"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 18 février 2011

L'affaire Cassez ou les ravages de la diplomatie

L'affaire Cassez aurait pu être la banale histoire d'une détenue française à l'étranger qu'un gouvernement, pour des raisons humanitaires, tente de rapatrier en France pour qu'elle y purge sa peine. Il y a, en effet, environ 2000 Français qui actuellement purgent une peine de prison à l'étranger, essentiellement pour des questions de trafic de drogue. Et si la France mettait autant d'ardeur maladroite à les faire transférer, il y a fort à parier que nous serions fâchés avec une bonne partie de la planète. Ce qui n'est pas le cas fort heureusement.

En effet, depuis l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, le nombre de prisonniers rapatriés semble assez faible. Et il doit l'être compte tenu de la médiatisation des quelques affaires de ce type qui se sont déroulées ces dernières années. Sans parler de celle des infirmières bulgares que Cécilia Sarkozy est allé récupérer chez Khadafi, je ne me souviens guère que de cette pitoyable histoire de l'arche de Zoé, cette fameuse bande d'humanitaires "voleurs et revendeurs" d'enfants tchadiens ou de celle du rapatriement en grande pompe, aux frais de la République et en compagnie d'un ministre, de ces deux jeunes filles graciées par le gouvernement dominicain après avoir été condamnées parce qu'on avait découvert dans leurs valises six kilos de drogue, placés là bien évidemment à l'insu de leur plein gré, les pauvres. Ceci dit, il n'est pas impossible que ces deux événements aient induit une certaine défiance chez les autorités des pays où sont incarcérés certains Français qui doivent, à juste titre, se persuader qu'un transfert de détenu vers la France correspond soit à une amnistie, soit à un allègement considérable de la peine infligée. Et c'est peut-être là au départ qu'il faut chercher les réticences mexicaines au transfert de Florence Cassez qui ont désormais passé ce stade, et on le comprend, face aux réactions officielles de la France face à elles.

Car en effet, un frein possible au transfèrement (décidemment je n'aime pas ce mot, mais c'est celui qui est utilisé officiellement et qui figure dans la convention de Strasbourg) de détenus jugés vers la France est la non correspondance des peines, et peut-être au-delà de leur application, avec le pays ayant émis la condamnation. Quand on sait qu'en France, une perpétuité actuellement correspond dans les faits à en gros 22 ans de réclusion, on comprend que les Mexicains en vertu d'une règle de 3, impossible en l'occurrence, peuvent imaginer à juste titre une libération de Florence Cassez dans une dizaine d'années au pire, compte tenu du fait qu'elle a déjà effectué 5 ans. Par ailleurs la conversion de la peine est rendue possible par la convention de Strasbourg pour la mettre en adéquation avec la sanction prévue pour les mêmes faits dans le pays d'accueil, avec cette limite que la peine ne peut être aggravée. La grâce peut également être accordée, ce qui dans l'affaire Cassez n'est pas totalement anodin, comme nous le verrons.
Et donc alors qu'effectivement une commission bipartite s'est réunie pour examiner les conditions futures de l'exécution de la peine de Florence Cassez en France, les Mexicains n'ont pas jugé suffisantes les garanties que pouvait proposer la France et ont rejeté la demande de transfèrement. A bon droit d'ailleurs, car la convention de Strasbourg à laquelle a adhéré le Mexique en 2007 n'impose pas le transfèrement quand l'un des deux Etats le demande, laissant à chacun d'eux la possibilité de le refuser. Ce qui au passage indique quelque peu l'inutilité de cette convention édictée sous l'égide du Conseil de l'Europe en 1983.

Dans l'affaire Cassez, la convention est apparue d'ailleurs assez dépassée. Elle précise en effet que la procédure mise en œuvre doit être exercée par les ministères de la justice des deux Etats concernés. Or, en l'occurrence on a pu se rendre compte que la diplomatie a pris le pas sur la justice, sans oublier également la prise en compte d'éléments de politique intérieure dans les deux pays, surtout au Mexique d'ailleurs.

Ça commence en 2009 quand Sarkozy en visite officielle au Mexique sollicite son homologue mexicain pour un transfèrement de Florence Cassez. Même si celui-ci se montre apparemment assez compréhensif, en théorie la décision, en vertu de la séparation des pouvoirs, ne lui appartient pas. Mais comme la parole d'un chef d'Etat représente un certain poids on peut se prendre à rêver et à cultiver des illusions. C'est oublier que le Mexique n'est pas le Tchad et n'est pas non plus un pays sous-développé. Et que les moyens de pression de la France sur le Mexique sont inexistants, tant sur les plans stratégique qu'économique (moins de 2 milliards d'euros d'exportations vers le Mexique et moins de 1 milliard dans le sens inverse). En fait cette demande semble s'apparenter davantage à une volonté de médiatiser l'action de notre président qu'à une recherche effective d'efficacité. Et d'ailleurs on peut penser que cette médiatisation est surtout contreproductive dans la mesure où l'affaire Cassez est emblématique d'un problème mexicain qui requière des solutions radicales. En effet, le Mexique souffre de deux maux principaux qui sont le trafic de drogue et les demandes de rançons suite à enlèvement et d'ailleurs souvent suivis de l'exécution des otages, même si la rançon est payée. Alors effectivement peut-être que Florence Cassez est innocente des faits qui lui sont reprochés, mais là je n'en mettrai pas ma main à couper, mais en tout état de cause la justice mexicaine a tranché, sévèrement et selon les attentes de la population mexicaine. Et pour ma part, je ne reprocherai pas à une justice de juger les gens au nom de leur peuple, ce qui semble parfois oublié sous d'autres latitudes qui nous sont proches. Donc réveiller cette affaire en la médiatisant ne pouvait que nuire, compte tenu de l'opinion publique mexicaine, à une solution satisfaisante.
Et effectivement celle-ci n'a pas été trouvée. La commission chargée de débattre sur le transfèrement de la détenue française a abouti sur un refus du Mexique parce qu'il n'a pas pu obtenir toutes les garanties qu'il souhaitait, et les recours judiciaires mexicains sont arrivés à terme avec un refus de la cour de cassation locale de casser le jugement.
Alors certes peut-être que des éléments portés à notre connaissance, ou d'autres, semblent indiquer l'iniquité du procès de Florence Cassez. Peut-être peut-on se sentir révolté suite à la peine infligée qui effectivement ne correspond pas à notre laxisme judiciaire quand il s'agit de crimes et délits perpétrés chez nous. Mais doit-on pour autant en arriver à la situation actuelle de crise diplomatique au moment où devait s'ouvrir l'année France-Mexique ? Ou encore fallait-il se servir des célébrations prévues pour fêter l'amitié entre deux peuples qui auront du mal d'ailleurs à se trouver plus d'antagonismes que de points de rapprochement, historiquement parlant, pour faire pression sur l'Etat mexicain?
Assurément non.
Au contraire, plutôt que de menacer d'abord de la supprimer, d'annoncer en tant que ministre des affaires étrangères qu'on ne participerait à aucune manifestation, d'annoncer que chacune d'entre elles serait précédée d'une évocation de l'affaire Cassez, peut-être aurait-il fallu utiliser cette événement, réservé aux élites et aux bobos, pour calmer le jeu. Et demander, par exemple, en fin d'année un geste de conciliation destiné à renforcer les liens indéfectibles unissant les deux pays. C'est juste une idée en l'air. Mais non, on a préféré jouer les matamores, avec les conséquences multiples que ça aura autant pour les relations entre les deux pays que pour Florence Cassez qui, à mon avis n'est pas près de revoir le ciel de France.
Car, en effet, s'agissant de notre détenue, il apparait désormais si on écoute différents discours, et même si ce n'est pas encore dit explicitement mais presque, qu'elle est évidemment innocente et qu'elle a fait l'objet d'une machination. C'est peut-être vrai, mais c'est sans doute maladroit de l'annoncer. Car désormais les Mexicains, à juste titre, verront dans un éventuel transfèrement une grâce et donc la fin de la peine infligée.

Pour terminer et pour tenter de comprendre les sentiments vis-à-vis de la France qui peuvent animer les Mexicains, je souhaiterais rappeler que les rares relations qu'a pu avoir le Mexique avec la France ont été généralement tumultueuses. En premier lieu, la guerre d'indépendance débute alors qu'à la tête de l'Espagne on trouve Joseph Bonaparte, mais espérons que les Mexicains ne se souviennent que de l'Espagne. Ensuite en 1838, ils furent attaqués et subirent un blocus de la part de la marine de Louis-Philippe venue réclamer le paiement d'une dette. Et enfin, ils eurent le bonheur de voir les troupes impériales françaises de Napoléon III leur imposer un empereur autrichien (Maximilien de Habsbourg) qui finira d'ailleurs devant un peloton d'exécution. Quant à nous nous conservons de cette expédition malheureuse la main de bois du capitaine Danjou gardée amoureusement par la Légion Etrangère.

5 commentaires:

  1. Il y a un blog de soutien à Florence Cassez sur le web

    Son avocat du moment a brossé l'affaire plusieurs fois en médias

    En France une telle justice n'existe pas, même si notre justice se prend les pieds dans l'application, le suivi, du fait en partie parce qu'à force justement de développer des circuits garants du juste, le système est devenu complexe et ses hommes sur le carreau
    même si à force d'être juste, quand la peine est prononcée le détenu est libre vu le temps mis (condamnation par UE à venir)

    Il y a les risques diplomatiques, il y a le risque pour FC, mais il y a notre conviction chevillée: nous français, sur ce coup on est meilleurs que le Mexique et si les mexicains tiennent à cette justice qu'au moins on soit sûrs qu'ils comprennent la comparaison et qu'ils soient certains que ce n'est pas leur police/justice qui va les sortir de l'hécatombe en rue

    96 ans ramenés à 60, remarquez ils ne sont pas tout seuls à inventer ça

    Un délit, une preuve, un procés, une peine au barême international...utopie?

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  2. Vous touchez du doigt le fond du problème. Chaque pays a sa justice, avec ses procédures, ses sanctions, son indépendance relative. Dès lors la convention de Strasbourg, sauf quand les justices se ressemblent ou quand un Etat peut faire subir des pressions à un autre (cas du Tchad par exemple)est difficilement applicable sans concessions importantes.
    Ce qui veut dire en gros que ces textes internationaux sur les droits de l'homme ne sont que des principes, enfin du vent, qui ne trouvent pas leur traduction dans la pratique.
    Ce genre de dossier (harmonisation des peines) pourrait être pris en compte par l'ONU, cet organisme qui ne sert plus à rien désormais qu'à entretenir grassement une nuée de fonctionnaires internationaux (j'ai du concret là-dessus pour en avoir rencontré de près) eux-mêmes persuadés de leur inutilité. mais comme la soupe est excellente, pas question qu'ils partent.
    La manière de voir le cas Cassez en France relève à mon sens du chauvinisme. Alors que les Français semblent réclamer des peines plus lourdes pour les criminels, s'émeuvent devant les réductions de peine,..., les voilà qui s'indignent du sort fait à une de leurs compatriote à l'étranger quand celle-ci est traitée comme ils voudraient que le soient les criminels chez eux. Mais bien entendu pour que cela soit crédible, il faut évidemment qu'elle soit innocente. Or, rien ne me parait moins évident.

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  3. il y a deux mecs qui manquent
    De Gaulle pour se marrer de ce qu'on a fait avec le traîté de Rome, mais il n'est pas innocent et mourir définitivement de rire avec le "machin" qu'est devenu l'ONU

    Le deuxième, c'est Coluche

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  4. SOS

    J'ai titré mes billets pour les classer et je voudrais faire apparaître le classement

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  5. Je ne vois pas trop ce que vous voulez faire. Normalement c'est par mots clés qu'on peut classer ses textes. Comme vous en avez sous vos textes, ça devrait être facile.

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