Il ne se passe désormais guère une journée sans que cette
nouvelle pathologie, dont les symptômes sont souvent décrits de manière aussi vulgaire
qu'imagée, cela aidant le péquenot de base à comprendre, se manifeste ici où
là, dans les médas, lors de discours, dans la rue, sur les blogs et même, nous
en aurons confirmation lorsque Big Brother aura terminé son œuvre, sans doute
sous la couette.
Cette maladie n'a pas de nom ou en a trop. Aussi me risquerai-je à une tentative de
synthèse, pas très originale en vérité puisqu'elle s'appuie sur le nom commun donné
au symptôme, en la nommant dérapagite. Reconnaissez avec moi que c'est plus
simple que de la nommer successivement et alternativement en fonction des
circonstances, de ses victimes qui, curieusement, et ce qui fait en partie
l'originalité de cette pathologie, ne sont pas ceux qui en sont atteints, donc
que de la nommer au gré des circonstances, racisme, xénophobie, islamophobie, homophobie,
ethnocentrisme, patriotisme, nationalisme (les deux derniers étant souvent
confondus, mais quand on aime on ne compte pas). Cette liste n'est évidemment
pas exhaustive et je laisse le soin à celles et ceux qui ont ce don inné pour diagnostiquer
le mal dont il est question de la compléter. Pour ma part j'en resterai à
dérapagite, ce qui me parait d'autant plus avisé que les mêmes sont souvent
diagnostiqués comme atteints des diverses formes que peut prendre la maladie.
Ainsi, par exemple, le grand pathologiste Pierre Bergé, bien qu'atteint lui-même
précocement de cette autre maladie décrite il y a longtemps par le général de
Gaulle et qu'on pourrait nommer naufragite, donc le grand spécialiste toujours
au chevet de notre société en danger démontrait il y a quelque temps avec
ferveur et compétence que l'homophobie qui s'exprimait dans les rues de la
capitale était assimilable à de l'antisémitisme. Quelle objection apporter à un
avis aussi autorisé? Aucun, bien entendu.
Mais revenons à cette maladie qui ne manque pas d'intérêts
tant elle est singulière et tentons d'en décrire les caractéristiques majeures
avant de passer aux moyens de la combattre.
J'ai déjà cité une de ses particularités. : ceux qui en sont
atteints n'en sont pas les victimes. Du moins en premier ressort car il arrive,
et ce n'est que justice, que les malades en soient indirectement victimes. Nous
appellerons ça l'effet boomerang ou justice pas divine celle-là. Mais ce point
sera abordé quand nous traiterons des moyens de prophylaxie.
Une seconde particularité est qu'elle touche
prioritairement et presque exclusivement
des gens classés à droite. Il semblerait qu'être de gauche et surtout le clamer
haut et fort garantissent une immunisation puissante contre la maladie. D'ailleurs,
et c'en est une démonstration irréfutable, les gens de gauche touchés par la
maladie sont immédiatement classés à droite, la nauséabonde cela va sans dire. C'est
une décision unanime des grands diagnostiqueurs à laquelle il faut bien se
plier.
Elle se manifeste par ce que les mêmes diagnostiqueurs
pensent être des aberrations verbales, voire écrites. Ce point est intéressant
car un des grands problèmes de la dérapagite est que souvent ceux qui en sont
atteints ne sont pas conscients de ces aberrations, donc d'être atteints par la
maladie. Un peu comme les fous, donc. L'analogie pourra resservir. En effet,
souvent les malades pensent juste décrire ce qu'ils voient, faire des analyses
des constats qu'ils peuvent faire, et en tirer certaines conclusions. Et là
c'est évidemment grave puisque les gens sains ne peuvent raisonner de cette
façon. Tout esprit normal doit partir d'un monde idéalisé, et donc tenir des
discours en phase avec ce monde en faisant abstraction des faits sauf à les
imputer à d'autres maladies ravageuses, comme par exemple le capitalisme ou le
post-colonialisme. Là-aussi des spécialistes éminents pourront compléter utilement.
Cette maladie est contagieuse, même si elle ne frappe généralement
que des gens qui y sont prédisposés, peut-être à cause d'une déficience
immunitaire liée à un ancrage à des valeurs évidemment désuètes ou plus
prosaïquement à cause d'une confrontation quelquefois violente avec la réalité,
par exemple se trouver dans un certain RER un certain jour à une certaine heure.
Mais là aussi on comprendra que les gens qui succomberaient à la tentation de
considérer leur vécu au premier degré, sont des esprits assez faibles pour être
victimes de la dérapagite. Car, j'avais omis de le préciser, cette maladie ne
vous procurera ni mal au crâne, ni des
douleurs insupportables pendant la miction : c'est une maladie de l'esprit.
Tiens! On rejoint le thème de la folie déjà évoqué. Le processus de contamination
est souvent nommé lepénisation des esprits, en référence à un vieux borgne
familier des dérapages.
Les effets de la contagion sont terribles, car, si les gens
de gauche sont réputés immunes, ceux qui ne le seraient pas ayant subi le
changement de bord évoqué, tout le monde peut être touché, du prolo de base,
appelé communément le peuple, aux élites, ceci jusqu'aux plus hauts sommets.
N'avons-nous pas eu un président de la République atteint de dérapagite?
Si cependant une part non négligeable de la classe politique
est atteinte, nous constatons en nous en réjouissant que les journalistes sont généralement
peu atteints. Ceux qui le sont sont suffisamment peu nombreux pour pouvoir être
répertoriés périodiquement par Dély dans une chronique du Nouvel Obs. "No
pasaran" pourrait être le titre de cette chronique censée éclairer le bon
peuple sur les lectures à éviter et donc, partant, contrer la propagation de la
maladie qui se transmet de préférence par les yeux et les oreilles.
J'utiliserai ce combat d'un homme et de son journal comme
transition pour parler un peu de prophylaxie.
Avant d'entrer dans le détail, il me faut souligner que cette
lutte cotre la propagation de la maladie a comme caractéristique principale
d'être le combat permanent de tous contre les autres.
La permanence du combat se traduit par une vigilance de tout instant
vis-à-vis de tout ce qui se dit ou s'écrit et par au minima, avant de passer
aux choses plus sérieuses, une dénonciation sans nuance de tout symptôme laissant
à penser, non pardon, permettant d'affirmer sans ambages, qu'un tel ou une
telle, ne les oublions pas car cela est aussi un symptôme, est atteint le la honteuse maladie qui n'est pas
pour autant une maladie honteuse, au sens traditionnel qu'on donnait à
certaines maladies qu'on ne criait pas sur les toits. Au moins peut-on espérer
de la pénicilline pour les secondes qui n'a aucun effet sur la première.
Et c'est effectivement le combat de tous et de toutes contre
les autres, car chacun peut dans un moment d'oubli se laisser aller à des assemblages
douteux de mots. Notons tout de même que certaines personnes auront droit à une
demande d'explications ou de précisions dans la mesure où elles étaient
identifiées jusqu'à présent comme
faisant partie des veilleurs. J'espère que ce mot désormais connoté n'aura
offusqué personne.
Voyons maintenant les divers moyens utilisés pour stopper la
propagation de cette fameuse dérapagite, cette pathologie qui si les veilleurs relâchent
leur attention risque de nous rnvoyer aux heures les plus sombres de notre
histoire.
Cette lutte est assez particulière car elle s'articule
autour d'un axe qui, et afin d'atteindre, pardon d'épargner de la maladie, un
maximum d'individus, car les moyens chirurgicaux ne sont réservés qu'à une
élite, qui consiste davantage que
d'empêcher l'expression délirante des malades de faire en sorte que ces
derniers répriment eux-mêmes leurs mots. Mais les moyens chirurgicaux évoqués
participent activement à cette auto-censure que s'infligent es malades.
Commençons donc par la chirurgie.
Cette dernière est rendue possible, au moins partiellement,
par une action préalable du législateur, qui dans sa grande sagesse, selon
l'expression consacrée, a jugé utile de fixer des limites à l'expression quant
il s'agit d'aborder certains sujets. Pour mémoire on rappellera entre autres, les funestes lois Gayssot et Taubira de nature
toutefois différentes, la première étant une tentative, absurde à mon sens de
lutter contre le négationnisme, tandis que la seconde, occultant une part
importante, la part la plus importante d'ailleurs, d'un vaste sujet consiste à
désigner des coupables dont une des caractéristiques est d'avoir la même
couleur de peau. Inutile d'épiloguer ici, j'ai déjà parlé de ceci dans
d'anciens billets. Mais pour revenir au législateur, celui-ci a décidé de
sanctionner une bonne partie des manifestations de la dérapagite: le racisme et
l'homophobie notamment. S'agissant du racisme, on constatera qu'il a une vaste
définition puisqu'attaquer une religion ou des manifestations religieuses,
comme par exemple la critique des prières de rue peut vous valoir une mise en
examen pour incitation à la haine raciale. Peut-être un pas a-il été franchi vers
la pénalisation du blasphème. Mais rassurons-nous, seul l'islam semble être
concerné ce qui laisse un large champ encore ouvert à la critique des autres
religions. A-t-on jamais vu en effet quelqu'un fustigeant par exemple la
religion catholique se voir trainer en justice pour incitation à la haine
raciale?
Le cadre juridique ayant été grossièrement tracé, voyons
maintenant qui sont les petites mains qui peuvent permettre à cet arsenal de
fonctionner.
Nous avons, pour commencer les veilleurs. Alors les
veilleurs, c'est un vaste monde, chacun pouvant se porter partie civile ou
dénoncer des propos qu'il pense tomber sous le coup de la loi. Mais parmi ce
beau monde, nous avons des professionnels. Je pense en particulier aux
associations contre le racisme dont on peut louer l'activisme forcené. Cela devant
évidemment nous rassurer puisque ce sont nos impôts qui leur permettent de
prospérer. Au moins ce n'est pas de l'argent foutu en l'air. Dès lors que vous
avez une certaine notoriété et que vous dérapez, comme in dit, pas de problème,
vous êtes assuré de vous retrouver devant un tribunal suite à une plainte d'une
de ces associations. Comme Estrosi par exemple contre lequel SOS racisme a
porté plainte, d'ailleurs de façon assez inattendue puisque cette association
ne défend jamais les blancs victimes de racisme. Or, les gens du voyage…
Remarquez, il y a aussi une assertion sur les rapports de l'islam avec la
démocratie. L'explication de l'intervention de SOS est sans doute là.
Mais ceci n'est que théâtralisation. Il y aura bien toujours
un Zemmour, un des deux Le Pen, un Ménard, un Estrosi, une Lévy et bien d'autres encore pour laisser échapper
des manifestations de leur maladie et permettre cette pantomime. C'est ailleurs
que réside l'essentiel bien que cette théâtralisation en soit un des piliers
essentiels. Car à partir d'elle on peut créer une jurisprudence, faire en sorte
que constater certains faits, comme un taux anormalement élevé de certaines
catégories de la population en prison, devienne tabou. Si vous le savez, le constatez,
en avez la preuve, ne le dites surtout pas.
Non l'essentiel c'est ces notions de bien et de mal dans
l'expression qui ont gagné les esprits. C'est ainsi qu'on circonscrit la
maladie. Même les gens les plus malades, atteints de dérapagite, accompagnent
très souvent leurs propos de malades par des nuances en atténuant la portée.
"J'ai dit ça, peut-être, mais sachez quand même que je condamne ceci et
cela et que donc mes propos ne sont pas ceux que vous pourriez penser sans
cette précision". Ouf! Malade peut-être, mais la guérison est encore
possible! Mais enfin, ça ne suffira pas toujours, car les thérapeutes, nos
veilleurs de nuit, de jour, savent se montrer intransigeants. Pas de relâche
dans ce métier, même si c'est le second pour la plupart, ces relais des médias
et associations. Nous blogueurs pouvons le constater régulièrement que la
vigilance reste entière.
Ce processus n'est évidemment pas nouveau, même s'il prend
de plus en plus de relief. Il génère des gens honteux, parce que se croyant
atteints de la maladie et qui n'ont que le secret de l'isoloir pour exprimer
anonymement ce qu'ils pensent, enfin pour encourager ceux des malades qui ont
dépassé ce stade de la honte et qui ont compris que la libre expression de leur
pathologie et la publicité qui en est faite avec ces dénonciations publiques,
ces procès est un sacré atout pour eux. C'est devenu le cauchemar des sondeurs.
L'idée générale, l'axe auquel je faisais allusion tout à
l'heure est donc bien celui-là: mettre l'expression sous camisole, on en revient
à l'évocation des fous, mais tout en prenant garde à ce que les pathologies
puissent quand même sporadiquement s'exprimer. Il faut bien en effet que réside
une menace d'épidémie pour ne pas avoir à jeter les clés de la camisole.
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