Tandis que Mehmet II assiégeait
Constantinople (1453), les théologiens à l'abri des murs de la ville se
disputaient sur le sexe des anges. La question restera sans réponse car comme
tous les hommes de la ville ils seront massacrés par les troupes mahométanes au
nom de la religion de paix et d'amour. Les femmes, qui elles seront violées
avant de connaitre l'esclavage, percevront mieux sans doute que leurs époux et
pères la signification du mot amour. Quant aux souverains chrétiens d'Occident,
ils observeront de loin la chute de leurs frères d'Orient ayant sans doute mieux
à faire comme se battre entre eux. Nous sommes notamment juste à la fin de la
guerre de cent ans. Il y a des erreurs,
ou plutôt des fautes qui ne trouvent jamais réparation.
Rassurez-vous! Je ne vais pas
vous servir des similitudes malvenues avec l'époque actuelle, du genre
"les musulmans sont des égorgeurs et des violeurs". Les croisés
n'étaient pas plus tendres que les mahométans dans leurs conquêtes. Chaque
époque a ses mœurs, ses valeurs qu'il serait absurde de juger à l'aune des
nôtres actuelles même si beaucoup, pour des raisons essentiellement malsaines
visant à la mésestime d'eux-mêmes de la part des occidentaux, n'hésitent pas à
se réclamer de cet universalisme temporel qui est venu se substituer à celui
spatial tombant en décrépitude à cause d'un relativisme culturel de bon aloi
quand on se situe dans le camp du bien. Les lois mémorielles sont un exemple
typique de ce glissement se faisant évidemment au détriment de notre
civilisation qu'il est de bon ton de piétiner en démontrant combien elle a été
horrible et cause de tous les malheurs du monde.
Cela étant dit il faut bien que
je m'explique sur ce premier alinéa qui évidemment doit nous conduire aux
événements que nous vivons actuellement. Ce que je voulais signifier c'est
qu'il existe des moments charnières dans l'histoire, et de même que la prise de
Constantinople en fut un ce que nous vivons actuellement en est un autre, et que
les erreurs d'appréciations portés sur ces moments quand ils surviennent ont
toutes les probabilités de se transformer en fautes irréparables.
Je voudrais articuler mon propos
en trois thèmes distincts, quoique non disjoints que je nommerais par facilité
"Quai d'Orsay", "Place Beauvau", et "Palais
Bourbon".
Depuis des années, et ça ne
remonte pas à 2012, même si avec Fabius le somnolant nous avons atteint sans
doute des sommets abyssaux (rassurez-vous, je vais bien c'était juste un clin
d'œil à Alexandre Zinoviev et son célèbre "Hauteurs béantes"), je
suis effaré par notre politique étrangère. On pourrait faire remonter ça à la
première guerre du Golfe, quand notre participation à cette piètre aventure
scellait le début d'un alignement sans distinction sur la politique étrangère
des Etats-Unis, malgré le sursaut de 2003, étrange moment gaulliste, quand la France
alliée à l'Allemagne et la Russie, s'opposait à la seconde intervention en
Irak. Yougoslavie, Kosovo notamment, amitiés suspectes avec la Qatar puis
l'Arabie Saoudite, printemps arabes, Libye, Syrie, Ukraine et j'en oublie, nous
n'avons cessé de nous fourvoyer participant aux désordres du monde et
enrichissant un terreau déjà fertile d'où allaient sortir nos terroristes, bien
de chez nous.
Je m'arrêterai juste un instant
sur la Libye et la Syrie, ce dernier cas illustrant la parfaire continuité de
notre politique étrangère…dans l'erreur. Sur fond d'influence du Qatar (voir à
ce propos l'excellent livre de Vanessa Ratignier et Pierre Péan "Une France
sous influence") nous avons fait copains-copains avec Kadhafi et El Assad
avant de dézinguer le premier et espéré pouvoir faire la même chose avec le
second dès lors que les intérêts du Qatar impliquaient cette rupture. Pétrole d'un
côté, gazoduc de l'autre, les alliances tiennent à peu de choses dès que pétro
et gazo-dollars pointent le bout de leur nez. Nos intérêts là-dedans? Ne cherchez
pas, il n'y en a pas autres que particuliers ou alors relatifs à quelques contrats
d'armements. Par contre vous n'aurez pas de mal à trouver quelques inconvénients
à cette si avisée politique étrangère. L'incapacité de contrôler les flux
migratoires passant par une Libye désormais en pleine guerre civile et
plate-forme du terrorisme située à quelques encablures de l'Europe en est une.
On pourrait aussi évoquer les flux migratoires issus du Moyen-Orient en guerre
civilo-religieuse. Et aussi parler de nos soldats dans le Sahel et qui se
battent contre des groupes disposant des armes livrées aux rebelles libyens ou
prises dans les arsenaux de Khadafi, ces groupes étant eux-mêmes financés par
le Qatar via des organisations forcément caritatives. Et ce ne sont que
quelques exemples des effets de notre diplomatie.
De Gaulle disait ou avait sans
doute repris cette expression : "Les Etats n'ont pas d'amis, mais des
intérêts". Formule désormais inversée, même si nos amis n'en sont pas
vraiment.
Cela me permet une transition vers
ce que j'ai nommé la partie "Place Beauvau".
Nos amis effectivement ne sont pas en reste dès lors qu'il s'agit de
marquer leur influence dans les affaires intérieures de la France. Ils sont
d'ailleurs amplement récompensés pour cela comme l'ancien ambassadeur du Qatar
qui fut décoré trois fois de la légion d'honneur, dans trois grades successifs,
au cours des quelques années qu'il passa dans notre beau pays. Car à gauche
comme à droite on aime le Qatar.
Alors qu'on était dans les années
90 sous le coup des attentats islamistes, souvenons-nous de Khaled Khelkal,
quelques éminents analystes du renseignement alertaient les autorités sur ce
qui commençait à se passer dans les mosquées, notamment au sujet de la propagande
wahhabite importée d'Arabie Saoudite et du Qatar. On les renvoya gentiment à
leurs chères analyses dont il n'était pas question qu'on les prenne en compte,
les intérêts financiers et électoraux primant sur le reste. Et c'est donc ainsi
que 20 ans plus tard on semble découvrir, la mine confite, que les messages
diffusés dans les mosquées que pourtant la loi de 1905 sur la laïcité permet de
surveiller au même titre que tous les lieux de culte quant aux propos qui y sont
tenus, ne sont pas très en adéquation avec les valeurs républicaines. C'est un
euphémisme, bien sûr
De la même manière un ministre de
la ville, vite rabroué par ceux du camp du bien auquel pourtant il est censé
appartenir, nous dit aujourd'hui "qu'une
centaine de quartiers en France présentent des similitudes avec Molenbeeck".
Quel scoop! Tandis qu'on nous parlait depuis des années de zones de non-droit,
ou de territoires perdus de la République à propos desquels un livre éponyme
nous renseignait fort bien sur les ravages que pouvait causer l'islam dans les
cerveaux d'une partie de la jeunesse française.
Dans un certain sens ça rassure.
Sur le plan intérieur on semble même être davantage en avance que sur le plan
extérieur quant à un relatif retour à une certaine lucidité. Mais combien
aura-t-il fallu de morts pour cela? Et n'est-il pas déjà trop tard car c'est
désormais de reconquête de parties de notre territoire dont il s'agit, bien
plus difficile réaliser qu'une
protection contre l'entrisme d'idéologies hostiles? Nous avons laissé le
salafisme se propager tranquillement sur notre territoire et imprégner les
cerveaux dont les plus malades se mettent à rêver d'une palanquée de pucelles
pas effarouchées du tout attendant les cuisses ouvertes leurs chers martyrs
éparpillés au milieu de leurs victimes. Et on en est à ce constat qu'il se
passe quand même chez nous des choses pas très catholiques, euh… normales,
pardon!
Pendant ce temps dans nos
assemblées on ne chôme pas. Même si on est au moins partiellement complice de
cette dérive contre laquelle on est impuissant, on bosse, on se préoccupe du
problème. Certes à sa manière, la seule qu'on ait pu trouver pour tenter de
masquer le fait qu'on ne sert à rien, au moins dans ce domaine précis.
La grande activité de nos
parlementaires, depuis des mois, est de se creuser le citron pour trouver le
moyen de sévir contre ceux qui parmi les terroristes ne seraient pas parvenus à
se faire sauter le caisson ou descendre par les forces de l'ordre. C'est une
forme de service après-vente en quelque sorte dont la réelle utilité dans la
lutte contre le terrorisme peut être discutée, et dont la forme, entendons par
là les palabres, est pour le moins stupéfiante tant au niveau du contenu que de
la longueur des débats.
Le débat sur le retrait de la
nationalité touchant vraisemblablement à sa fin sans que pour autant on ait pu
trancher puisque la révision constitutionnelle annoncée en grande pompe par
notre glorieux président va tourner en jus de boudin, un autre se substitue à
lui qui devrait occuper pendant au moins quelques semaines. C'est la nature de
la peine à appliquer aux terroristes. Il y a peu encore j'aurais pu parler
uniquement de durée, mais dès lors qu'au moins un parlementaire s'est prononcé
pour la peine de mort, ce qui est d'ailleurs en parfaite conformité avec l'état
de guerre dans lequel on nous a annoncé que nous sommes, c'est bien de nature
dont il faut parler. Vous avez donc le choix pour vous étriper de choisir entre
:
- Le statu quo, à savoir perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans,
- La perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 30 ans, comme les meurtriers de policiers,
- La vraie perpétuité,
- La peine de mort (choisir entre décollement, injection ou 12 balles dans la peau – un débat dans le débat).
Bon, je vous laisse réfléchir à
ça. Au moins ça occupe et empêche de penser aux vrais problèmes.
Pour ma part j'en reviens à ce
que je disais en début d'article. Nous sommes à un moment clé de notre
histoire, confrontés à une volonté réelle de substituer un pouvoir à un autre,
ceci étant déjà réalisé en certains lieux du territoire. Mais je ne suis pas
sûr, je serais davantage persuadé du contraire, que nos politiques aient
correctement évalué la situation.