Chères et chers compatriotes,
Voilà une année déjà qu'une majorité relative parmi vous m'a porté aux plus hautes fonctions de notre République. Cette année vous a semblé longue et difficile. Rassurez-vous, à moi aussi elle a semblé longue et difficile. Nous avons au moins ça en commun. Mais reconnaissez tout de même que c'est vous qui vous êtes mis dans la panade, du moins les inconscients qui ont jeté dans l'urne un bulletin portant mon nom.
Je sais et je savais lorsque je me suis présenté à cette élection que vous n'attendiez rien de particulier, de bon, devrais-je dire, venant de moi. Au moins vous n'aurez pas été déçus et ceux-là qui attendaient le pire, et qui donc n'ont pas voté pour moi, ni au premier, ni au second tour, l'auront été encore moins. C'est un fait, je ne suis pas fait pour ce job. Vous auriez quand même dû en prendre conscience dès lors que jamais un président ou un premier ministre n'a voulu me confier de responsabilités. J'ai toujours été un homme de parti arrivé au sommet du PS au moment où il n'était pas question pour un premier secrétaire de faire de l'ombre aux éléphants. Comme ensuite la situation s'est dégradée, je vous rappelle la honte du 21 avril 2002 et les affrontements internes au parti lors du référendum sur le traité constitutionnel, alors ils m'ont laissé, attendant des jours meilleurs pour se mettre en lumière. En 2007, en tant que premier secrétaire il eût été logique que je sois le candidat du PS. Mais ma candidature face aux candidats déclarés paraissait trop ridicule pour que je m'y risque. J'ai donc continué à faire des synthèses avant de me faire oublier, laissant les autres se griller de façon parfois aussi spectaculaire qu'inattendue. Car si je suis nul dès lors que j'ai plus d'une personne, moi compris, à manager, je suis un gros malin. Enarque quand même, hein! Ça en jette! Et donc j'ai remarqué que l'inaction, le grand vide, le néant étaient souvent plus porteurs que l'action. On aime les hommes d'action en France, mais pas trop longtemps. Rappelez-vous de de Gaulle. Au bout de 10 ans, et malgré tous ses mérites, on n'en voulait plus. Par contre ceux qui ne font rien sont très vite populaires et plébiscités, même, et c'est dramatique, je l'admets, quand c'est un homme à poigne, un vrai réformateur qu'il faudrait à la tête d'un pays à la dérive que je ne désespère pas de couler tout à fait. Eh non! Vous en êtes encore à imaginer que celui qui apaisera vos maux doit être un homme paisible, en apparence, en fait souvent un jouisseur donc ayant des sujets d'intérêts prioritaires autres que le service de l'Etat. DSK, que je remercie au passage, l'était, vous savez dans quel domaine. Moi aussi dans un autre registre, vous le connaissez également.
Mais revenons un peu en arrière. Car je me rends compte qu'avec en gros encore un quart des Français qui m'accorde une confiance parfois relative certes, il y en a qui n'ont pas encore tout compris.
Bon, je ne vais pas vous raconter mon enfance et ma jeunesse dorées… enfin très difficile pardon. Si ça n'avait pas été le cas j'aurais aimé les riches. Non, j'ai vécu l'enfer de Neuilly et ça vous ne pouvez pas comprendre ce que c'est. Eh oui, j'ai été privé de "populo" pendant toute ma vie. Et j'ai du mal à m'en remettre. Du coup je n'aime pas les riches. Et je fais tout pour ne pas en être un, du moins pour ne pas payer l'ISF, cet impôt débile, euh juste, pardon, mis en place par l'autre François. Mais je suis vraiment limite limite et une union officialisée ou une hausse de l'immobilier à Mougins (on me souffle qu'elle a eu lieu il y a déjà un bout de temps… mais chut!) et je passe dans la catégorie infâme. Et puis vous avez vu : j'ai fait baisser mes émoluments de président. Enfin j'ai voulu, mais pas le conseil constitutionnel. Mais restons discrets à ce sujet. Et puis j'ai pris le train, du moins au début. Il y a avait bien des avions qui suivaient, si j'ose dire, rien que pour les bagages, mais je l'ai fait. Mais Valérie n'aime pas. Et ce que femme veut… Enfin surtout elle. J'aime bien les dominatrices, vous l'aurez remarqué. Avec Ségo, je me serais déplacé en Heulliez électrique, avec un camion derrière pour les batteries de rechange. Pauvre Ségo, rien ne lui réussit, surtout pas moi. Mais ça c'est général.
Bon j'en reviens à mon propos. Jeune énarque joufflu, je me retrouve dans l'orbite de Mitterrand. Grâce à Ségo qui avait tapé dans l'œil au vieux. Il a eu droit à un lot. Elle plus moi. On m'a fait jouer les Caton à la radio. En fait c'est le seul truc marquant que j'ai fait. Après il a fallu que je galère pour devenir député. On ne donne pas de circonscriptions faciles aux losers. Faut qu'ils patientent le temps que les électeurs se lassent de leur vieux député et en choisissent un d'un autre bord. D'où ma carrière dans ce trou. Mais on y mange bien. D'ailleurs ça s'est vu. Et puis parallèlement dans le parti, je me fais connaitre. Pas comme quelqu'un qui a des idées, mais comme le gars sympa, bien avec tout le monde. Pas d'envergure mais sympa. Et de fil en aiguille quand on cherche quelqu'un qui n'a pas d'envergure pour prendre les rênes du PS, eh bien comme je suis sympa avec tout le monde, et encore plus d'accord avec tous, même quand ils ne sont pas du tout d'accord entre eux, c'est à moi qu'on pense pour diriger la boutique. Et là je me mets à faire des synthèses. Pendant 11 ans. C'est ma marque de fabrique. Certes je ne dirige rien, j'en suis bien incapable. Mais j'observe et ferme les yeux à l'occasion. Ne me parlez pas de certaines fédérations qui font la une en ce moment, je n'ai rien vu. Et en 2008, je me retire. Faut dire que mon passage n'aura pas été glorieux comme en témoigneront les éléphants, éléphantes et éléphanteaux. Il est donc temps de me faire oublier un peu. Et de changer de look. Crise de milieu de vie. Changement de femme. Régime (quelle horreur!). Nouvelles lunettes. Implants Cahuzac payés de la main à la main là où c'est déplumé. Teinture. Ça ne me rend pas plus beau, mais ça fait parler. Au moins j'existe. Et je ne fais rien. Si, je coule le département dont je prends les rênes. Mais ils m'aiment bien là-bas, même si je les endette pour des décennies avec mes cadeaux. Faut être populaire localement pour espérer un destin national. Je serai candidat. Enfin à la primaire. Si je perds, je serai peut-être ministre, ce qui n'est pas si mal quand on n'a jamais rien récolté que des quolibets pendant sa carrière politique. Et puis là, miracle! Le choc DSK! Les espoirs peuvent renaitre. Ségo énerve tout le monde, la mère tapedur fait peur, Montebourg joue trop à gauche tandis qu'il a un look de droite, et Valls, lui, il s'est trompé de parti quand il a voulu se lancer en politique. Il suffisait que je fasse la synthèse des quatre pour l'emporter.
Ensuite facile. Comme Sarko énervait, j'ai joué sur du velours. Quoique il n'aurait pas fallu que ça dure un mois de plus la campagne, sinon j'étais marron. Les efforts longs, j'aime pas ça. Les autres non plus d'ailleurs. J'aime pas les efforts tout court. Un peu feignasse sur les bords le François et beaucoup au milieu. Mais c'est quand même passé, même si maintenant vous vous en mordez les doigts ou autre chose s'agissant des hommes.
Me voilà donc président. Un mauvais président semble-t-il, d'après ce que je lis. On ne me respecte guère. Même mes conseillers les plus proches me surnomment pépère. C'est pour vous dire.
Je ne tiens pas mes promesses, sauf le mariage pour tous. Mais ça c'est parce que j'avais promis de rassembler les Français. Il fallait donc que je tienne la première pour ne pas tenir la seconde.
Je n'ai pas renégocié le traité dit Merkozy. Malgré cette allégeance à Merkel, elle ne peut pas m'encadrer. En fait il n'y a que ceux du sud de l'Europe qui ne me méprisent pas trop. Ils espèrent des choses de moi. En vain. Mais je crois qu'ils commencent à s'en rendre compte. En fait je crois que je passe partout pour un rigolo, dans tous les sens du terme. Même le chameau qu'on m'avait offert au Mali, il a fini en tajine. C'est un peu de ma faute. Quand on me l'a offert, j'ai téléphoné à la maison, enfin à l'Elysée, à Valérie. Je lui ai dit que je rentrais avec un chameau. Elle m'a dit si tu fais ça tu ne remets plus les pieds à la maison, enfin à l'Elysée qui est aussi sa maison avec son cabinet qui occupe toute une aile. Ça l'aurait foutu mal quand même. Alors j'ai cédé. Comme d'habitude.
Eh oui, il y a plein de choses que j'avais promises. Un déficit budgétaire à 3%, moins de chômeurs, une solution pour Florange et Petroplus, la lutte contre la finance (chose que j'avais démentie dès le surlendemain à la City. De temps en temps faut quand même être sérieux), la réforme du statut pénal du chef de l'Etat (ne l'ayant pas faite, ni même initiée, les huissiers peuvent toujours se pointer à l'Elysée pour m'inviter à témoigner sur les turpitudes de mes amis, enfin les anciens, dont je n'avais d'ailleurs pas connaissance, comme pour Cahuzac) et puis tout un tas de trucs.
Le gouvernement est aussi mauvais que moi. Pas un jour sans qu'un ministre démente les propos d'un autre, pas un jour sans que soit dite une ânerie, pas un jour sans que mon autorité (ne riez pas, c'est juste une expression) ou celle de mon copain premier ministre ne soit bafouée. Y a même l'autre, l'écolo qui refuse de prendre l'avion parce que Valls renvoie un clandestin au pays. Bon, vous voyez le tableau. C'est pas glorieux. Mais je me dis que si on continue sur cette lancée on va faire fort et même très fort. On va réussir à faire défiler contre nous dans un même cortège Mélenchon et Le Pen bras dessus-bras dessous.
Alors vous en avez marre, même beaucoup marre. Et je vous comprends. D'où cette lettre.
Je parie que certains pensent que je vais démissionner. Ce serait logique et dans l'intérêt général. Eh bien non! Vous savez, ce poste j'en rêvais déjà quand j'étais petit. Les petits gros dans la cour de récréation, ça a des rêves de puissance. Et puis vous ne savez pas ce que j'ai enduré. Et voilà que tous ceux qui se moquaient de moi sont mes obligés. Vous imaginez ce que doit penser Fabius depuis mon élection. Il doit en être malade à chaque fois qu'il me voit ou m'entend. Et la mère Tapedur qui rêve de Matignon. Et tous les autres parce que peu m'estiment vraiment. Et vous croyez que je vais laisser tomber ça. Sans parler de la cuisine de l'Elysée.
Non, non. Cette lettre, c'est pour vous dire de prendre votre mal en patience. Encore 4 ans à tirer. Vous l'avez voulu après tout. J'y suis, j'y reste. C'est d'ailleurs un ancien président de la République qui a dit cela. Dont acte.
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