J'aurais pu intituler ce billet "dans les ténèbres" ou encore "la risée du monde". Un de nos anciens premiers ministres, peu avare en formules souvent grotesques d'ailleurs, avait déclaré un jour, c'était il y a une dizaine d'années, que la pente était raide mais la route droite. La pente est toujours raide, mais descendante, quant à la route, elle, elle est sinueuse à souhaits et de plus plongée dans le brouillard le plus épais. Quant au pilote, on a l'impression qu'il est beurré. Du coup il ne se souvient plus de ce qu'il disait il y a un an, et plus personne de sensé ne prend plus cette équipe au sérieux. Même les chefs d'entreprise étrangers, anciens potentiels investisseurs, ne prennent même plus de gants pour signifier à cette équipe leur mépris, s'attelant même à être les plus désagréables possibles. Quelle misère!
Souvenons-nous! Il y a un an un homme aux cheveux teints et au cou de poulet, conséquence un sévère régime alimentaire depuis abandonné, et prenant les postures du défunt Tonton déclarait la guerre à la finance. Il voulait taxer les revenus des riches à 75% au-delà du premier million d'euros de revenus annuels. Il voulait aussi réformer l'Europe, lui imprimer sa marque, en finir avec cette austérité avalisée par celui auquel il allait succéder, en finir avec la prééminence de la chancelière Merkel. A cette époque, rappelons-nous, on parlait encore du couple Merkozy, même si on était conscient que le second terme du couple était le plus faible, mais au moins on avait l'impression de peser au moins encore un peu sur cette Europe. Il refusait de faire ratifier le traité européen de stabilité budgétaire en l'état. Il promettait de ramener le déficit budgétaire à 3% à la fin de 2013. Il voulait moraliser la vie politique, modifier le statut du président de la République, interdire le cumul des mandats, s'appuyer sur les compétences et la loyauté à la République plutôt que sur la loyauté au président. Il voulait donner le droit de vote aux étrangers aux élections locales. Il voulait que les homosexuels puissent se marier et adopter. Il voulait rassembler les Français.
Moins de 10 mois après son élection sur ces promesses que reste-t-il de ces dernières?
La finance se porte comme un charme. Les revenus supérieurs à un million d'euros ne seront pas taxés à 75%. Le traité de stabilité européen a été ratifié sans qu'une virgule ait été retirée du texte initial. L'Europe est désormais placée sous l'égide du couple Merkeron. Il est rentré du dernier sommet européen, après avoir tenu un discours téméraire quelques jours plus tôt devant le parlement européen, renforçant encore le ridicule de la chose, la queue entre les jambes, humilié. Le déficit budgétaire sera supérieur à 3%. C'est désormais officiel. La fin du cumul des mandats est repoussée aux calendes grecques. La promotion Voltaire a été casée, sauf de Villepin. Ségolène, le sparadrap de la vie politique française devient n°3 de la BPI (vice-présidente, dont après de président et le directeur exécutif, celui qui bosse), un os à ronger en attendant que Valérie l'autorise à avoir mieux. Les hauts fonctionnaires, dès lors qu'ils ont été nommés sous la droite, continuent à être remplacés. Les riches et les moins riches aussi, mais qui espèrent le devenir, mettent les voiles. Les étrangers ne voteront pas aux élections locales sous ce quinquennat. Les homosexuels pourront se marier et adopter, mais en contrepartie on aura vu une mobilisation jamais atteinte depuis l'époque ou Tonton voulait tordre le cou à l'enseignement privé. Et puis parce qu'on parle d'enseignement, même les profs fer de lance du socialisme de progrès, battent la rue de leurs semelles, refusant les réformes qu'on veut leur imposer. La gauche du PS et la gauche de la gauche qui a permis l'élection de celui qui représenta son parti par défaut s'enfonce dans ses désillusions. Ne reste que les promesses électorales, enfin les magouilles politicardes entre appareils du même nom, ces trucs qu'on appelle accords électoraux et qui permettent à certains partis d'être surreprésentés, parfois très largement, en élus par rapport à leur poids réel, tandis que d'autres plus puissants sont exclus ou presque de la représentation, nationale, régionale, départementale ou locale, ne reste donc plus que ces petits arrangements entre faux amis pour calmer un peu les appareils, l'appel de la soupe restant dans ces cas-là prépondérant.
Voilà où on en est. Sans oublier évidemment une nouvelle guerre dans laquelle nous nous sommes lancés, sans doute à raison, vu les circonstances et l'urgence, mais sans en mesurer vraiment sans doute les causes profondes, les enjeux et les risques. Du moins sur ces plans-là, c'est comme pour les opérations, on est en mode silence radio. Mais au moins on pourra constater que les encouragements de nos partenaires habituels et alliés en resteront à ce niveau quant à leur participation, quelques aumônes symboliques mises à part. Ce qui fait que ce qui fut la cause il y a quelques petites semaines de ce qu'il qualifia la plus belle journée de sa vie politique risque de devenir pour notre chef des armées son cauchemar d'ici assez peu de temps et de façon durable. Je ne lui souhaite pas, car si sa vie à lui n'est pas en danger, d'autres la risquent et parfois la perdent. Mais la probabilité que ça devienne ainsi n'est pas négligeable. Et plutôt que de perdre son temps à faire des petites blagues sur le départ anticipé du pape ou l'absence définitive de Sarkozy, selon lui, au salon de l'agriculture, donc au lieu de jouer au comique-troupier, il ferait bien de tenter de surmonter sa nature facétieuse et de se mettre au boulot, au moins pour se faire quelques vrais alliés. Au passage on pourra rendre hommage aux Tchadiens à peu près les seuls militaires africains capables de combattre efficacement sur de terrain et dans ces conditions particulières et qui ont déjà commencé à payer un lourd tribut, épargnant peut-être quelques morts dans nos rangs. Enfin tout ça pour dire que si sur cette action militaire il est aussi mauvais que sur le reste en conduite, on est mal partis. A moins évidemment de planter là les Africains, comme il l'a fait avec nos alliés en Afghanistan. Le déshonneur n'atteint guère ce genre de personne, habituée à être raillée depuis des décennies.
Je pense en disant cela à ce mister Taylor, boss de Titan qui se permet en quelques lignes de cracher son mépris de ce gouvernement mais au-delà de la France. Et je me demande sous quel président cela aurait été possible. Non pas que le contenu de la lettre de ce patron américain soit dénué de tout fondement, notamment quand il considère notre cher syndicat, cher pas parce qu'on l'aime bien, mais par le coût qu'il pèse pour les contribuables qui le financent malgré eux, et par le coût en emplois perdus que ses actions impliquent. Pensons simplement aux ports français pour en avoir une petite idée. En fait le fond de cette lettre est discutable, mais ce n'est pas le sujet, même s'il mériterait d'être développé au moins parce que si c'est cela la vision de la France qu'on les investisseurs étrangers, ça fait peur.
La question qui m'intéresse ici c'est la forme. Comment se fait-il qu'un industriel se permette d'insulter publiquement un pays ou un gouvernement. C'est quand même assez rare. Faut dire qu'avec Montebourg insultant les entrepreneurs ces derniers (Peugeot, Mittal) ces derniers, au regard des résultats de ce gouvernement, de sa crédibilité, et considérant fort justement que c'est lui qui a davantage besoin d'eux que l'inverse, il ne leur prend même plus l'envie de garder une certaine réserve diplomatique ou de faire preuve de politesse. Un peu comme Cameron avec Hollande quand il invite les entrepreneurs, après cette fameuse invention de la taxe à 75% qui ne sera d'ailleurs pas appliquée, à venir faire fructifier leur patrimoine chez lui. Nous avons un chef de l'Etat et un gouvernement qui font office de punching-ball. C'était donc ça le changement promis! Enfin c'est quand même un peu la honte! Non? Et la réponse est à la hauteur : "monsieur, nos douanes auront un œil particulier sur vos produits." C'est grand, c'est fort, c'est socialiste!