"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

lundi 29 juin 2015

Attentats : que tirer d’une communication gouvernementale hasardeuse ?





Je n’apprécie pas Valls. Ce n’est pas une découverte pour ceux qui me lisent régulièrement. Pour moi c’est une outre pleine de vent et qui n’a que des mots pour masquer son insuffisance.
On est heureux qu’il ait écourté sa visite en Colombie quoique là-bas il aurait pu prendre quelques leçons en termes de lutte contre le terrorisme. Mais il fallait qu’il rentre pour au moins assurer la communication.
Cela dit, il me faut lui reconnaitre un mérite. C’est pratiquement le seul encarté au parti de la rose qui ose parler d’islamisme. Son patron, lui, n’utilise jamais ce terme lui préférant, sans doute pour des raisons électorales, celui de terrorisme. Or condamner le terrorisme est une parfaite absurdité en soi. Le terrorisme est un mode d’action à la définition assez vague par ailleurs, assez vague pour qu’on puisse considérer, du moins les nazis les considéraient-ils comme tels, une partie de ceux qu’il a récemment panthéonisés comme des terroristes. Quand on utilise des moyens violents hors des règles communément admises et même répertoriées dans la convention de Genève pour faire la guerre, on est sensément le terroriste de quelqu’un. Et donc condamner le terrorisme équivaut à condamner les armes à feu parce qu’un meurtre vient d’être commis avec un revolver.
Mais un bon socialiste ne saurait employer certains termes sous peine de se déconsidérer aux yeux des siens. Aussi l’état islamique en Irak et au Levant (EIIL) devient-il par la magie du Quai d’Orsay daesh, terme désormais officiel pour désigner les terroristes (terminologie officielle socialiste) qui sévissent dans la région considérée et jusqu’à chez nous. Ben oui parce que dans islamique ou islamiste il y a islam et il ne faut pas faire d’amalgame, ni stigmatiser. C’est d’ailleurs là le plus grand danger, du moins selon le Collectif contre l'islamophobie en France, un truc que je dois sans doute subventionner à l’insu de mon plein gré et qui a ses entrées à Matignon ainsi que rue de Solférino, qui nous annonce sans rire que le véritable danger n'est pas le djihadisme, mais l'islamophobie. Ça mériterait une dissolution et une interdiction dans la foulée, mais on est en France, donc on continuera à subventionner cette officine.

Valls, quant à lui, se démarque de ce positionnement cher aux socialistes et autres islamophiles patentés pour employer des termes qui écorchent les tympans de ses petits camarades, ne retenez que petits, qui se saisissent de l’occasion pour en oublier l’essentiel, donc le terrorisme pour eux, pour se concentrer sur la bonne façon d’en parler, en fustigeant évidemment la mauvaise.
Déjà après les attentats de janvier, notre premier ministre avait dénoncé l’islamisme radical. Il avait même condamné l’islamo-fascisme, même si on ne sait pas trop ce que sait on a l’image,…. et tout gâché quelques jours plus tard en accusant la République de pratiquer l’apartheid. Mais ça c’est du Valls, c’est sa marque de fabrique. J’avais intitulé un vieux billet consacré à lui quand il était encore ministre de l’intérieur « le caméléon ». Valls c’est l’homme qui parle à tout le monde. Si on l’écoute le bon jour on est conquis, si c’est le mauvais jour il est haï, si c’est tous les jours, on entend le tourbillon du vent et surtout du vide.
Ainsi, à la suite de l’attentat dans l’Isère, il vient faire un show sur Europe 1. C’est devenu tendance depuis Sarkozy de traiter les affaires graves sur les radios et sur les chaines de télé. Et là il nous sort un baratin destiné à frapper les esprits même si des éléments sont faux ou n’ont que peu de sens, notamment par rapport à d’autres propos plus anciens, à peine plus anciens.
Il déclare : "fin 2012, quand je présentais la première loi anti-terroriste, j’avais évoqué le fait que l’on faisait face à un ennemi extérieur – des organisations terroristes – mais aussi un ennemi intérieur, et c’était ça la nouveauté."  Cela est évidemment faux, ce n’est pas une nouveauté. Les plus de 40 ans se souviennent, j’imagine, de Khaled Kelkal et de la chasse à l’homme en direct qui allait mener à sa mort. C’était en 1995. Kelkal était arrivé en France à l’âge de 2 ans, y vivait depuis plus de 20 ans et était français (double nationalité). C’était déjà un ennemi intérieur qui bossait à l’époque pour le GIA. Car l’islamisme n’a pas de nationalité, c’est d’ailleurs en cela qu’il est idiot de parler d’islamo-fascisme, et donc recrute n’importe où et notamment là où se trouvent les cibles. C’est plus discret, c’est plus pratique. De fait, c’est la nature même de la menace qui implique que l’ennemi peut être aussi bien extérieur qu’extérieur. C’est un peu comme quand des ouvriers communistes sabotaient les munitions destinées au corps expéditionnaire français en Indochine, c’est un peu comme les porteurs de valises pendant la guerre d’Algérie. En ce sens l’islamisme est bien plus proche structurellement du communisme ou de toute autre idéologie de nature internationaliste que du fascisme. Ce qui explique peut-être que certains sont passés chez nous du soutien de l’un à celui de l’autre sans visiblement trop de problèmes.

Mais le souci de Valls n’est ni la vérité, ni même un embryon d’analyse. Son souci c’est de communiquer. " Je communique, donc je suis ! ", telle doit être sa devise. Or la communication ce sont des mots forts, qui doivent frapper l’esprit et…donner l’illusion que l’homme qui les prononce est l’homme de la situation.
Et donc il y va fort. En empruntant notamment un vocabulaire prescrit au pays de la rose qui a perdu ses épines depuis longtemps. Il nous parle de guerre de civilisations. Carrément ! Mais d’une façon tellement confuse qu’on ne sait pas trop ce qu’est pour lui une civilisation.
Je cite : "la lutte contre le terrorisme, le djihadisme et l'islamisme radical est une guerre de civilisation que nous ne pouvons perdre". "Il y a une volonté de Daesh de s'attaquer à nos valeurs universelles. Ces djihadistes combattent non pas l'Occident mais les valeurs universelles."
Pour ma part quand j’entends guerre de civilisations, d’instinct j’imagine a moins deux civilisations s’affronter. Or ni le terrorisme, ni le djihadisme, ni l’islam radical ne me paraissent être des civilisations, pas davantage que l’état islamique alias daesh par ailleurs. Par ailleurs une guerre de civilisations ce n’est pas uniquement les couteaux, les armes à feu et les bombes que l’on brandit. Une civilisation qui vise à en supplanter une autre peut utiliser d’autres manières plus discrètes ou moins violentes, si on préfère, voire combiner violence et méthodes douces en prenant plusieurs visages. On peut par exemple considérer que ceux qui tendent à imposer simplement par le mode de revendications ou en se victimisant leur mode de vie et leurs valeurs dans une société qui n’est pas la leur ont les mêmes objectifs que ceux qui utilisent le terrorisme contre la même société pour imposer finalement les mêmes choses. Est-ce à dire que les premiers sont moins dangereux que les seconds ? C’est pas sûr ! Ils sont sans doute plus malins et ont pris la mesure de la faiblesse de la société qu’ils veulent investir. Mais sans doute qu’aidés par les plus violents ils parviendront plus vite à leurs fins dès lors qu’ils passeront pour des modérés, comme on dit. De là à établir que les deux marchent ensemble, il n’y a pas un long chemin à parcourir. Dans ce cas de figure, et simplement dans celui-ci la notion de guerre de civilisations prend tout son sens. Et peut-être que ceux qui applaudissent Valls aujourd’hui estiment-il qu’enfin ils ont trouvé un dirigeant lucide. Sauf qu’évidement ce n’est pas cela qu’il veut dire. On ne sait d’ailleurs pas ce qu’il veut dire, lui non plus sans doute. Mais des propos martials lui ont semblé sans doute de circonstance.
Il nous parle en effet de ce fameux daesh qui s’attaque à nos valeurs, je laisse l’universel pour plus tard. Ce n’est pas faux, mais citer juste l’EI qui n’est pas une civilisation, mais qui fait peut-être partie d’une civilisation ou qui en est le bras armé du moment, est insuffisant. Déjà dans le temps et dans l’espace on en a connu d’autres, GIA, al quaida, boko haram ou je ne sais quoi. Et après daesh il ne manquera pas d’y avoir autre chose. Ceci indique que le problème est bien plus vaste que la vedette islamiste du moment dont l’éradication ne résoudra rien du tout. Et puis les femmes emburqées dans nos rues, les multiples revendications pour que la société occidentale s’adapte à l’islam, les prières de rues,…, ne sont-elles pas elles-mêmes le signe de cette guerre de civilisation que Valls réduit à l’état islamique s’attaquant "non pas l'Occident mais aux valeurs universelles."
La formule est intéressante non pas parce qu’elle est fausse, en fait elle est plus vraie qu’on ne pourrait le supposer, mais parce que d’un seul coup est réduit à néant la notion de guerre de civilisations si on considère que c’est la civilisation occidentale qui est menacée par une autre. Certes on pourra noter cette présomption commune de projeter nos valeurs occidentales sur le monde et de les déclarer universelles, tout, entre parenthèse, en s’indignant quand certains considèrent que les civilisations ne se valent pas. Mais on pourra noter aussi que ce que dit Valls, même si ce n’est pas ça qu’il veut dire, car ce qu’il veut dire c’est que les musulmans de daesh tuent aussi des musulmans (et alors ? La notion de civilisation occidentale n’a pas été réfutée parce que les pays occidentaux ont passé une bonne partie de leur temps à se faire la guerre), on pourra donc noter que c’est finalement la mise en lumière d’une vision hégémonique sur le monde qui caractérise nos ennemis, quelle que soit la forme qu’ils empruntent. Ne retrouve-t-on pas cela dans le coran ?
On pourrait poursuivre l’analyse plus avant et faire un retour dans l’histoire assez proche et même très proche en notant que la décolonisation a mis fin à un long sommeil de l’expansionnisme islamique, et que la mise sur la touche des dictateurs laïcs des pays arabes a amplifié un mouvement historique dont finalement on comprend que ni la faiblesse, ni les atermoiements, ni les tentatives de conciliation, ne peuvent le stopper. C’est cela une guerre de civilisations.

Mais évidemment tout cela Valls ne l’a pas dit et ne le dira jamais. L’islam n’est-il pas pour lui, il l’a dit "un enjeu électoral", et dans ce cadre l’islam n’est-il pas cette religion de paix et de tolérance "pleinement compatible avec la République". Le ramadan est bien lui-même un moment républicain (il l’a dit aussi), donc….
A force de parler à tout le monde, ça commence à devenir confus, non ?

Mais oublions tout et conservons cette notion de guerre de civilisation, et apportons un peu d’eau, même si c’est malgré lui, au moulin de Valls en citant, pour conclure, Levi-Strauss (Tristes tropiques) parlant des musulmans :
"incapables de supporter l’existence d’autrui comme autrui: le seul moyen pour eux de se mettre à l’abri du doute et de l’humiliation consiste dans une “néantisation” d’autrui, considéré comme témoin d’une autre foi et d’une autre conduite".
A croire que la lepénisation des esprits existait avant le FN ! N’est-ce pas ?

samedi 27 juin 2015

L'Europe est morte!




C’est en observant ce qui se passe actuellement en Europe que m’est revenue à l’esprit cette dernière supplique adressée par la du Barry à celui qui allait quelques instant plus tard lui trancher la tête : encore un instant, Monsieur le Bourreau ! ». C’est en effet une Europe déjà morte que je vois mais qui fait encore semblant de bouger pour que ça ne se voit pas trop, qui fait semblant d’exister alors que son destin ne lui appartient plus.

Mais le plus pitoyable dans tout ça c’est que le seul vrai bourreau de l’Europe, ou plutôt des nations qui la constituent, car elles suivent la même voie, c’est l’Europe elle-même.
Tout était couru d’avance, dès lors que l’idée d’une Europe des Nations, idée gaullienne bâtie sur mesure tandis que la France tenait le rôle de nation phare, ou dominante si on préfère, dans cet ensemble encore restreint et d’où étaient volontairement exclus nos frères ennemis britanniques, était jetée aux orties au profit de lubies plus ou moins fédéralistes jamais abouties et qui jamais n’aboutiront.
Jamais en effet elles n’aboutiront dès lors que l’Europe n’existe pas. Et si l’Europe n’existe pas c’est parce qu’il n’y a pas de peuple européen et donc qu’il est impossible qu’une nation européenne voit le jour, ou peut-être l’inverse, car le peuple peut être à l’origine de la nation (cas de l’Allemagne par exemple) ou la nation peut être à l’origine du sentiment de former un peuple (cas de la France…enfin avant).
S’agissant de l’Europe, rien de tout ça. Ni peuple, ni nation !
Le grand drame de l’Europe c’est peut-être le traité de Verdun de 843, maudite loi franque, qui dépeça l’empire carolingien. Tout était alors peut-être possible. A l’époque où l’Europe se divisait avant de se morceler, naissait la Russie kiévienne dont l’expansion commençait.
L’histoire a donc séparé les peuples de l’Europe, a renforcé leurs particularismes, culturels et linguistiques notamment, les a plongés dans des guerres incessantes dont une longue paix, ce qui est très relatif par rapport à la pax Romana qui dura 5 siècles, ne peut effacer les séquelles. Aussi continueront-ils à se sentir étrangers les uns aux autres, même si évidemment des proximités existent que d’ailleurs l’Europe a refusé parfois de leur reconnaitre en rejetant par exemple cette inscription dans ces textes d’une culture commune, donc d’un ensemble de valeurs communes, fondée sur la religion chrétienne. Pourtant pas besoin d’être chrétien pour admettre ça !
La seule solution consiste donc en la constitution d’une nation européenne. Mais là ce n’est pas gagné et on s’y est pour le moins mal pris (voir par exemple ma remarque sur le refus de s’accorder sur un ensemble de valeurs communes parce que s’ancrant dans une religion). On ne bâtit pas une nation sur des principes économiques, on ne bâtit pas une nation sur le calibrage du concombre et de la tranche de mortadelle, on ne bâtit pas une nation sur des idées généreuses, du moins prétendues telles mais qui ne résistent pas à l’épreuve des faits, ni d’ailleurs sur des promesses de paix et de prospérité dont on voit au passage qu’elles sont vides de tout contenu. Car la prospérité n’est pas au rendez-vous, bien au contraire, quant à la paix, elle n’a jamais été autant menacée depuis des décennies tandis que l’Europe est bien incapable de faire face aux multiples dangers qui la menacent et qu’elle-même génère parfois ou favorise, plus d’ailleurs par allégeance au grand frère outre-atlantique que par sa volonté propre.
Les nations se forgent sur une identité ou sur une idée, ou un idéal suffisamment fort pour qu’on puisse se battre et éventuellement mourir pour lui. Car c’est souvent dans la douleur qu’elles naissent et au minimum dans le sentiment d’une certaine exceptionnalité qui les distingue donc du reste du monde. Ni la taille du concombre ou de la tranche de saucisson, pas davantage d’ailleurs que l’euro ou encore la libre circulation des biens et des personnes ne donnent envie de se sacrifier. Et que dire du fameux traité transatlantique, notre horizon indispensable, celui où on se fait mettre profond !

Un traité pour le moins exemplaire puisqu’il nous montre ce qu’est cette Europe, comment elle fonctionne. Contre les peuples ou en les méprisant !
L’Europe c’est le déni de démocratie parvenu à son aboutissement le plus parfait. Le plus parfait parce que non seulement ça se fait d’une façon assez habile pour masquer la triste réalité, même si le mur commence à s’effriter, mais aussi parce la propagande a été suffisamment bien menée, relayée par les partis les « plus démocrates » et les médias pour nous faire admettre qu’hors de cette Europe point de salut et même qu’être opposé à l’Europe, dans sa forme actuelle, est éminemment suspect, populiste, facho ou je ne sais quoi. L’Europe est à ce point une évidence, en effet, qu’en contester le principe ou même simplement critiquer la voie qui a été prise constitue un crime de la pensée. Et quand quelque chose ne marche pas, c’est simplement parce qu’il n’y a pas assez d’Europe. L’Europe c’est une marche en avant qu’on ne discute pas, surtout si vous n’êtes pas d’accord.
Juncker, président du conseil européen au moment du referendum français de 2005 sur la constitution européenne, interrogé sur la poursuite du processus de ratification au cas où la France dirait non expliquait que « si c'est oui, nous dirons donc : on poursuit ; si c'est non, nous dirons : on continue ! ». En quelques mots il nous dévoilait la triste réalité que nous allions devoir affronter, à savoir le traité de Lisbonne approuvé par la classe politique de gauche et de droite, enfin vous savez, la non-populiste, et le mépris dans lequel il tenait, mais pourquoi employer le passé, le mépris dans lequel il tient lui et les autres les peuples d’Europe. Et c’est évidemment dans cet esprit que sera ratifié le fameux TAFTA, sans que les peuples à un moment quelconque, ainsi même que les parlements nationaux, leurs émanations imparfaites, y soient associés. Or le TAFTA, pour ce qu’on en sait, et si on observe les conséquences par exemple du traité ALENA qui concerne le continent nord-américain, d’une part assujettira les Etats de l’Europe aux multinationales américaines et aura des conséquences terribles pour les peuples d’Europe tant sur le plan social que sanitaire. Quant à l’Europe elle ne sera qu’une technostructure fantôme, c’est-à-dire sans pouvoir servant juste de relais ou d’instance de contrôle sous-traitante. C’est déjà ce qu’elle est d’un point de vue militaire et donc en termes de politique étrangère, soumise aux volontés des Etats-Unis. Ces derniers peuvent bien l’humilier sans même prendre la peine de cacher ses activités d’espionnage vis-à-vis de dirigeants dont on veut s’assurer les parfaites fidélité et coopération, une fois les protestations de principe effectuées, rideau de fumée à l’usage des peuples, on fait comme avait dit Juncker : on continue.
Il y a en effet des choses troublantes quant au fonctionnement de l’Europe. Comment expliquer que quand les Etats-Unis sont impliqués, sont maitres d’œuvre, l’Europe parvienne à l’unanimité, et que quand elle est concernée en propre cette unanimité soit très difficile à trouver. Comment expliquer que 28 pays soient unanimes pour décréter des sanctions contre la Russie, tandis que certains d’entre eux souffrent sévèrement de leurs conséquences et affichent même explicitement des sympathies vis-à-vis du régime russe en bilatéral, et que ces mêmes 28 soient incapables de traiter les sort de 40000 migrants ? Au passage, et concernant le premier point, vous noterez l’évolution : en 2003 la France et l’Allemagne étaient capables de dire non aux Etats-Unis au sujet de l’intervention en Irak, en 2015, aucun pays européen n’est plus capable de dire non, mais tous sont capables de se voiler la face sur un régime ukrainien dont les dirigeants s’enrichissent alors que le pays s’enfonce, qui pratique le crime politique et place les collaborateurs des nazis au cours de la dernière guerre au rang de héros de la nation ukrainienne, sans parler évidemment du fait qu’il s’assoit sur les accords dont ensuite on impute le non-fonctionnement à la Russie pour pouvoir proroger des sanctions. On aimerait que les pays européens soient autant unanimes et fermes pour lutter contre l’islamisme radical, pour par exemple sanctionner les acteurs qui apportent, au nom d’une religion partagée, aide logistique, matérielle et financière à l’état islamique et autres officines pratiquant le terrorisme. Mais ne rêvons pas. L’Oncle Sam y est sans doute opposé. Et puis faut bien écouler notre armement.

Car c’est cela l’Europe. Elle n’est pas guidée par des principes de quelque sorte que ce soit, elle n’est pas guidée par des intérêts communs et surtout ceux de ses peuples. Elle fonctionne « bien » uniquement sous la pression, extérieure. Et pour encore « mieux » fonctionner elle doit aller jusqu’au bout de cette logique, d’où la prochaine ratification du TAFTA.
L’idée était peut-être bonne, à l’origine, généreuse. C’était peut-être une offre de paix et de prospérité à des pays et des peuples qui s’étaient trop battus, avaient trop souffert. Mais faute d’avoir su se limiter, en ambitions, géographiquement, faute d’avoir fixé des objectifs clairs et atteignables admis par tous, ses promoteurs en ont fait une machine folle échappant au contrôle démocratique et de plus en plus au contrôle des Etats-membres. Aussi comprendra-t-on aisément la tournure qu’a prise la crise grecque. Ce n’est pas ou plus une question d’argent, on sait de toute façon qu’on ne le reverra jamais, mais une question de politique. Enfin c’est mal posé, ce n’est pas une question de politique, c’est plutôt une lutte contre le retour de la politique dans cet ensemble appelé Europe et qui a renoncé justement à la politique en choisissant la soumission.
L’Europe est donc morte. Même si son cadavre bouge encore et bougera encore un certain temps, au rythme des vers et asticots le dévorant, venant de l’intérieur et de l’extérieur, car la bête, même morte a su garder une certaine allure et conserve de belles pièces à ronger. Ceux-là tiennent à lui donner encore l’apparence de la vie, car leurs intérêts en dépendent. Alors les uns se réunissent souvent, discutent, mais ne décident rien, tandis que d’autres lui donnent une impression d’existence en l’écoutant tandis qu’ils la manœuvrent. Mais reste qu’elle est morte, juste soutenue par une com dont l’art dans la thanatopraxie est encore redoutable.