Le conseil municipal de Paris, dans une belle unanimité, et après proposition des groupes communiste et écologiste, a décidé d'honorer feu Mohamed Bouazizi, le jeune Tunisien qui s'est immolé par le feu, et à l'origine, à l'insu de son plein gré, de la révolution tunisienne qui a provoqué le départ de Ben Ali.
Je ne sais si cette décision constitue un effet de mode, une profession de foi politique, ou bien une occasion de masquer à bon compte certaines relations de certains hommes ou femmes politiques avec le défunt régime tunisien. Mais c'est peut-être les trois à la fois.
S'agissant de l'effet de mode s'apparentant d'ailleurs davantage à une réaction émotionnelle à un événement à la fois heureux et malheureux, on est effectivement dans l'air du temps où les réactions ne souffrent même pas l'attente d'une analyse, même succincte. On aime, on pleure, on déteste, on vilipende, on accuse alors que l'information n'a pas eu le temps-même de parvenir dans les zones les plus profondes du cerveau. Epoque donc où le superficiel, l'impression, l'emportent sur la raison. Ce qu'ont d'ailleurs fort bien compris les journalistes, à moins qu'ils n'en soient la cause, puisqu'ils privilégient la sensation à l'analyse. Mais après tout ne sont-ils pas devenus de vulgaires épiciers s'adaptant à la demande pour mieux vendre ? Et dans cette voie, ils ont été bien entendu accompagnés (suivis ou précédés) par nos hommes et femmes politiques s'adaptant eux aussi à la demande, au moins dans l'expression de promesses que la réalité ne leur permet pas de tenir. On a même des partis politiques en France, prétendant sérieusement, et en en ayant les chances raisonnables, diriger ce pays, qui ont remplacé leur programme politique par des incantations et une critique systématique, sans rien proposer en retour évidemment, de ce qui se fait. Mais là je m'égare. Quoique finalement à peine car cette décision parisienne qui sera sans doute suivie par d'autres n'est que le reflet d'une société s'attachant au superficiel, ce dont les premiers responsables sont bien journalistes et politiques.
En ce qui concerne la profession de foi politique, si elle existe, elle-même ne peut-être que très parfaitement indéfinie et pas encore fondée.
En premier lieu, ce pauvre jeune peut-il être comparé à un Jan Palach, dont je ne me souviens avoir jamais vu une rue française portant son nom, et qui s'immola également par le feu en 1969 pour protester contre l'invasion de son pays (la Tchécoslovaquie, pour ceux qui l'ignoreraient) par les troupes soviétiques au cours de l'année précédente ? A première vue, pas vraiment. Sans vouloir minimiser l'acte de ce garçon tunisien et ses terribles conséquences, il me semble que c'est sa situation économique personnelle, même si elle était due aux turpitudes du régime en place, qui en est la cause première. Et il est fort à parier que son nom, même si une rue, une place, une avenue de Paris le porte, tombe rapidement dans les oubliettes de l'histoire. Lui ou un autre, et des autres, anonymes, il n'en a certainement pas manqué en Tunisie ou ailleurs, c'était la même chose. Il était révolté sans doute, mais l'intention révolutionnaire n'était sans doute pas là.
Mais peu importe. Il faut bien trouver quelques héros dans chaque révolution, des noms ou des visages à associer à un moment historique. Juste histoire de ne pas laisser toute la place aux déterminismes, de mettre l'homme au cœur de l'action.
Revenons donc aux hypothétiques motivations politiques qui auraient provoqué cette demande d'honorer celui qu'on appellera le premier mort de la révolution tunisienne au doux parfum de jasmin mêlé à ceux de la poudre et du sang. Certains, la majorité même, même si on peut être étonné quelque peu du fait de la part des communistes et des écolos-pastèques, initiateurs du projet, desquels la conception de la chose me parait étriquée, s'extasient devant un mouvement forcément démocratique. Sans considérer qu'on en est pas encore vraiment là et que la démocratisation de la Tunisie, et au passage celle encore plus problématique de l'Egypte, n'est encore qu'une hypothèse, peut-être souhaitable mais néanmoins hypothèse. Mais il parait que douter et le dire vous place directement dans la case des soutiens inconditionnels des dictateurs. Tant pis ! J'assumerai ça comme d'autres choses. Et si donc au bout de compte ce n'était pas la démocratie qui était au bout de cette révolution, mais une autre tyrannie ? Faudra-t-il alors donner le nom de ce jeune homme à une impasse ?
Passons maintenant à la dernière motivation possible. Une tentative plus ou moins collective de cacher derrière une action qui ne coûte pas cher, le fait qu'on n'a pas toujours considéré Ben Ali et sa clique comme des gens peu, et même pas du tout fréquentables. C'est du moins ce qu'ils sont devenus très récemment. Car nos hommes et femmes politiques, comme beaucoup de Français d'ailleurs, aiment à se faire dorer la pilule et se prendre une dose d'exotisme, à bon compte, car les prix sont tout de même très abordables, surtout pour quelques privilégiés, dans certains pays au climat généreux. Mais pas de chance, une bonne partie de ces pays sont dirigés par des gens certes élus par leur peuple, mais à plus de 90%, ce qui peut paraitre un peu louche. Certes naïvement on peut penser que ces dirigeants sont très aimés, et si on se cantonne au parasol sur la plage on peut faire semblant de le croire en toute bonne foi. Cependant nos politiques auront du mal à se ranger dans cette catégorie de naïfs, surtout s'ils sont originaires du pays en question et s'ils entretiennent des liens personnels avec lesdits dirigeants. Or en cette époque de chasse aux sorcières, certes encore ciblée, certains, même si ce n'est pas vraiment dans leurs mœurs, ont intérêt de serrer les fesses en attendant que l'orage passe et aussi de se joindre à la liesse générale, même si, hélas pour eux, ils ont perdu dans le mouvement quelques amis précieux qui les libéraient de bien des soucis d'intendance quand ils allaient à leur rencontre. Bien évidemment ce qui vaut pour la Tunisie vaut aussi pour l'Egypte et d'ailleurs il n'est pas impossible que la place de la Concorde (drôle de nom pour une place qui a vu tant de têtes tomber), pour être enfin en harmonie avec cet obélisque qui nous vient tout droit de Louxor, soit rebaptisée en l'honneur de la révolution (de papyrus peut-être ?) place Tahrir.
Pour en finir avec ce sujet, j'aimerais évoquer un problème très terre à terre. Qui sera la victime ? Ben oui, comme il est plus facile de débaptiser une rue ou une place que d'en créer une, on choisira préférentiellement le premier procédé. Qui donc, au grand dam des riverains obligés d'effectuer un changement d'adresse, verra la plaque portant son nom finir sous le burin ? Il reste bien une rue Martel à Paris, mais comme le prénom est absent, pas sûr qu'elle honore notre ancien héros national. Mais pourquoi pas la rue Bonaparte (puisqu'il n'existe ni place, ni rue, ni avenue Napoléon à Paris) qui devrait s'éclipser peu à peu de la mémoire collective des Français vu qu'on l'enseigne de moins en moins à l'école ; en plus, il a rétabli l'esclavagisme !
Et j'allais oublier ! Je ne sais pas si quand on décide de donner le nom d'un lieu public à quelqu'un à Paris, ce quelqu'un prend la queue. Car il y a des gens pour lesquels la résolution a été votée, mais qu'on ne peut honorer parce qu'on ne trouve pas d'endroit. Je pense en particulier à Alexandre Soljenitsyne. A sa mort, il y a deux ans et demi, le conseil de Paris, malgré l'opposition des mêmes (curieux, non ?) qui sont à l'initiative aujourd'hui du baptême d'un lieu public au nom de Mohamed Bouazizi, a décidé de donner son nom à un lieu parisien. Mais pas de chance, pour l'instant il parait qu'on n'a rien trouvé pour l'écrivain qui dénonça le goulag. Enfin j'ai entendu parler d'un square au bord du périphérique (à vérifier). Mais je pense que pour certains le lieu réservé aux déjections canines de ce square devrait être amplement suffisant. Et puis il y a aussi Césaire pour lequel Delanoë à promis un endroit. Et puis peut-être d'autres. Quel casse-tête!
en effet je ne pense pas non plus qu 'il y avait une intention révolutionnaire dans son geste? je crois plutôt que c'est la honte qui l'a poussé à ce geste car d'après ce qie l'on dit un flic aurait viré son étalage et uns fliquette l'aurait giflé... et ça c'est perdre la face giflé par une femme!!!!!
RépondreSupprimerJe ne cesse de jouer les mademoiselle Lelombec et me scandaliser pour cette jonchée de connerie que devient notre environnement politique, et Delanoé toujours vaillant à mettre de l'huile sur le feu
RépondreSupprimeren fait il plonge la République dans une culpabilité construite
Bien que d'origine tunisienne, on l'aura peu entendu sur Ben Ali par le passé
Alors il placarde la mémoire de ce pauvre jeune mort pour rien d'ailleurs, un prétexte autre aurait été trouvé,je pense que la révolution c'est comme la coqueluche, il y a incubation
Moi je me marre, car on honore un élan démocrate en terre musulmane et la rue Myra jonche en attendant le Centre Culturel Islamique même quartier, on inaugure des mosquées , le recteur en veut 2000 encore, on "halalise" ect...
On attend le premier élu "issu de" en local ou national (que quelques conseillers)....on peut attendre en se convainquant que par contre les Frêres musulmans sont de fins démocrates
Me suis surprise à espérer même!!!
Mourir de rire , c'est bien aussi
J'espère que ce n'est pas le nom même de ce pauvre jeune homme qui a poussé Bertrand à l'honorer ainsi!
RépondreSupprimerHonte à vous, cher Usbek !
RépondreSupprimerEt merci quand même pour m'avoir bien fait rigoler.