"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mardi 16 avril 2013

Dur d'être riche et de gauche


Cahuzac avait démontré aux Français qu'on pouvait être ministre dans un gouvernement de gauche, riche et tricheur. L'émotion fut forte, assez forte pour que le président de la République se sente obligé de s'adresser par deux fois aux Français. Il faut dire que la première fois avait été assez pathétique, entre "je ne savais pas, il nous a trompés", et l'annonce de mesures qui n'en étaient pas puisque celles proposées existaient déjà, mais demandaient peut-être à être mises en œuvre. Bref il n'avait guère convaincu. Par ailleurs de nouvelles allégations de Médiapart et d'autres médias sur la connaissance que pouvaient avoir le président et certains ministres des turpitudes du ministre du budget, ainsi que sur le montant réel déposé sur ce compte en exil devenaient embarrassantes pour le pouvoir et il était urgent, faute de pouvoir sans doute démentir preuves à l'appui ces affirmations, de les faire oublier en frappant un coup dur.
Certes le mariage pour tous discuté au Sénat pouvait aider, mais ça ne suffisait pas. Pas plus que l'avancement dans le calendrier de la seconde lecture de la loi devant l'assemblée nationale avec les effets qu'on peut en attendre quant à la radicalisation du mouvement anti-mariage pour tous. Car il est peu probable qu'on arrive à démontrer que des gens qui ne cassent rien, qui ne brulent pas de voiture, qui n'agressent physiquement personne, constituent un danger pour la République. Il fallait donc trouver autre chose. Faut dire qu'avec un peuple gavé de télé-réalité et donc enclin au voyeurisme on pouvait s'en sortir assez facilement en répondant à ses bas-instincts. Ah, il voulait voir le peuple, alors on allait lui en mettre plein les mirettes. "Mesdames et messieurs les élus, au nom de la transparence et de la moralisation de la vie politique, vous voilà sommés de mettre tout sur la table. De vos comptes, assurances-vie, livrets A, placements divers (réguliers bien sûr), biens immobiliers et mobiliers, de vos moyens de déplacement, tout, nous devons tout savoir." "Chiche" répondirent certains dont les raisons de cet enthousiasme restent parfois sinon ténébreuses, animées d'intentions sans doute peu avouables, "gloups" répondirent les autres pour des raisons analogues. On n'essaiera pas de les développer en détail. Arrêtons-nous simplement à celles qui justifient le titre de ce billet.

Il est effectivement difficile d'être de gauche, d'exercer des responsabilités politiques et d'être riche en même temps. Non pas tant parce que le peuple se serait fourvoyé dans cette idée que les gens de gauche seraient forcément des gens modestes, les années Mitterrand ayant définitivement décillé les plus distraits, que parce qu'à force de taper sur les riches, de leur imputer tous les maux de la société française, et notamment les maux économiques, de les faire passer pour des gens sans morale, de dire qu'on ne les aime pas comme le fit le gras millionnaire qui allait devenir président quelques années plus tard, il devient effectivement difficile d'admettre qu'on fait partie de cette catégorie honnie. Devra-t-on en plus faire avouer aux riches de gauche qu'ils ont bénéficié, à l'insu de leur plein gré bien évidemment, du honteux bouclier fiscal mis en place par l'Infâme, et que par conséquent ce n'est pas seulement Liliane Bettencourt qui en a profité. Il semblerait qu'on leur épargne cette épreuve déshonorante en les exemptant de publier leur avis d'imposition. Dans le cas inverse une cellule psychologique aurait sans doute dû être mise en place. Quoique vues les réactions de certaines des personnes concernées, cette option ne doive pas être définitivement écartée.

Car pour certains le choc est violent. D'autant plus violent qu'ils en avaient même oublié qu'ils étaient riches, ce que cette mesure leur rappelle de façon inopportune.
Dans cette catégorie des personnes violemment traumatisées on trouve sans doute au premier rang notre malheureuse ministre déléguée aux personnes âgées et à la dépendance dont on découvre que la sienne ne devrait guère lui poser de problèmes, au moins financiers.
Notre pauvre (titre honoraire qu'elle mérite amplement) madame Michèle Delaunay se trouve en effet, avec son époux, à la tête d'un patrimoine de 5,4 millions d'euros, comme moi si je gagnais au loto au rang 1 finalement. Donc pas de quoi fouetter un chat. Mais elle ne l'envisage pas comme cela. Elle est au contraire fort gênée de sa fortune dont l'exposition, selon ses mots pourrait susciter de l'incompréhension. Faut dire que ses craintes sont justifiées alors qu'on la connait plutôt sectaire et aimant à se présenter comme le parangon de la lutte contre les inégalités. Elle est donc gênée et même "émue de devoir transformer toute une vie en éléments financiers. Alors qu'elle est tout sauf ça". Qu'elle ne s'inquiète pas, j'ai des solutions pour la sortir de là. On verra ça plus loin.
Mais pourquoi lui en vouloir, à madame Delaunay. Une partie de ce patrimoine, elle et son époux l'ont gagné à la sueur de leur front en exerçant des activités professionnelles très louables, cancérologue et chef de clinique pour ce qui la concerne, et haut fonctionnaire pour ce qui concerne monsieur. Rien que de très honorable là-dedans. Et pour le reste, la plus grosse partie, ça lui est, ça leur est tombé dessus. Ce sont des héritiers. Donc en quelque sorte des victimes. Ce qui explique peut-être qu'ils n'ont pas eu d'enfants, ne voulant pas faire peser sur leurs têtes un si lourd fardeau. On pardonnera donc d'autant plus aisément à madame la ministre qu'on sait qu'elle a dû beaucoup souffrir de cette tare d'avoir des parents riches.
Mais ce qui incite le plus à lui pardonner, c'est cette émotion dévoilée mais aussi et surtout le fait qu'elle assume finalement sa fortune parce qu'elle "ne s'est jamais vécue comme riche". Puisse cette phrase être gravée en lettres d'or en guise d'épitaphe sur sa tombe qu'on espère encore très éloignée d'elle. Car c'est une vraie leçon de vie qu'elle nous donne ici. Et qui pourrait profiter au plus grand nombre, donc aux modestes et aux pauvres. Si vous ne voulez pas vivre mal votre pauvreté, vous pouvez l'assumer en ne vous vivant pas comme pauvre. Essayez, et vous allez tout de suite vous sentir mieux, vous verrez. Ceci dit, si au coin d'une rue vous croisez madame la ministre vous pouvez tout de même essayer de lui demander un petit quelque chose. Ça devrait lui faire plaisir de se délester d'une partie de sa fortune à votre profit, à moins qu'à ce moment-là, précisément, elle ne se sente pas vraiment riche et ne comprenne pas votre requête.
En attendant, et pour sortir madame Delaunay de son visible embarras, j'ai quelques suggestions à lui faire : la première serait de quitter la vie politique et de dépenser son fric sans mesure ; la seconde serait de sortir régulièrement de chez elle avec un sac à dos rempli de talbins et d'en balancer au hasard de ses promenades; ou encore de tenter de faire la connaissance de pauvres au cours de ses sorties pour en adopter quelques-uns. Si elle est trop timide pour cela, je peux lui fournir des noms ou encore je peux lui adresser un RIB pour qu'elle en fasse bon usage. J'ai étudié son problème et des solutions existent. Et en plus la consultation est gratuite.

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