"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

samedi 27 juin 2015

L'Europe est morte!




C’est en observant ce qui se passe actuellement en Europe que m’est revenue à l’esprit cette dernière supplique adressée par la du Barry à celui qui allait quelques instant plus tard lui trancher la tête : encore un instant, Monsieur le Bourreau ! ». C’est en effet une Europe déjà morte que je vois mais qui fait encore semblant de bouger pour que ça ne se voit pas trop, qui fait semblant d’exister alors que son destin ne lui appartient plus.

Mais le plus pitoyable dans tout ça c’est que le seul vrai bourreau de l’Europe, ou plutôt des nations qui la constituent, car elles suivent la même voie, c’est l’Europe elle-même.
Tout était couru d’avance, dès lors que l’idée d’une Europe des Nations, idée gaullienne bâtie sur mesure tandis que la France tenait le rôle de nation phare, ou dominante si on préfère, dans cet ensemble encore restreint et d’où étaient volontairement exclus nos frères ennemis britanniques, était jetée aux orties au profit de lubies plus ou moins fédéralistes jamais abouties et qui jamais n’aboutiront.
Jamais en effet elles n’aboutiront dès lors que l’Europe n’existe pas. Et si l’Europe n’existe pas c’est parce qu’il n’y a pas de peuple européen et donc qu’il est impossible qu’une nation européenne voit le jour, ou peut-être l’inverse, car le peuple peut être à l’origine de la nation (cas de l’Allemagne par exemple) ou la nation peut être à l’origine du sentiment de former un peuple (cas de la France…enfin avant).
S’agissant de l’Europe, rien de tout ça. Ni peuple, ni nation !
Le grand drame de l’Europe c’est peut-être le traité de Verdun de 843, maudite loi franque, qui dépeça l’empire carolingien. Tout était alors peut-être possible. A l’époque où l’Europe se divisait avant de se morceler, naissait la Russie kiévienne dont l’expansion commençait.
L’histoire a donc séparé les peuples de l’Europe, a renforcé leurs particularismes, culturels et linguistiques notamment, les a plongés dans des guerres incessantes dont une longue paix, ce qui est très relatif par rapport à la pax Romana qui dura 5 siècles, ne peut effacer les séquelles. Aussi continueront-ils à se sentir étrangers les uns aux autres, même si évidemment des proximités existent que d’ailleurs l’Europe a refusé parfois de leur reconnaitre en rejetant par exemple cette inscription dans ces textes d’une culture commune, donc d’un ensemble de valeurs communes, fondée sur la religion chrétienne. Pourtant pas besoin d’être chrétien pour admettre ça !
La seule solution consiste donc en la constitution d’une nation européenne. Mais là ce n’est pas gagné et on s’y est pour le moins mal pris (voir par exemple ma remarque sur le refus de s’accorder sur un ensemble de valeurs communes parce que s’ancrant dans une religion). On ne bâtit pas une nation sur des principes économiques, on ne bâtit pas une nation sur le calibrage du concombre et de la tranche de mortadelle, on ne bâtit pas une nation sur des idées généreuses, du moins prétendues telles mais qui ne résistent pas à l’épreuve des faits, ni d’ailleurs sur des promesses de paix et de prospérité dont on voit au passage qu’elles sont vides de tout contenu. Car la prospérité n’est pas au rendez-vous, bien au contraire, quant à la paix, elle n’a jamais été autant menacée depuis des décennies tandis que l’Europe est bien incapable de faire face aux multiples dangers qui la menacent et qu’elle-même génère parfois ou favorise, plus d’ailleurs par allégeance au grand frère outre-atlantique que par sa volonté propre.
Les nations se forgent sur une identité ou sur une idée, ou un idéal suffisamment fort pour qu’on puisse se battre et éventuellement mourir pour lui. Car c’est souvent dans la douleur qu’elles naissent et au minimum dans le sentiment d’une certaine exceptionnalité qui les distingue donc du reste du monde. Ni la taille du concombre ou de la tranche de saucisson, pas davantage d’ailleurs que l’euro ou encore la libre circulation des biens et des personnes ne donnent envie de se sacrifier. Et que dire du fameux traité transatlantique, notre horizon indispensable, celui où on se fait mettre profond !

Un traité pour le moins exemplaire puisqu’il nous montre ce qu’est cette Europe, comment elle fonctionne. Contre les peuples ou en les méprisant !
L’Europe c’est le déni de démocratie parvenu à son aboutissement le plus parfait. Le plus parfait parce que non seulement ça se fait d’une façon assez habile pour masquer la triste réalité, même si le mur commence à s’effriter, mais aussi parce la propagande a été suffisamment bien menée, relayée par les partis les « plus démocrates » et les médias pour nous faire admettre qu’hors de cette Europe point de salut et même qu’être opposé à l’Europe, dans sa forme actuelle, est éminemment suspect, populiste, facho ou je ne sais quoi. L’Europe est à ce point une évidence, en effet, qu’en contester le principe ou même simplement critiquer la voie qui a été prise constitue un crime de la pensée. Et quand quelque chose ne marche pas, c’est simplement parce qu’il n’y a pas assez d’Europe. L’Europe c’est une marche en avant qu’on ne discute pas, surtout si vous n’êtes pas d’accord.
Juncker, président du conseil européen au moment du referendum français de 2005 sur la constitution européenne, interrogé sur la poursuite du processus de ratification au cas où la France dirait non expliquait que « si c'est oui, nous dirons donc : on poursuit ; si c'est non, nous dirons : on continue ! ». En quelques mots il nous dévoilait la triste réalité que nous allions devoir affronter, à savoir le traité de Lisbonne approuvé par la classe politique de gauche et de droite, enfin vous savez, la non-populiste, et le mépris dans lequel il tenait, mais pourquoi employer le passé, le mépris dans lequel il tient lui et les autres les peuples d’Europe. Et c’est évidemment dans cet esprit que sera ratifié le fameux TAFTA, sans que les peuples à un moment quelconque, ainsi même que les parlements nationaux, leurs émanations imparfaites, y soient associés. Or le TAFTA, pour ce qu’on en sait, et si on observe les conséquences par exemple du traité ALENA qui concerne le continent nord-américain, d’une part assujettira les Etats de l’Europe aux multinationales américaines et aura des conséquences terribles pour les peuples d’Europe tant sur le plan social que sanitaire. Quant à l’Europe elle ne sera qu’une technostructure fantôme, c’est-à-dire sans pouvoir servant juste de relais ou d’instance de contrôle sous-traitante. C’est déjà ce qu’elle est d’un point de vue militaire et donc en termes de politique étrangère, soumise aux volontés des Etats-Unis. Ces derniers peuvent bien l’humilier sans même prendre la peine de cacher ses activités d’espionnage vis-à-vis de dirigeants dont on veut s’assurer les parfaites fidélité et coopération, une fois les protestations de principe effectuées, rideau de fumée à l’usage des peuples, on fait comme avait dit Juncker : on continue.
Il y a en effet des choses troublantes quant au fonctionnement de l’Europe. Comment expliquer que quand les Etats-Unis sont impliqués, sont maitres d’œuvre, l’Europe parvienne à l’unanimité, et que quand elle est concernée en propre cette unanimité soit très difficile à trouver. Comment expliquer que 28 pays soient unanimes pour décréter des sanctions contre la Russie, tandis que certains d’entre eux souffrent sévèrement de leurs conséquences et affichent même explicitement des sympathies vis-à-vis du régime russe en bilatéral, et que ces mêmes 28 soient incapables de traiter les sort de 40000 migrants ? Au passage, et concernant le premier point, vous noterez l’évolution : en 2003 la France et l’Allemagne étaient capables de dire non aux Etats-Unis au sujet de l’intervention en Irak, en 2015, aucun pays européen n’est plus capable de dire non, mais tous sont capables de se voiler la face sur un régime ukrainien dont les dirigeants s’enrichissent alors que le pays s’enfonce, qui pratique le crime politique et place les collaborateurs des nazis au cours de la dernière guerre au rang de héros de la nation ukrainienne, sans parler évidemment du fait qu’il s’assoit sur les accords dont ensuite on impute le non-fonctionnement à la Russie pour pouvoir proroger des sanctions. On aimerait que les pays européens soient autant unanimes et fermes pour lutter contre l’islamisme radical, pour par exemple sanctionner les acteurs qui apportent, au nom d’une religion partagée, aide logistique, matérielle et financière à l’état islamique et autres officines pratiquant le terrorisme. Mais ne rêvons pas. L’Oncle Sam y est sans doute opposé. Et puis faut bien écouler notre armement.

Car c’est cela l’Europe. Elle n’est pas guidée par des principes de quelque sorte que ce soit, elle n’est pas guidée par des intérêts communs et surtout ceux de ses peuples. Elle fonctionne « bien » uniquement sous la pression, extérieure. Et pour encore « mieux » fonctionner elle doit aller jusqu’au bout de cette logique, d’où la prochaine ratification du TAFTA.
L’idée était peut-être bonne, à l’origine, généreuse. C’était peut-être une offre de paix et de prospérité à des pays et des peuples qui s’étaient trop battus, avaient trop souffert. Mais faute d’avoir su se limiter, en ambitions, géographiquement, faute d’avoir fixé des objectifs clairs et atteignables admis par tous, ses promoteurs en ont fait une machine folle échappant au contrôle démocratique et de plus en plus au contrôle des Etats-membres. Aussi comprendra-t-on aisément la tournure qu’a prise la crise grecque. Ce n’est pas ou plus une question d’argent, on sait de toute façon qu’on ne le reverra jamais, mais une question de politique. Enfin c’est mal posé, ce n’est pas une question de politique, c’est plutôt une lutte contre le retour de la politique dans cet ensemble appelé Europe et qui a renoncé justement à la politique en choisissant la soumission.
L’Europe est donc morte. Même si son cadavre bouge encore et bougera encore un certain temps, au rythme des vers et asticots le dévorant, venant de l’intérieur et de l’extérieur, car la bête, même morte a su garder une certaine allure et conserve de belles pièces à ronger. Ceux-là tiennent à lui donner encore l’apparence de la vie, car leurs intérêts en dépendent. Alors les uns se réunissent souvent, discutent, mais ne décident rien, tandis que d’autres lui donnent une impression d’existence en l’écoutant tandis qu’ils la manœuvrent. Mais reste qu’elle est morte, juste soutenue par une com dont l’art dans la thanatopraxie est encore redoutable.

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