d'Etat, ce n'est pas tant celui qui rassemble, au sens de vouloir faire plaisir à tout le monde (ici le vouloir est important), que celui qui décide et qui fait respecter ses décisions. Dans ce sens Thatcher fut une véritable femme d'Etat, ne transigeant jamais sur rien quel qu'en soit le prix. Et on sait que celui-ci fut parfois très élevé, la mort pour certains qui avaient mis leur vie sur la sellette. Ils furent 10 indépendantistes irlandais à mourir en 1981 des suites d'une grève de la faim sans avoir rien obtenu. Cette intransigeance que d'autres durent supporter durement, comme les mineurs et les syndicats, mais aussi ses homologues chefs d'Etat ou de gouvernement, n'est évidemment pas pour rien dans cette haine qu'elle suscite encore chez certains et même au-delà des frontières britanniques. Mais elle agit toujours selon ses convictions, pour son pays qu'elle redressa.

 Il est tentant, si on s'amuse à prendre Margaret Thatcher comme étalon, n'y voyez pas de jeu de mots, de placer notre président sur cette échelle des chefs de l'exécutif. Et là nous ne sommes pas déçus. Si en haut nous avons donc la "dame de fer", nous avons ce privilège pourtant pas envié d'avoir pour nous diriger "l'homme-édredon". D'un côté nous avons la dureté, de l'autre la mollesse. D'un côté nous avons le courage, de l'autre une constante pusillanimité. D'un côté nous avons la fermeté, de l'autre l'inconsistance. D'un côté nous avons un cap bien fixe, de l'autre de continuels atermoiements.

L'homme édredon, celui auquel des inconscients qui pour beaucoup désormais le regrettent amèrement, est une calamité pour son pays. Et c'est d'autant plus une calamité qu'on ne peut guère faire quelque chose contre lui. En fait il énerve jusqu'à ce qu'on décide qu'on n'a plus qu'à attendre que le temps passe et nous débarrasse de lui. Car il est difficilement saisissable, et quand vous pensez l'avoir saisi vous ne savez pas quel bout vous tenez tout en vous rendant compte de son encombrement, de son inutile encombrement. Vous voulez le cogner, et vous tapez dans du mou, vous vous enfoncez inutilement sans jamais lui porter atteinte. Il se déforme et peut même prendre toutes les formes qu'on veut. Enfermez-le dans une boite cubique, il devient un cube, enfermez-le dans une sphère, il devient sphérique. C'est l'inconsistance même, celle qui fait que vous n'avez aucune prise sur lui. Tapez-le il ne se passe rien, invectivez-le, vos paroles s'étouffent dans sa masse, en l'occurrence grandissante.
Même ceux qui se prétendent ses amis, ou plus pragmatiquement ses alliés (de circonstance) ont du mal à cacher leur mépris pour lui. Evidemment ils ont largement participé à sa réputation avant qu'il n'arrive là où il est arrivé sans doute parce qu'après un homme qui avait du mal à arrondir les angles, une majorité d'électeurs se sont orientés vers quelque chose de beaucoup plus douillet. Ils n'ont pas manqué de lui donner ces sobriquets que son action ne peut réfuter. "Fraise des bois" devenu "fraise flagada" (Fabius), "Flamby" (Montebourg) , "couille molle" (Aubry), "Guimauve le Conquérant" (Bachelay), "pépère" (ses conseillers), voilà un échantillon des sobriquets qu'il traine depuis des années et donnés au sein même de son camp politique. Lui vous dira qu'il s'en moque, qu'il a le cuir bien tanné. Mais c'est faux. Il suffit de voir ses piètres réactions quand ses propres ministres mettent publiquement en doute son action. Non il n'a pas le cuir tanné, il est mou et tout cela s'enfonce vers des profondeurs inconnues. Alors vous pensez bien que les mots doux venant de l'opposition qui est là dans le rôle qui lui est assigné ne peuvent guère l'atteindre. Et ça quand même c'est pénible.

Un jour viendra, espérons-le proche, où l'homme-édredon devra rendre les clés de la maison France. L'état des lieux ne sera pas terrible. Alors il disparaitra des radars. Ses amis (!) socialistes n'ouvriront pas le club des "amis de Hollande", on ne l'envisagera jamais comme un recours éventuel, il n'y aura pas besoin de s'acharner judiciairement sur lui (inutile de toute façon car il ne sait jamais rien!). On l'oubliera. Un jour, comme c'est la chose que nous partageons tous, et espérons pour lui que ce sera le plus tard possible, il disparaitra. Sans doute cela méritera-t-il un filet aux informations. Mais sans doute, à condition qu'il ait une certaine longévité, les plus jeunes se demanderont qui c'était tandis que les plus vieux essaieront vainement de mettre un visage sur le nom qu'ils viendront d'entendre. Peut-être cette image de l'édredon leur viendra-t-elle alors à l'esprit.

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