Je constate que le dernier attentat qui s'est déroulé à l'aéroport de Domodedovo, proche de Moscou, n'a pas retenu l'attention de beaucoup de monde sur la blogosphère au point d'en faire un sujet. C'est vrai que comme j'ai pu le lire un internaute, c'est plus loin que la Tunisie, et donc ça intéresse moins. C'est néanmoins moins loin que Gaza qui pourtant intéresse beaucoup et ça se situe quand même en Europe. Mais manquait sans doute un ou deux Palestiniens déchiquetés pour que ça puisse mobiliser les attentions des nombreux humanistes se trouvant sur la blogosphère.
Néanmoins en regardant ici ou là j'ai pu observer quelques commentaires exprimant une réelle compassion envers les victimes et condamnant sans réserve les auteurs de l'attentat. J'ai pu aussi en observer d'autres moins orientés dans cette voie. Et d'autres qui bien évidemment démontrent une ignorance crasse de ce qui se passe dans le Caucase et manquent de la plus complète décence.
Par exemple, dans la série "ne pas fustiger les islamistes" des commentaires mettent en doute de manière directe ou indirecte l'identification des auteurs. Bien que ces derniers n'aient pas été encore authentifiés. Car à ce stade on en est encore aux hypothèses, l'hypothèse islamo-caucasienne emportant évidemment la mise surtout du fait du mode opératoire. Rappelez-vous les attentats dans le métro de Moscou en mars dernier : même manière de procéder, des femmes se faisant péter le caisson au milieu de la foule. Mais on retrouve ce mode opératoire lors d'attentats précédents à partir de la fin des années 90 au moment où on commence à parler du phénomène des "veuves noires". A elles, je ne sais pas ce qu'on fait miroiter dans le paradis d'Allah. Peut-être des hommes qui les respectent.
Sinon on retrouve des commentaires convenus s'empressant de justifier l'injustifiable, tout en le condamnant (rude exercice) par le fait que c'est une réaction aux guerres tchétchènes. Encore faudrait-il savoir d'une part que le problème du Caucase remonte à à peu près deux siècles et que les guerres précitées ne sont que le prolongement d'un conflit de zone qui n'est pas si simple que ça à comprendre. Car l'indépendance revendiquée lors de ces guerres ne concerne qu'une minorité très active, très violente et qui a suscité des réactions d'une violence égale. Mais bien évidemment les mieux armés, les plus nombreux l'ont emporté. Ce qui fait naturellement d'eux des salauds et des autres de pauvres victimes. Il serait absurde de voir dans ces conflits désormais terminés, parce que maintenant on est dans une nouvelle phase, un peuple opprimé réclamant unanimement son indépendance. On en est très loin.
Désormais le problème est ailleurs. La Tchétchénie n'est qu'un élément insignifiant du problème car les enjeux sont maintenant différents. Il ne s'agit plus de l'indépendance de la Tchétchénie, mais de la création d'un émirat islamique dans le Caucase. Ce qui évidemment est inacceptable pour les Russes pour des raisons géostratégiques et économiques évidentes, mais l'est aussi d'une manière plus générale pour toute la région. Il suffirait d'ailleurs que les Russes se retirent, ce qui ne risque pas d'arriver de sitôt, pour voir l'émergence d'une guerre civile sans doute atroce dans la région.
Je crois qu'il faut considérer les attentats que subit la Russie comme l'équivalent de ce que les pays occidentaux ont subi ou risquent de subir désormais au quotidien. C'est-à-dire la manifestation d'une haine de l'occident de la part des islamistes. On est donc là sur un tout autre plan que les velléités d'indépendance d'une minorité jusqu'au début des années 2000. D'ailleurs des mouvements terroristes issus de la mouvance caucaso-islamiste ont été démantelés récemment en France et en Allemagne. On peut donc considérer que ce dernier attentat est avant tout un attentat contre l'occident et certainement pas contre la seule Russie. Ne pas le voir serait une erreur, une manière de se voiler la face et de minimiser la menace islamiste en occident. Nous devrions considérer les attentats qui se sont produit en Russie ces dernières années sur le même plan que ceux qui se sont déroulé à Londres ou à Madrid.
Mais bien évidemment pour cela il faut se renseigner et cesser de vouloir se voiler la face.
Salut, Vlad
RépondreSupprimerCombien de personnes sont simplement capables de situer le Caucase sur une carte ? A part ceux qui ont lu Michel Strogof naturellement ..
Le Caucase, prochain lieu d'affrontement ? C'est déjà commencé si j'en crois mes lectures. Crois-tu qu'il y ait un lien avec les bases américaines en Azerbaïdjan, opportunément placées entre l'Iran et le Caucase ?
Rassure-toi en regardant les réactions des internautes à ce qui se passe en Egypte .... Je crains que Leperse et moi ayons pas mal de boulot avant de faire comprendre les risques et enjeux;-))
Cordialement
Salut Marc,
RépondreSupprimerEffectivement il est plus facile de traiter de la situation pour le moins complexe du Caucase à partir de clichés simples, avec les bons d'un côté et les méchants de l'autre, les bons se voyant ainsi absous de leurs crimes.
Pour répondre à tes questions, mais de manière succincte (il faudra sans doute que je développe un de ces jours), le Caucase est effectivement un lieu d'affrontement ancien datant d'Alexandre 1er. Avec des constantes mais aussi des variantes au cours des décennies. Pour les constantes, on peut se reporter au bouquin de Tosltoï, Hadji Mourat, qui décrit admirablement les paramètres psychologiques à prendre en compte. Pour ce qui est des variantes,on a celles à dominantes religieuses, nationalistes et économiques, parfois mêlées mais avec des intensités différentes.
Par exemple, on sait que la rébellion tchétchène dans les années 90 a été fortement aidée par l'Arabie Saoudite sous prétexte religieux, mais surtout dans le cadre d'une rivalité pétrolière avec la Russie et aussi l'Azerbaïdjan. C'est surtout l'acheminement du pétrole qui était visé, avec d'ailleurs quelque succès. Désormais, alors que la situation en Tchétchénie a été relativement normalisée (bien que je n'irai pas passer mes vacances à Grozny reconstruite), mais à quel prix, le conflit a pris une teinture nettement plus religieuse et sans doute fort inspirée par al-quaida et touche toutes les républiques russes du Caucase puisque le but est d'établir un émirat islamique dans la région.L'Azerbaïdjan, à très large majorité musulmane, mais néanmoins laïc, connait simultanément une forte poussée de l'islamisme. Les bases américaines ne me paraissent pas déterminantes, mais elles pourront servir de prétexte.
Donc effectivement la région est un lieu d'affrontements violents potentiels, mais où les parties opposées n'ont pas des enjeux identiques ou plutôt symétriques. Islamisme d'un côté, enjeux économiques de l'autre. Et il est clair que dans cette affaire, nous sommes, au moins indirectement, pour des raisons de dépendance énergétique (pétrole et gaz), partie prenante. Et considérer ce conflit comme des revendications nationalistes est bien plus qu'une erreur d'appréciation.
Bien à toi