Il s'est passé ces derniers temps quelques événements qui auraient sans doute dû attirer davantage l'attention des observateurs, ou encore celle de nos europhiles patentés, mais surtout prétendus tels, qui devraient vouer Hollande et son gouvernement aux gémonies et encenser Merkel.
Il est vrai qu'à la veille des législatives qui, si la droite fait un score honorable, si les verts obtiennent un groupe parlementaire, comme prévu, et si le front de gauche poursuit sa percée, devrait nous rappeler un peu la 4ème République, les médias qui ont largement participé à l'élection de Hollande ne peuvent pas faire tout leur boulot. On se demande d'ailleurs si un jour ils en seront de nouveau capables et cesseront de nous endormir avec la normalité d'un président et de ses ministres dont on devrait finalement peu se soucier en cette période trouble.
Et la période trouble nous ramène évidemment à cette Europe ou plutôt à ce rêve inabouti qui par justement ce caractère nous prive d'issues claires à cette crise qui s'abat sur elle depuis ces dernières années.
Pour résumer a grands traits ce qui se passe actuellement, on peut dire que le fameux traité de Maastricht qui, notamment avec la non moins fameuse monnaie unique et non commune, en mettant, comme on dit familièrement la charrue avant les bœufs, mais je pense que c'était volontaire, et donc en dotant l'Europe d'instruments qui auraient dû être la suite logique d'une véritable intégration politique, économique, financière, fiscale et sociale, nous a plongé dans l'abime justement parce que cette intégration ne s'est pas faite ou alors si peu. C'est d'ailleurs pourquoi, et j'en reviens à cet acte délibéré évoqué juste au-dessus, quelqu'un comme Jacques Attali, négociateur de Maastricht, se réjouissait récemment publiquement dans une émission de télé, parce que, pensait-il, cette crise sans précédent allait obliger l'Europe a franchir les pas qu'elle n'aurait jamais fait sans elle. Nous aurions donc été manipulés par quelques apprentis-sorciers et néanmoins idéologues, qui voulaient nous amener là où ils voulaient, quitte à prendre le risque de démolir la baraque. Et c'est effectivement là où nous en sommes : soit l'Europe évolue institutionnellement, soit elle explose à assez court terme.
Or, l'évolution institutionnelle est rendue d'autant plus difficile que l'élargissement de l'Union Européenne s'est fait de façon inconsidérée, de même que la constitution de la zone euro, et qu'il n'y a pas à véritablement parler de peuple européen. S'il existe une civilisation européenne disposant d'un corpus de valeurs communes à toutes les nations composant l'union, et ce n'est peut-être provisoire si on n'y prend garde, si on peut, quel que soit sont rapport à la religion, se référer aux racines chrétiennes de l'Europe, formule rejetée malencontreusement par Chirac, il n'y a pas de culture européenne. On ne peut non plus négliger que sur le long terme l'Europe s'est constituée par des guerres internes incessantes qui ont sans aucun doute renforcé les particularismes nationaux. Mais a contrario, l'idée de guerre intra-européenne, même si quelques foyers de tension peuvent encore exister, héritage des traités qui ont ponctué le premier conflit mondial, est considérée désormais comme une impasse et ceci constitue un point d'appui non négligeable pour fonder quelque chose de commun et de solide. A condition toutefois de prendre conscience que les Etats dans leur forme actuelle, s'ils ne dépassent pas un seuil critique en termes de population qu'on peut évaluer à 100 millions, ne peuvent plus guère peser au niveau mondial. Or aucun Etat européen ne dépasse ce seuil. L'Allemagne s'en éloigne de par sa démographie, la France mettra encore quelques décennies à atteindre ce seuil mais aura perdu d'ici là sa cohérence et cohésion nationale, rongée par le communautarisme. Donc à l'échelle mondiale seule une Europe intégrée politiquement et économiquement peut compter, pas forcément d'ailleurs avec tous ses membres actuels. Car en effet il faudra peut-être envisager une intégration progressive en termes de membres plutôt que globale.
Ce que je veux signifier, c'est qu'il y a encore bien loin à une Europe de cœur, mais que l'Europe de la raison, elle, doit obligatoirement s'imposer. Sinon c'est vers l'abime que nous allons.
Alors que l'Union dans ses limites actuelles, mais elles pourraient être plus restreintes, a le potentiel de devenir la première puissance mondiale, à condition toutefois de renoncer à sacrifier sa défense, ce que font allégrement ses membres depuis des années, alors qu'elle aurait la possibilité d'être un partenaire solide face aux Etats-Unis, alors qu'elle dispose des atouts pour faire face à la mondialisation et à résister à la pressions des grands ensembles émergeants , elle en reste frileusement au niveau du dialogue intergouvernemental où les intérêts à court terme de chaque pays priment sur toute autre considération, et donc non seulement ne pèse rien au niveau international, mais encore y apparait furieusement divisée. Il est tout de même symptomatique de voir cette Union européenne représentée au G8 par 4 pays auxquels on ajoute le président du conseil européen et celui de la commission. C'est sûr que face à ce panel aux intérêts divergents, Obama doit jouer sur du velours.
Et pourtant, alors qu'il est tout de même assez aisé de faire ce triste constat, certains Etats dont la France restent dans une approche minimaliste du problème quand ils n'inversent pas les problématiques.
Et c'st là que s'opposent la France et L'Allemagne. Quand la France nouvellement socialiste n'a rien d'autre à proposer que de mutualiser les dettes des Etats de l'Union par la création d'euro-obligations, l'Allemagne, et pas seulement le CDU de Merkel, parle de réforme institutionnelle comme préalable à toute forme de mutualisation de la dette.
On voit là la différence entre deux pays dont l'un évoque parfois l'Europe sans y réfléchir vraiment sur le fond et l'autre qui l'a placé au cœur de ses discussions politiques depuis longtemps. Car la problématique européenne prend effectivement beaucoup de place dans les discussions au Bundestag appuyé efficacement par la cour constitutionnelle de Karlsruhe qui pose des balises, je vais y revenir. Tandis qu'en France, on n'a pas ce genre de débat incessant. Ce sont davantage les partis qui se sont accaparés la problématique pour la laisser tomber au seuil de l'Assemblée quand ils y sont représentés, pour souvent tenir de vagues discours qu'on pourrait résumer à "plus d'Europe", "moins d'Europe" ou "plus du tout d'Europe". La réflexion de fond est absente. Et du coup quand l'Allemagne, en pleine crise, dit qu'il faut réformer les institutions, on n'a pas les moyens de li répondre concrètement. Alors on lui dit "ce n'est pas le moment, résolvons d'abord la crise", ce qui revient en gros à dire "payez, acceptez notre solution tordue des euro-obligations, et on verra après". Sauf qu'après on ne voit jamais, car on se contente d'une médiocre stabilité. Attali et ses comparses nous ont lancé un défi il y a 20 ans qu'il faut relever maintenant. Cette crise doit effectivement permettre à l'Europe d'avancer, de se réformer en profondeur, ou alors elle consacrera la fin d'une épopée qui n'aura été qu'un leurre.
Je reviens en quelques mots sur la conception allemande. Contrairement à ce qu'on nous prétend sans cesse, l'Allemagne ou Merkel ne sont pas dans une position qui se veut égoïstement hégémonique. La contribution allemande, en général, et dans le cadre de la crise en particulier, devrait déjà tuer cette rumeur furieusement entretenue par certains pour se dédouaner de leurs responsabilités passées, présentes ou à venir. L'Allemagne et tous les partis politiques qui comptent (CDU/CSU, SPD, FDP et même verts) sont sans doute les plus européanistes du continent. C'est d'ailleurs pour cela que le débat sur l'Europe occupe une place très importante dans les débats politiques internes. Et la solution retenue pour l'Europe est le fédéralisme à terme. De son côté la cour constitutionnelle étudie la faisabilité des transferts de souveraineté qui vont avec cette marche vers une Europe fédérale. Elle est prête à en accepter d'autres que ceux qui existent actuellement, mais pose une limite. En gros il n'y aura plus de transferts de souveraineté tant qu'il n'y aura pas eu démocratisation des institutions européennes. Plus haut le parlais de cœur et de raison. Et c'est là sans doute, par la démocratisation de ces institutions dans lesquelles les peuples de l'Europe ne peuvent guère se reconnaitre, qu'il est possible de rapprocher les deux. En tout cas la position allemande me parait équilibrée. Et surtout pensée. Ce qui nous éloigne de cette courte vue qui prévaut actuellement en France.
Pour ceux qui me prendraient pour un européiste convaincu et penseraient que mes propos sont un plaidoyer idéologique, je voudrais signaler que j'ai voté "non" à Maastricht. Par contre j'ai voté "oui" au référendum sur le traité constitutionnel. Incohérence? Je ne pense pas. Mais quand on vous a embarqué de force dans un train il me parait plus raisonnable finalement d'essayer de s'accommoder au mieux du voyage que de tenter de sauter du train en marche ou de le faire dérailler. A mon avis la grande incohérence est du côté de ceux qui ont voté "oui" à Maastricht et "non" en 2005. Mais pour certains l'opportunisme politique peut s'affranchir de certaines logiques.
aux primaires PS, un seul a évoqué le fédéralisme UE, Baylé , RDC, ça a fait l'effet d'une mouche dans du lait
RépondreSupprimerNS a tenté de désengager l'Etat, autour de lui plus d'état a recolmaté et la gauche maintenant renforce l'état décentralisé, des états dans l'état
je crois que tout bêtement la France ne sait pas faire et, surtout ne saura pas garder la main, en plus le socle bruxellois est une foire d'empogne technocrate qui s'est calcaminée
je continue à réfléchir
merci de ce billet, ça calme un peu le désespoir
Je crois justement que l'objectif allemand, c'est de se débarrasser de cette technocratie bruxelloise qui ne représente qu'elle même. Tant qu'on aura cette commission les Européens ne pourront jamais adhérer au principe européen. ça me semble clair.
RépondreSupprimerLa France quant à elle me semble bien à la ramasse sur ce terrain. D'autant plus que le normal a voulu faire consensus entre les oui-ouiste et les nonistes, comme d'habitude.Donc immobilisme assuré.